Fiasco financier à l'UQAM

Les affaires criminelles s'en mêlent

Le gouvernement Charest a transmis le rapport du Vérificateur au Directeur des poursuites criminelles et pénales

UQAM - scandale financier


La recette parfaite pour un désastre. Des dirigeants de l'UQAM qui fonctionnent en vase clos pour mieux se lancer dans un projet pharaonique, les soupapes de sécurité télescopées, le ministère de l'Éducation qui dort au gaz. Résultat: un désastre de plusieurs centaines de millions au coeur de Montréal, le gouvernement Charest dans l'embarras et le Directeur des poursuites criminelles et pénales appelé à la rescousse.
Le gouvernement Charest a transmis hier au Directeur des poursuites criminelles et pénales le rapport du Vérificateur général sur la gestion des projets immobiliers de l'Université du Québec à Montréal, qui lève le voile sur une série de décisions mal avisées, prises sous la direction de Roch Denis, l'ancien recteur.
"Il semble que des informations qui ont été transmises étaient fausses. Il y a des interrogations qui sont passablement sérieuses quant à la façon dont la gouvernance était administrée. D'autres analyseront le rapport et feront les conclusions qu'ils doivent faire", a soutenu hier la ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne.
Le rapport du Vérificateur est cinglant à l'endroit du trio d'administrateurs formé du recteur Roch Denis, du vice-recteur Mauro Malservisi et du directeur aux immobilisations Nicolas Buono. Les deux premiers ont quitté l'université après que le dérapage financier des projets immobiliers du Complexe scientifique et de l'îlot Voyageur eut éclaté au grand jour. Le troisième a été carrément congédié.
Hier en point de presse, le vérificateur général, Renaud Lachance, a confirmé les informations publiées par La Presse. En cours d'enquête, il a senti le besoin de rencontrer des policiers de la Sûreté du Québec pour les prévenir qu'il pensait devoir transférer le dossier aux crimes économiques. "C'était une rencontre exploratoire", a dit M. Lachance, qui, en remettant son rapport, a préféré confier à d'autres la décision de poursuivre l'enquête. Le directeur des poursuites criminelles, Me Louis Dionne, aura à décider si le dossier doit être transmis à la Sûreté du Québec pour une enquête formelle.
Le rapport du Vérificateur foisonne d'exemples où des informations névralgiques sur les deux projets immobiliers n'ont pas été transmises correctement au conseil d'administration, aux gouverneurs de l'Université du Québec ou au ministère de l'Éducation.
Dans son rapport, le Vérificateur soulève plusieurs questions sans fournir de réponses. Ainsi 1,7 million de contrats de services professionnels ont été accordés par le directeur Nicolas Buono, des mandats approuvés par le vice-recteur, sans suivre les règles du gouvernement en matière d'appels d'offres. Le Vérificateur observe, sans conclure, que les contrats paraissent avoir été fractionnés pour passer en dessous des 100 000$ et éviter d'avoir à obtenir une approbation du conseil exécutif.
Autre question sans réponse, le conseil d'administration de l'UQAM a été forcé d'adopter rapidement le projet de l'îlot Voyageur, sur la base d'un rapport produit par Samson Bélair. Les experts externes ont produit une "analyse de rentabilité qui n'est pas rigoureuse et ne donne pas un portrait réaliste du projet. De plus, elle contient des erreurs importantes", poursuit le rapport du vérificateur. On était beaucoup trop optimiste quant aux recettes de location prévisibles, les 20$ du pied carré attendus étaient irréalistes pour la partie locative.
Le Vérificateur pose beaucoup de questions aussi sur des dispositions du contrat liant l'entrepreneur Busac à l'UQAM. Par exemple, Busac a inclus dans le prix à payer les taxes fédérales et provinciales, un gain net de 25 millions pour l'entreprise privée. "On n'a pas forcé la main à l'Université pour qu'elle signe le contrat", note toutefois Renaud Lachance en conférence de presse.
Busac, dans sa réponse au rapport, soutient qu'elle estime être "ultimement victime de l'incapacité avouée de l'UQAM de respecter ses obligations dans le cadre du développement de l'îlot Voyageur". Le chantier au centre-ville est stoppé, le temps que l'ancien premier ministre Lucien Bouchard, mandaté par l'UQAM, négocie une fin de contrat acceptable aux deux parties.
Le recteur Denis a collaboré de bonne grâce à l'enquête du Vérificateur. Nicolas Buono conclut sa réponse au rapport par cette phrase: "Je n'accepte pas les responsabilités qui me sont imposées dans les conclusions de votre rapport".


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