Charest et les conflits d'intérêts - Une insoutenable légèreté

Éthique et politique

Il est beaucoup question de conflits d'intérêts en politique depuis quelques semaines. À l'hôtel de ville de Montréal, on en est rendus à déclencher des enquêtes policières sur l'octroi de contrats. Tous conviennent de l'urgence de soumettre les politiciens municipaux à des règles de conduite dont l'application sera assurée par un commissaire à l'éthique. Ce qui serait bon pour les municipalités ne le serait pas, semble-t-il, pour l'Assemblée nationale puisque chaque fois qu'il a l'occasion de resserrer les règles sur les conflits d'intérêts, le gouvernement Charest se défile.

Un politicien n'est jamais contre la vertu. Aussi, en campagne électorale en 2003, le premier ministre Jean Charest, s'inspirant de ce qui se faisait dans plusieurs Parlements, s'était engagé à faire adopter un code d'éthique et à nommer un commissaire à l'éthique indépendant du gouvernement. Promesse vite oubliée, que les partis d'opposition lui ont rappelée ces derniers jours en l'invitant à voter une motion instituant immédiatement ce poste de commissaire. Il a refusé, prétextant qu'il fallait d'abord s'entendre sur les règles que celui-ci aurait à faire observer.
L'attitude du premier ministre est facile à comprendre. En attendant que soit nommé un commissaire à l'éthique, la définition et l'application des règles en matière de conflits d'intérêts relèvent de lui seul. Il a ainsi pu les changer récemment. Désormais, un ministre pourra posséder une entreprise transigeant avec son propre ministère. On fait valoir qu'il s'agissait de répondre au cas particulier d'un ministre, mais reste qu'il a ouvert une porte auparavant fermée.
Le problème ici tient au fait que le premier ministre est juge et partie. Devant le cas d'un ministre en conflit d'intérêts, il lui sera difficile de se départir de tout réflexe partisan. Parce qu'il s'agira de «son» ministre, il sera lui-même en cause. Il voudra le protéger pour se protéger lui-même.
Le fait est que Jean Charest aborde ces questions d'éthique avec légèreté. L'illustre la bénédiction donnée à son ministre de la Santé, Philippe Couillard, qui avait accepté une offre d'emploi dans une entreprise oeuvrant dans le domaine de la santé alors qu'il était toujours en poste. C'est avec la même légèreté qu'il prend actuellement la défense du candidat libéral dans Rivière-du-Loup, comté laissé vacant à la suite de la démission de Mario Dumont. Jean D'Amour, qui aurait eu des activités de lobbyisme non déclarées pour la firme d'ingénierie BPR, est l'objet de l'attention du commissaire au lobbyisme. Il pourrait arriver qu'une fois élu, M. D'Amour mette son parti et le gouvernement dans une situation délicate s'il était démontré qu'il a contrevenu à la Loi sur le lobbyisme.
Un premier ministre ne peut contrôler tous les gestes de ses ministres et de ses députés, ni de ses militants. Mais lorsqu'il le peut, comme dans le cas de Jean D'Amour, il ne devrait rien prendre à la légère. Ni laisser croire que les comportements éthiques sont une affaire banale.


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