Le jour du trentième anniversaire de sa première élection sera aussi le dernier de la carrière politique active de Jean-Pierre Charbonneau. L'actuel député de Borduas a annoncé hier qu'il quittera ses fonctions le 15 novembre, une décision qu'il affirme n'être pas «vraiment» liée à l'arrivée d'André Boisclair à la tête du Parti québécois.
«Je suis fatigué de guerroyer.» Après 25 ans de carrière politique (il n'a pas siégé entre 1989 et 1994), Jean-Pierre Charbonneau veut tourner la page et «récupérer un plus grand contrôle» sur sa vie, a-t-il indiqué hier en conférence de presse au moment d'annoncer la fin de sa carrière parlementaire.
«Le style et le rythme de vie d'un député et d'un militant politique professionnel me sont devenus difficilement supportables», a expliqué l'ancien journaliste, âgé de 56 ans. Ainsi, «les contraintes que l'engagement politique à plein temps impose» sont devenues trop lourdes pour lui. Il a également cité la «réalité d'une nouvelle situation familiale» comme facteur influent sur sa décision.
Considéré comme un empêcheur de tourner en rond au sein du PQ, une façon polie de dire qu'il dérangeait beaucoup par ses prises de position publiques, régulières et souvent percutantes, Jean-Pierre Charbonneau n'entretenait pas des rapports particulièrement cordiaux avec André Boisclair. Il avait d'ailleurs été un des rares députés à appuyer Pauline Marois dans la course à la succession de Bernard Landry, course dans laquelle il avait d'ailleurs songé à se lancer lui-même l'été dernier. Hier, il a mentionné à plusieurs reprises que la question de la présence de M. Boisclair n'avait «pas vraiment pesé» dans sa décision, bien que les deux hommes n'aient pas «toujours été sur la même longueur d'onde».
«On s'est parlé souvent, et M. Boisclair connaissait ma valeur, a-t-il mentionné lors d'un entretien téléphonique. Ce n'est pas un facteur important de la décision.» Tout de même, il évalue avec beaucoup de retenue le travail effectué par André Boisclair depuis son arrivé comme chef, en novembre dernier. «Il n'a pas encore donné sa pleine mesure, et j'espère pour lui et pour nous qu'il va y arriver.»
Selon M. Charbonneau, le nouveau chef du PQ «est dans un processus d'appropriation de sa responsabilité et de son défi», et il faut éviter de sauter trop vite aux conclusions. «D'autres chefs ont connu avant lui des départs difficiles», indique-t-il en citant les exemples de Gilles Duceppe et de Robert Bourassa. «Il ne l'a pas facile, mais c'est peut-être une bonne chose» qu'il fasse son apprentissage des difficultés tout de suite, pense le député. «Pour être un faiseur de pays, ça prend certaines choses, et il est en train de les apprendre.» Dans un communiqué de presse diffusé hier, André Boisclair a salué le travail «considérable» accompli par Jean-Pierre Charbonneau au fil de sa carrière.
Conférences
Après avoir été élu trois fois dans Verchères entre 1976 et 1985, Jean-Pierre Charbonneau avait quitté la politique une première fois en 1989 pour aller occuper un poste en Afrique, où il est demeuré près de deux ans. À son retour, il a mené l'opération de sauvetage et de relance d'Oxfam-Québec. Aujourd'hui, le député dit ne pas «avoir de plan de match précis» pour son après-carrière. Il entend néanmoins rester bien présent dans le débat public et la défense de l'indépendance. «Je prendrai la parole» souvent, promet-il, précisant toutefois qu'il «n'a pas l'intention d'être la belle-mère ou le chien de garde du PQ».
Maintenant «libre», Jean-Pierre Charbonneau avoue que respecter la ligne de parti n'a pas toujours été facile pour lui. «C'est très contraignant. Mais dans la réalité, un parti a aussi besoin de cohésion. Je comprends ça, et je comprends que les chefs ont pu être dérangés par mes propos. Mais il ne faut pas que la ligne de parti empêche toute autocritique. Il y a un espace de liberté à maintenir.»
En jetant un coup d'oeil sur ses réalisations, il estime que ses contributions les plus importantes à la vie publique québécoise auront été la création de la Confédération parlementaire des Amériques, la revalorisation de la fonction de président de l'Assemblée nationale (qu'il a occupée entre 1996 et 2002) et surtout «l'intensification de la réflexion collective sur la nécessité de réformer les institutions politiques et de donner un pouvoir décisionnel plus grand aux citoyens», un cheval de bataille qui l'a mené à prendre souvent la parole dans les médias ces dernières années.
Diplômé en criminologie à l'Université de Montréal en 1972, M. Charbonneau a commencé sa carrière dans le journalisme. Après un court séjour à La Presse en 1970, il entre au Devoir l'année suivante. Il restera sur la rue Saint-Sacrement jusqu'en 1976. Journaliste d'enquête spécialisé dans les affaires criminelles, il est victime d'un attentat en pleine salle de rédaction du Devoir en mai 1973, au moment où il couvrait la Commission d'enquête sur le crime organisé. Blessé au bras par une balle, il revient au boulot deux mois plus tard... un calibre .38 en poche, par précaution.
En 1975, il publie un livre qui fait grand bruit, La Filière canadienne, qui porte sur le crime organisé et le trafic international de la drogue. Vient ensuite un premier passage à l'Assemblée nationale, son départ pour l'Afrique, puis son retour en politique en 1994 à titre de député de Borduas. M. Charbonneau a été réélu trois fois par la suite. Il a notamment été ministre des Affaires intergouvernementales, puis porte-parole en matière de santé depuis 2005. Il a fait partie des signataires du manifeste Pour un Québec solidaire et a adhéré au collectif Québec Plus Démocratie.
Orateur efficace, M. Charbonneau aimerait maintenant enseigner à l'université ou donner des conférences, dit-il, pour «redonner un peu de l'expérience acquise». Sinon, il entend revenir à l'enseignement du taï ji chuan, un art martial qu'il pratique depuis longtemps.
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