Au terme de deux jours de caucus avec ses élus, Philippe Couillard était toujours aussi imprécis, mardi, au sujet de ce qu’il appelait en 2013 la « lutte contre l’intégrisme ». Le premier ministre est difficile à suivre en ces matières et préfère les distinctions sémantiques à l’action. Or, celle-ci se fait attendre.
Philippe Couillard aime avoir le mot juste : « Je suis comme un professeur, je vérifie chaque mot. » Cela est tout à l’honneur du premier ministre. Ils sont trop peu nombreux, en politique, à avoir ce souci. « Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde ! », disait Camus.
Mais en matière de laïcité — vocable que M. Couillard a désormais banni au profit de « neutralité religieuse » —, le premier ministre use de sa passion du vocabulaire de façon dilatoire. Son discours a tellement été mouvant depuis son arrivée à la tête du PLQ et ses raisons pour ne pas agir si nombreuses, qu’observateurs et citoyens n’arrivent pas à comprendre où il va. Cela confirme plusieurs choses. D’abord, qu’il est profondément mal à l’aise à l’idée de légiférer en ces domaines. Ses convictions multiculturalistes jouent ici à fond. Ensuite, qu’il est à la tête d’un caucus et d’un parti qui refusent l’action en ces domaines pour des raisons électorales.
Le 18 décembre 2013, M. Couillard dénonçait la charte des valeurs du gouvernement Marois parce que celle-ci passait, disait-il, à côté de la « véritable préoccupation de la population ». Et quelle était-elle ? « La menace que représentent, chez nous, l’extrémisme et tous les intégrismes religieux. » Son discours était des plus volontaristes : « À ceux qui viennent chez nous pour profiter de nos libertés et de notre démocratie pour ensuite s’y attaquer et ultimement les détruire, nous disons haut et fort : vous n’êtes pas les bienvenus chez nous, nous vous combattrons, nous vous poursuivrons sans relâche. […] Nous proposerons bientôt des moyens efficaces pour lutter contre cette menace qui, elle, est bien réelle. »
On dirait les idées de Fatima Houda-Pepin livrées avec la verve d’un Bernard Drainville ! Or, le 21 janvier 2014, peu de temps après l’exclusion — justement — de celle qui était alors sa députée de La Pinière, M. Couillard change de discours : « L’intégrisme au Québec, c’est un phénomène heureusement peu présent. » Bref, ce n’est plus tellement une menace. Tout de même, il faut nous doter, précise-t-il, « d’un organisme qui va documenter, étudier, mesurer et publier les résultats de ses travaux sur les manifestations de l’intégrisme ».
Depuis, d’authentiques terroristes, qui étaient aussi des intégristes islamistes (qualificatif qui semble rebuter le premier ministre), ont commis des attentats mortels à Saint-Jean-sur-Richelieu et à Ottawa. À Paris, des êtres de la même engeance ont massacré la rédaction de Charlie Hebdo. Que fait M. Couillard ? Il reporte toute action ; et jongle avec le vocabulaire. L’intégrisme est devenu un « choix personnel ». Ce à quoi il faut s’attaquer ? La « radicalisation ».
Théoriquement, il est vrai que l’intégrisme peut se vivre seul. Mais on peut convenir facilement que dans la presque totalité des cas, en conformité avec l’étymologie du mot religion — religare : « relier » —, l’intégrisme se vit collectivement (dans le monde réel ou virtuel). Reste qu’intégrisme et intégration sont antithétiques. Et comme le Philippe Couillard de 2013 le clamait, des intégristes veulent « profiter de nos libertés et de notre démocratie pour ensuite s’y attaquer et ultimement les détruire ». L’intégriste ne reconnaît que sa loi divine et veut l’imposer aux mépris des lois votées démocratiquement. C’est déjà un risque. Lorsque des droits sont enfreints, il faut sévir. Encore faut-il avoir des lois, un plan d’action. Or, notre premier ministre préfère les arguties et les querelles sémantiques.
M. COUILLARD ET L’INTÉGRISME
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