Charest amendera la Charte

Accommodements et Charte des droits



Le gouvernement Charest proposera dès cet automne d’amender la Charte québécoise des droits et libertés pour y assurer la primauté de l’égalité entre les sexes sur la liberté de culte.
Ce faisant, il appliquera la principale recommandation faite, à la fin du mois de septembre par le Conseil du statut de la femme, dans un avis sur la diversité religieuse, destiné à la commission Bouchard-Taylor.
«Il y a une question qui me tient à cœur, l’égalité entre les hommes et les femmes. Le rapport du Conseil du statut de la femme a fait une recommandation importante, on veut bouger à ce sujet» a soutenu hier Jean Charest à l’issue de la réunion de son caucus destinée à préparer la rentrée parlementaire de mardi prochain.
«Cette recommandation, nous la trouvons très intéressante. On n’aura pas besoin sur cette question d’attendre les recommandations de la commission Bouchard-Taylor» a-t-il promis.
Publié il y a deux semaines, l’avis du Conseil relevait que la primauté de l’égalité entre les sexes était plus explicitement affirmée dans la Charte canadienne des droits de 1982 que dans la Charte québécoise, adoptée quelques années plus tôt.
On proposait «que soit amendée la Charte (québécoise) des droits et libertés de la personne afin d’y insérer une disposition analogue à celle de l’article 28 de la Charte canadienne, affirmant clairement que l’égalité entre les femmes et les hommes ne peut être compromise au nom, notamment, de la liberté de religion».
Hier, la ministre responsable de la Condition féminine, Christine St-Pierre, n’a pas voulu venir commenter les intentions annoncées par M. Charest. Pour sa porte-parole, Nathalie Gélinas, «la question est toujours à l’étude» et la décision d’amender la Charte n’est pas arrêtée. En matinée, toutefois, son collègue Jean-Marc Fournier s’était spontanément dit favorable à un tel amendement. «C’est une bonne idée, un tel amendement. Les études juridiques viendront nous dire quelles sont les autres conséquences, mais cette question d’égalité entre les sexes, c’est important», a dit M. Fournier.
Crucifix
Il manquait pas mal de députés à cette première réunion pour les députés libéraux cet automne; environ 25 élus s’étaient déplacés, sur 48. C’était le baptême du feu pour le nouveau chef de cabinet, Daniel Gagnier, qui aura bientôt une adjointe, Elizabeth McKay, actuellement chef de cabinet de Sam Hamad, à l’Emploi.
Tour à tour, les députés libéraux ont commenté hier la proposition de la CSN pour une «charte de laïcité» et le sondage de La Presse qui montrait qu’une forte majorité de Québécois s’opposait, par exemple, à l’idée de retirer le crucifix de l’Assemblée nationale. Pour des députés comme Vincent Auclair (Vimont) et Russel Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), le crucifix est plus un élément de l’histoire du Québec qu’un signe religieux. «C’est un élément plus historique qu’autre chose. Je ne prône pas qu’on l’enlève. Est-ce que nos édifices publics doivent être vidés de tout élément religieux, je ne le crois pas», dit M. Copeman. «Il y a une distinction à faire entre ces symboles; une prière à des réunions publiques serait plus extrême», observe-t-il. Converti à la confession juive, M. Copeman souligne qu’il a bien «l’intention de continuer à porter ma kippa, quoi qu’en pense le Conseil du statut de la femme».
Le crucifix au Parlement «n’est pas une question de religion mais de tradition», estime Pierre Reid (Orford). Ironiquement, la plupart des élus préconisaient d’attendre les recommandations de la commission Bouchard-Taylor, attendues au printemps 2008, avant de bouger sur ces questions délicates.
Amendement facile
Pour le constitutionnaliste Benoît Pelletier, ministre responsable des Affaires intergouvernementales, la recommandation du Conseil du statut de la femme a été accueillie favorablement par l’ensemble du gouvernement. Amender la Charte québécoise reste un objectif réaliste; il s’agit d’une loi ordinaire qui peut être modifiée simplement par l’adoption d’une nouvelle loi. Le constitutionnaliste ne craint pas non plus que le gouvernement ouvre du même souffle une boîte de Pandore. Un amendement bien spécifique pour affirmer la priorité de l’égalité entre les sexes peut être adopté facilement, surtout s’il fait, comme on peut le prévoir, l’unanimité entre les partis représentés à l’Assemblée nationale. Il en va tout autrement de la Charte canadienne, soumise à une lourde mécanique de modification, qui suppose l’appui d’une majorité de provinces.
L’article 28 de la Charte canadienne prévoit que l’égalité entre les hommes et les femmes est une valeur si fondamentale qu’elle ne peut être mise en suspens même par la disposition de dérogation, qui permet dans certains cas exceptionnels de déroger à des droits assurés ailleurs par la charte fédérale.
Dans la Charte québécoise, l’article 10 assure l’égalité entre les hommes et les femmes, mais on ne lui confère pas explicitement de prévalence sur les autres droits, comme la liberté de culte. Cet article a rarement été plaidé devant les tribunaux, observe-t-il toutefois.
Le professeur de droit constitutionnel de l’Université Laval Henri Brun a salué le projet du gouvernement Charest: «Il est intéressant que la Charte québécoise soit amendée, pour apporter cette précision.» Surtout, insiste-t-il, la Charte québécoise a une portée beaucoup plus large que la canadienne. Elle régit aussi les gestes dans le secteur privé. «Si l’égalité entre les sexes devient la règle, un employeur pourra refuser d’embaucher une candidate qui porte le hijab, parce qu’un employé masculin n’aurait pas le même traitement», observe le professeur Brun.
Un amendement à la Charte québécoise des droits ne sera pas une première.
Elle avait été modifiée à la fin des années 80 lors de la mise en place du Tribunal des droits de la personne, observe le professeur Brun. Cette Charte adoptée en 1976 avait été modifiée passablement en 1982 pour tenir compte des droits protégés par la Charte canadienne, qu’on venait alors d’adopter à Ottawa.
Hier, en marge du caucus, M. Charest a indiqué qu’il ne prévoyait pas d’élections, même à moyen terme. «Les Québécois ont choisi d’élire un gouvernement de cohabitation. On veut reconnaître cette réalité, on gouverne en fonction de cette réalité... Il n’y aura pas d’élections en 2007! On ne voit pas pourquoi il y aurait des élections en 2008. À moins de vouloir inventer une raison pour aller en élections.
Les Québécois ne veulent pas d’élections… l’économie québécoise tire bien son épingle du jeu actuellement», a soutenu M. Charest.
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