Boucar le Québécois

Si toutes les municipalités offraient à leurs nouveaux arrivants un exemplaire du livre de Boucar Diouf, le Québec s’en porterait mieux !

Livres - 2008


Dans son Québec à lui, les nouveaux citoyens prêteraient serment sur une caisse de 24. Leur examen de citoyenneté comprendrait un test de conduite sur la glace et un quiz sur l’entretien d’une souffleuse. Les recalés devraient s’installer en région rurale pour deux ans. « Cela couperait court à toute velléité d’accommodement raisonnable ou autres conneries engendrées par une intégration défaillante », affirme le biologiste et humoriste Boucar Diouf, auteur d’un essai rafraîchissant, qui fera plus pour atténuer les frictions liées aux accommodements raisonnables que les audiences de la commission Bouchard-Taylor (recommandations attendues le 31 mai).
Les municipalités du Québec qui songent à adopter un code de vie comme celui de Hérouxville devraient plutôt demander à la maison d’édition Les Intouchables des prix de gros pour offrir un exemplaire du livre de Diouf à tous les nouveaux arrivants ! Elles ne le regretteraient pas.
L’ouvrage en question, La commission Boucar pour un raccommodement raisonnable, est un puissant antidote à la rectitude politique. Tous les dogmatismes en prennent pour leur rhume.
Sorti en librairie un jour de tempête de neige, en mars, l’essai est un heureux mélange de science, d’histoire et de gros bon sens. La lutte des francophones en Amérique du Nord y est racontée avec justesse en peu de mots. La biologie est mise à profit pour expliquer les défis de la grande migration mondiale qui agite la planète. Une bouffée d’air frais !
Le directeur de thèse de Boucar Diouf — l’humoriste est titulaire d’un doctorat en océanographie de l’Université du Québec à Rimouski — n’a pas dû s’ennuyer si la thèse de son étudiant (portant sur l’adaptabilité au froid des éperlans) était du même style ! On rit et on sourit beaucoup, à la lecture de La commission Boucar, à imaginer les castors défendre leur habitat contre les « rotsac » et les « casrot », ces nouvelles espèces — issues, en fait, d’une jolie réorganisation de l’ADN du castor — qui cherchent à se tailler une place sur le territoire.
L’une des suggestions de Diouf pour aider tout ce beau monde à vivre ensemble ? Le cousinage de plaisanterie ! Une vieille tradition d’Afrique noire, selon laquelle deux ethnies rivales, au lieu de se faire la guerre, s’engagent à se taquiner mutuellement. « Je ne comprends pas pourquoi des gens s’indignent qu’on montre des Africains faisant bouillir des prêtres dans des chaudrons », m’explique-t-il au bout du fil. Comme il le rappelle dans son livre, quand il n’y a pas d’humour, il n’y a pas d’humanité.
Boucar Diouf, qui a vécu 16 ans dans le Bas-Saint-Laurent et a épousé une Gaspésienne, inscrirait-il son fils dans une école noire comme celle que le conseil scolaire de Toronto projette d’ouvrir en septembre 2009 ? (Voir « Je suis noir et mon école aussi ») Non. « Le vrai problème de l’échec scolaire des jeunes Noirs de Montréal, c’est la pauvreté, répond-il. On ne résoudra rien en mettant ensemble tous ceux qui ont des problèmes. Je suis partisan de tous les métissages. »
Permettrait-il aux piscines publiques d’offrir des heures réservées aux femmes, comme le font de nombreuses villes de Grande-Bretagne ? Non. « Je suis de tradition musulmane, me dit-il. Mais le Québec m’a offert la liberté et je veux me baigner à la québécoise. Ceux qui veulent se baigner entre eux n’ont qu’à se construire leur propre piscine. »
En Grande-Bretagne, ces heures de natation « séparée » suscitent un vigoureux débat droite-gauche, qui a de quoi laisser perplexe. La droite — généralement prompte à défendre les droits des minorités religieuses — insiste pour que tout le monde, hommes et femmes, s’éclabousse ensemble dans le même bassin ! La gauche — qu’on aurait plutôt vue s’opposer à toute nouvelle ségrégation des femmes — prône l’acceptation de la natation séparée, temporairement du moins, dans l’espoir d’inciter les minorités religieuses, surtout les plus conservatrices, à participer davantage à la vie collective. Dans cette confusion politique, Diouf ne retrouverait ni son baobab ni sa ceinture fléchée !
Des municipalités britanniques commencent cependant à remettre aux nouveaux arrivants un document conçu pour les aider à mieux comprendre leur société d’accueil. Il résume les droits et les responsabilités de chacun, mais aussi les coutumes locales. (Du genre : ici on fait la file pour attendre l’autobus, et il est mal vu d’être en retard.) On suggère aux villes de faire préfacer ce texte par une célébrité du coin.
Tiens, si on demandait à Boucar Diouf de préfacer un document du genre à l’intention des villes du Québec ? Lui qui a si bien appris à décliner le mot « crisse » — comme dans « crisser », « décrisser », « déconcrisser » — pour se moquer affectueusement de la pauvreté du vocabulaire des Québécois trouverait certainement de beaux mots afin d’expliquer le gros bon sens aux nouveaux voisins !
À MÉDITER
[->www.boucardiouf.com]« Le cœur de l’homme est un pays étranger et l’humour une affirmation de la dignité de l’homme. »
Extrait de La commission Boucar pour un raccommodement raisonnable.
Pour entendre Boucar Diouf : [www.boucardiouf.com->www.boucardiouf.com]
publié dans L'actualité du 15 avril 2008


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