Cet été, le milieu du cinéma québécois réclamait à grands cris une aide de 20 millions de dollars à la ministre du Patrimoine canadien, Bev Oda, pour dénouer la crise de financement qui l'accable. Une aide est finalement venue, mais pas là où le milieu l'attendait. La ministre de la Culture et des Communications du Québec, Line Beauchamp, a en effet décidé de prendre la relève d'Ottawa en annonçant hier une aide spéciale de dix millions.
Cette subvention, qualifiée hier de «non récurrente» par Mme Beauchamp, permettra la réalisation de cinq à six longs métrages additionnels. Seuls une dizaine de longs métrages avaient obtenu le soutien financier nécessaire cette année, ce qui était bien en deçà du volume de production des dernières années, qui oscillait normalement entre 15 et 20 films.
Mais la ministre a été claire: cette aide ponctuelle versée au budget de la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC) ne se renouvellera pas l'an prochain. «Il est impératif [...] de trouver rapidement des solutions structurantes qui nous permettront de résoudre le problème de sous-financement de notre cinéma», a-t-elle précisé, invitant l'industrie à imaginer de nouveaux modèles d'affaires qui feraient davantage appel au secteur privé.
Cette initiative a été accueillie comme une bouffée d'air frais par le milieu du cinéma, même si l'aide se chiffre à dix millions et non à 20 millions, comme le réclamaient une quinzaine de producteurs, dont Denise Robert, Roger Frappier, Pierre Even et Marc Daigle. «Disons que c'est un bon début et qu'on va continuer à examiner différentes pistes de solution afin de faire en sorte que notre cinéma puisse continuer à se développer», a dit Mme Robert.
L'Association des producteurs de films et de télévision du Québec (APFTQ) s'est elle aussi réjouie de l'arrivée de cette aide immédiate qui, selon elle, favorisera la production d'une masse critique de films assez forte pour que le cinéma québécois puisse maintenir ses parts de marché.
À Téléfilm Canada, on s'est dit très heureux de voir Québec mettre son nez dans un dossier où elle a les mains et les poings liés. «Nous, nous avons déjà dépensé tous nos budgets», a expliqué Michel Pradier, directeur des opérations en français au bureau du Québec. La société d'État a d'ailleurs fait siennes les conclusions de la ministre Beauchamp selon lesquelles il faut impérativement trouver des «solutions structurantes».
À cet égard, Téléfilm Canada a déjà entrepris une vaste réflexion par le truchement de comités chargés d'étudier notamment la question des enveloppes à la performance et du financement alternatif pour le long métrage. Les premiers résultats de cette réflexion devraient être soumis aujourd'hui même aux membres des différents comités.
Selon la productrice Denise Robert, ce brassage d'idées est nécessaire pour assurer la santé du cinéma québécois. «Personne ne veut revivre cette crise-là, ça fait longtemps que ce sont les mêmes fonds, mais depuis, les jeunes cinéastes se sont fait connaître, et c'est une industrie qui a beaucoup évolué. Il faut que les fonds disponibles puissent à l'avenir accompagner l'évolution de cette industrie.»
Plus circonspect, le député de Mercier et porte-parole de l'opposition officielle en matière de culture et de communications, Daniel Turp, a estimé hier que cette annonce - bien que bienvenue - survient trop tard. «La ministre Beauchamp a mentionné que les projets retenus devront être tournés d'ici mars 2007. Or, au Québec, la majorité des films se tournent en été ou en automne. Les fonds annoncés seront-ils utilisés en totalité ou seront-ils périmés?»
Selon la ministre Beauchamp, cet investissement générera des retombées de plus de 32 millions dans l'économie québécoise. Il assurera la création de 500 à 600 nouveaux contrats de travail. De plus, le tournage de six nouveaux films pourrait se traduire par des dépenses totales de production de 27,4 millions et des dépenses de mise en marché de 4,8 millions.
Le Devoir
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Cinq objectifs à respecter
La ministre de la Culture et des Communications, Line Beauchamp, a invité le milieu cinématographique québécois à imaginer des solutions pour résoudre le sous-financement qui le mine. Selon elle, toute solution devrait poursuivre les cinq objectifs suivants:
- le nouveau modèle de développement du cinéma devra compter sur un accroissement du financement en provenance du secteur privé;
- il devra y avoir un «équilibre» entre l'aide aux créateurs reconnus et le soutien à la relève;
- l'argent des contribuables devra jouer davantage son effet de levier;
- il ne faudra pas pénaliser le cinéphile en augmentant le coût d'accès aux films;
- le gouvernement fédéral devra participer plus activement au «financement adéquat» d'un plus grand nombre de films québécois.
Presse canadienne
Cinéma : Québec prend le relais d'Ottawa
La ministre Beauchamp annonce une aide spéciale de 10 millions
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