Assez de secrets!

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L'obsession de transparence cache-t-elle la réelle corruption du régime libéral ?

Devant l’apathie du pouvoir politique en matière d’accès à l’information, devant les résistances des administrations, il faudrait reprendre le combat, devant les tribunaux si nécessaire.


Le dossier dressé par nos Bureaux d’enquête de Québec et de Montréal et nos Bureaux parlementaires dans les capitales nationale et fédérale est étoffé et éloquent : il y a une réelle régression sur le plan de l’accès à l’information chez nous.


En campagne ou en début de mandat, les politiciens ont tendance à faire des promesses en faveur d’une plus grande «transparence».


Philippe Couillard est allé jusqu’à s’engager à diriger le gouvernement «le plus transparent» de l’histoire du Québec. Mais presque rien n’a changé en quatre ans. Pour la forme, son gouvernement s’apprête à déposer un projet de loi mort-né pour moderniser notre vieux régime d’accès à l’information.


Est-ce à dire que M. Couillard n’avait secrètement pas l’intention de remplir son engagement? Je ne crois pas. Mais une fois qu’on s’installe au pouvoir, l’administration nous conseille de cacher ceci, ou cela. De se montrer «extrêmement prudent».


Des conseillers ordonneront de ne pas révéler telle information ou telle autre. Ou encore de prendre son temps. Des ministres exigent de réviser toute réponse à des demandes d’information «sensibles».


L’ère de l’information?


Dans les années 1990 et au début des années 2000, un journaliste de The Gazette, Rod Macdonell, avait traîné l’Assemblée nationale jusqu’en Cour suprême pour obtenir le détail des dépenses d’élus québécois. Il contestait l’utilisation (abusive) d’un article de la loi d’accès à l’information (art. 34), qui bétonne le secret qui protège les documents produits «pour le compte» des élus.


En vain. En 2002, les «suprêmes» décidaient finalement qu’un rapport de dépenses, c’était tabou. Seul un montant global pouvait être dévoilé.


C’est pour cette raison que notre collègue Annabelle Blais n’a pu obtenir que des coûts totaux des déplacements à l’étranger du président de l’Assemblée nationale et des élus (restaurants, alcool, avions, etc.).


Les dépenses effectuées ici, notamment les frais d’hébergement, font aussi l’objet d’un même secret absolu. Protégé par le plus haut tribunal en 2002.


16 ans plus tard


C’était il y a 16 ans quand même! Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts.


Déjà à l’époque, quatre juges sur neuf (dont Michel Bastarache) s’étaient montrés dissidents dans cette cause, osant écrire : «Nous doutons fort qu’il soit essentiel à la fonction du député de garder le secret sur la façon dont il dépense les fonds publics qui sont mis à sa disposition et dont l’utilisation est soumise à des modalités précises.»


Depuis 2002, les exigences de la population en matière d’utilisation des fonds publics n’ont cessé de croître. Depuis 2002, un commissaire à l’accès à l’information, Jean Chartier, a formellement déclaré (en 2016), en conférence de presse, que le secret devrait être levé sur le détail des dépenses des députés.


Depuis 2002 enfin, des députés ont eux-mêmes décidé de lever en partie le voile sur la manière dont ils utilisent les fonds publics. (Suivez notre dossier dans les prochains jours!)


Devrons-nous retourner devant les tribunaux pour nous débarrasser entièrement de ce tabou ou nos élus le feront eux-mêmes?