UTILISATION DES ENVELOPPES À LA PERFORMANCE

Denise Robert critiquée par 43 réalisateurs

Cinéma québécois : crise de financement


Le film oscarisé Les Invasions barbares, réalisé par Denys Arcand et produit par Denise Robert, a connu une brillante carrière internationale. Cela a permis à la boîte de production Cinémaginaire d'empocher une prime à la performance de la part de Téléfilm Canada.

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Quarante-trois réalisateurs québécois se questionnent sur la façon dont la productrice Denise Robert a dépensé les sommes reçues de Téléfilm Canada par le système d'enveloppes à la performance. Du même coup, ils exigent carrément l'abolition de ce mode de financement de l'industrie cinématographique.
Dans une lettre ouverte signée entre autres par Robert Lepage, Francis Leclerc, Léa Pool, Bernard Émond et Denis Villeneuve, les réalisateurs disent ne pas comprendre le choix de Cinémaginaire, la boîte de production de Denise Robert, de consacrer les 2,7 millions de dollars reçus grâce à ce système contesté à un film qui s'est déjà vu refuser à trois reprises des demandes de financement.
«ll semble qu'elle n'a pas jugé bon d'investir cette importante enveloppe dans le film d'Arcand, mais plutôt dans le film d'Yves Desgagnés, Roméo et Juliette PQ, qui avait été refusé à l'aide sélective» peut-on lire dans la missive.
En juin dernier, la productrice s'était plainte du manque criant de financement pour les films québécois, indiquant que la situation ne lui permettrait pas de réaliser le prochain film de Denys Arcand, L'Âge des ténèbres. Le film n'avait pas obtenu la totalité de la subvention demandée à Téléfilm Canada.
Une quinzaine de membres de l'industrie et elle-même ont alors exigé de la ministre du Patrimoine canadien, Bev Oda, un fonds d'urgence de 20 millions pour le cinéma québécois. La ministre devrait proposer une solution au cours des prochaines semaines.
Réplique de la productrice
«C'est basé sur de fausses informations. Il n'y a jamais eu un choix entre L'Âge des ténèbres et Roméo et Juliette», répond Denise Robert aux signataires. Elle explique qu'elle travaille depuis 2003 à l'adaptation québécoise de la pièce de Shakespeare et que le distributeur Alliance Atlantis Vivafilm et la Société Radio-Canada sont toujours intéressés par le projet.
«Est-ce que je dis à Yves Desgagnés que je n'y crois plus parce que le projet a été refusé une troisième fois? Pas du tout», lance la productrice.
Elle ajoute que l'argent de l'enveloppe à la performance ne revenait pas de droit seulement à Denys Arcand, puisque d'autres films que Les Invasions barbares ont permis à Cinémaginaire d'obtenir 2,7 millions cette année, dont Nuit de noces, d'Émile Gaudreault.
Mme Robert croit qu'il est «sain» de remettre en question le système actuel de subventions des films, qui attribue 50 % des sommes selon les performances des productions antérieures et l'autre moitié selon la qualité du projet de film présenté.
«C'est important pour les créateurs de faire un deuxième et un troisième film, ce que mes enveloppes m'ont permis de faire», tient-elle toutefois à faire savoir.
Elle explique que ce système de rétribution lui permet de donner aux réalisateurs avec qui elle travaille du temps pour développer leurs idées avant de présenter les demandes de subventions. Cela leur assure du même coup une sécurité financière, plaide-t-elle.
Pour Philippe Falardeau, l'un des signataires de la lettre ouverte, Denise Robert avait tout à fait le droit de financer Roméo et Juliette, mais cela démontre les problèmes du système de financement actuel. «C'est son choix et c'est ce que le système permet. Mais on ne peut pas vouloir de ce système-là et en dénoncer en même temps les incongruités, c'est-à-dire de ne pas avoir assez d'argent pour financer Arcand.»
Le réalisateur de La Moitié gauche du frigo se réjouit que Mme Robert veuille encourager ses réalisateurs, mais cela ne signifie pas que tous les producteurs ont la même réaction. Il voit en cela le risque lié au système d'enveloppes à la performance. «C'est très bien qu'elle le fasse, mais un système ne doit pas reposer sur la bonne volonté des individus, croit M. Falardeau. Il n'y a rien dans le système qui l'oblige à faire ça.»


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