ABOLITION DE L’AIEQ

Ratatinement, II

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Démantèlement organisé et systématique des institutions de la Révolution tranquille, soit de tout ce qui a fait du Québec une société distincte

Encore une économie de bout de chandelle dirigée contre le savoir et la spécificité du Québec. Après les Expo-sciences et autres Débrouillards — dont les petites subventions ont finalement été rétablies — voilà que le gouvernement Couillard aurait décidé d’abolir le financement de l’Association internationale des études québécoises (AIEQ). Une décision déplorable, compte tenu des petits montants en jeu ; un choix qu’on a peine à s’expliquer autrement que par un projet délibéré de ratatinement.
Selon ce que des sources sûres ont confié au Devoir, l’AIEQ devra fermer ses portes au plus tard le 31 mars prochain. Le Conseil du trésor, récemment, aurait fait tomber le couperet. Comme dans le cas des Expo-sciences et des Débrouillards, le gouvernement doit, selon nous, faire marche arrière.

D’abord parce que l’AIEQ a une mission de rayonnement importante. Elle encourage et soutient « les activités de recherche, comme des cours, des colloques et des publications, qui aident à mieux faire comprendre le Québec ». Elle « met en réseau » quelque 3000 chercheurs dans 82 pays « qui se consacrent à l’étude du Québec » et les aide à « collaborer et échanger ». L’AIEQ met en lien des passionnés du Québec comme l’Allemand Ingo Kolboom, de Dresde. En lui remettant l’Ordre national du Québec en 2005, Jean Charest vanta son « leadership exemplaire », lequel a « incité des chercheurs des cinq continents à approfondir leurs connaissances » sur le Québec.

Pour une petite nation au statut périphérique comme la nôtre, aider ceux qui s’intéressent à nous est essentiel. Et on y gagne, le regard étranger nous permettant en bout de course de mieux nous comprendre. L’objectif est noble. Et ça ne coûte pas très cher : 160 000 dollars, auxquels s’ajoute le salaire d’un fonctionnaire du ministère des Relations internationales. De plus, l’AIEQ fait dans l’autofinancement : elle perçoit aussi des cotisations auprès de ses quelque 3000 membres à travers le monde, ce qui permet d’amasser plus de 100 000 $.

Aux compressions mesquines, rétorquons avec des comparaisons volontairement spécieuses : l’AIEQ coûte assurément moins, à l’État québécois, que les travaux dans les bureaux des ministres Jean D’Amour (278 000 $) et Francine Charbonneau (173 365 $). Une autre ? L’AIEQ est beaucoup moins lourde, pour l’État, que les nombreux faux « sous-ministres adjoints » égarés dans la haute fonction publique du Québec ; souvent des anciens attachés politiques convertis en administrateurs d’État et tablettés. Il y a là, comme dirait Loto-Québec, des « gagnants à vie ». En fouillant dans cette strate administrative de sinécure, le président du Conseil du trésor, Martin Coiteux, pourrait trouver des économies équivalant à plusieurs fois le maigre budget de l’AIEQ.

« Il n’y a pas de petites économies », rétorquera-t-on. Principe sain, en effet. Mais, depuis le début de l’exercice de révision des dépenses, toutefois, on perçoit cette tentation du gouvernement ultrafédéraliste de Philippe Couillard : sous couvert d’efforts de compression, on tente de cibler des deniers consacrés à la spécificité du Québec. La toute première décision du ministre de l’Éducation, Yves Bolduc ? Annuler la création de quatre chaires d’études sur le Québec (alors que ce domaine est sous-financé dans nos universités). À cette décision du ministre de l’Éducation, le projet d’abolir l’AIEQ semble tristement complémentaire !

S’inscrirait-elle dans un même dessein de ratatiner la présence internationale du Québec ? Après tout, ce gouvernement a sérieusement songé, début septembre, à transformer le ministère des Relations internationales en simple secrétariat. Au gouvernement, plusieurs estiment peut-être que le Québec, simple province, doit se laisser représenter par Ottawa à l’international. À lui de se charger du rayonnement. Si oui, ceux-là — dont M. Coiteux ? — trahissent une tradition issue du Parti libéral du Québec, dont les Lesage, Gérin-Lajoie, Pelletier et Charest, entre autres, se sont fait les champions. Même M. Couillard, dans son premier discours d’ouverture, affirma ceci : « Nous continuerons […] à développer les relations internationales du Québec en répétant, comme d’autres avant nous, que ce qui est de compétence québécoise ici l’est aussi partout. » S’en souvient-il ?


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