Le réseau de l'UQ est remis en question

UQAM - scandale financier


Le fonctionnement du réseau de l'Université du Québec (UQ) est remis en question par ses propres constituantes. Plusieurs établissements prônent la réduction des pouvoirs du siège social au profit d'une plus grande autonomie des conseils d'administration locaux.
«Université en réseau ou réseau d'universités», voilà comment on peut résumer les deux visions qui s'affrontent par les temps qui courent au sein du réseau d'État. Le débat figurera d'ailleurs à l'ordre du jour de la prochaine Assemblée des gouverneurs du réseau UQ, où siègent notamment les chefs d'établissement des différentes constituantes.
Le réseau, qui chapeaute les universités en région, l'Université du Québec à Montréal (UQAM), l'École nationale d'administration publique (ENAP), l'Institut national de la recherche scientifique (INRS) et l'École de technologie supérieure (ETS), a été créé il y a de cela 40 ans. La loi qui le régit prévoit que les principales décisions des composantes doivent être entérinées par l'assemblée des gouverneurs de l'UQ.
L'UQAM a sonné la charge contre le siège social du réseau au début du mois en mettant au jeu une proposition de modification de la loi de l'UQ. Le document, qui a circulé dans les différents établissements et dont Le Devoir a obtenu copie, suggère que le réseau UQ devienne un simple regroupement d'établissements universitaires voué à la mise en commun de services. Les universités membres seraient donc pleinement autonomes et ne seraient plus assujetties au pouvoir réglementaire de l'UQ. L'organisme serait dirigé par une «Assemblée des recteurs et des directeurs généraux des établissements membres», qui élirait un président parmi les chefs d'établissement (il n'y aurait donc plus de membres externes, ni de président nommé par Québec).
Au siège social de l'UQ, le président Pierre Moreau s'est abstenu de commenter le document en question, préférant attendre l'issue des discussions à l'interne. La responsable des communications de l'UQ, Valérie Reuillard, a rappelé que «le rapport du Vérificateur général [sur l'UQAM] a soulevé l'importance de revoir la gouvernance».
Au fil du temps, les différentes composantes ont gagné en autonomie dans la pratique, bien que les pouvoirs de l'UQ demeurent sur papier très importants. Elles négocient, par exemple, directement leurs subventions avec Québec depuis le tournant du millénaire. Cela dit, les remontrances du Vérificateur général envers l'UQ au sujet de la dérive immobilière de l'UQAM pourraient inciter la direction à préconiser un pouvoir central plus fort. La table est donc mise pour une redéfinition des rôles et pouvoirs de chacun, d'autant plus que la ministre de l'Éducation mène une réflexion plus large sur la gouvernance des universités, qui devrait conduire à une loi cet automne.
Une réflexion large
Si l'UQAM figure au premier rang de ceux qui voudraient revoir en profondeur l'UQ, elle n'est pas isolée pour autant. Interrogés ce printemps par la ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne, au sujet de la gouvernance des universités, sept des neuf composantes de l'UQ ont ouvert la porte, à des degrés divers, à une redéfinition des rôles respectifs du réseau UQ et des conseils d'administration des établissements dans leurs commentaires, comme le rapporte le document produit par l'UQAM.
Le recteur de l'Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), Michel Belley, considère qu'une réflexion s'impose, 40 ans après l'adoption de la loi sur l'UQ. Sans appuyer la proposition émanant de l'UQAM, M. Belley y voit une «proposition intéressante» qui devra être discutée, comme d'autres, «sereinement». «Je suis plus de ce côté du spectre que du côté d'une centralisation plus forte», explique M. Belley, qui a déjà amorcé une réflexion avec son conseil d'administration local.
Son collègue de l'Université du Québec à Trois-Rivières, Ghislain Bourque juge lui aussi que l'heure d'une révision du modèle est venue. À l'instar de ses collègues contactés par Le Devoir, il se montre néanmoins circonspect sur la nouvelle forme que pourrait prendre l'UQ. «Dans l'état actuel des choses, il y a beaucoup de dédoublements dans le réseau en ce qui a trait aux représentations et à la gouvernance. [...] La réflexion devrait nous amener à repenser le réseau tel que défini et voir comment il peut s'ajuster aux autonomie de chacun des établissements», fait valoir M. Bourque, soulignant que l'actuel modèle d'organisation ne correspond plus à la réalité.
Pour y voir plus clair, il croit qu'une commission de l'UQ pourrait sillonner les différents campus pour sonder les âmes et les coeurs sur les différents modèles possibles. «On en est à dire ce qu'on ne veut plus, il faudra définir ce qu'on veut», poursuit M. Bourque.
Le directeur général de l'ÉNAP, Marcel Proulx, partage aussi l'analyse voulant qu'un chevauchement des paliers décisionnels puisse nuire à la gouvernance. Avec la volonté de la ministre de l'Éducation de renforcer la gouvernance et la reddition de compte au sein des conseils d'administration des universités, et le réflexe du réseau UQ de renforcer les mesures de contrôle après la crise à l'UQAM, on pourrait se retrouver devant un «excès de gouvernance», estime l'expert en administration publique. «L'expérience montre que si vous dédoublez les structures de gouvernance, vous ne renforcez pas la gouvernance, vous l'affaiblissez. Il est pertinent d'avoir une définition beaucoup plus rigoureuse des rôles de chacun», poursuit M. Proulx.
Cette délicate discussion déjà amorcée entre les chefs d'établissement et les représentants du siège social du réseau devrait se poursuivre lors de l'assemblée des gouverneurs de l'UQ la semaine prochaine, en présence des membres indépendants.
En entrevue au Devoir au début de septembre, la ministre de l'Éducation s'était montrée ouverte à revoir le modèle de l'UQ, mais n'y voyait pas d'urgence. Mme Courchesne était néanmoins résolue à présenter cet automne un projet de loi sur la gouvernance des universités, prévoyant notamment la présence de deux tiers de membres externes sur les conseils d'administration. La réflexion sur l'UQ viendra dans un deuxième temps, avait précisé la ministre.


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