Jean-François Lisée: "On ne naît pas égaux. La société doit faire en sorte de limiter les inégalités. Ensuite, chacun peut se réaliser selon l'intensité qu'il souhaite"
On connaît - ou on a l'impression de connaître - les idées politiques de gauche. Serait-il temps de les réinventer? Voir a posé la question à Jean-François Lisée, qui vient de publier un essai sur le sujet: Pour une gauche efficace.
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Signalons au départ que le contexte actuel est tout à fait propice au changement. Quel contexte? La crise économique. Bien entendu. C'est qu'actuellement, selon Jean-François Lisée, l'exemple est fait de l'inefficacité des mesures proposées par la droite. "C'est en suivant ces préceptes qu'on s'est trouvés face à la pire crise économique depuis les années 1930", lance le directeur du Centre d'études et de recherches internationales de l'Université de Montréal, qui conseille à l'occasion le Parti québécois et le Bloc québécois. Devant la prédominance des idées de la droite, les citoyens et citoyennes sont maintenant prêts à entendre de nouvelles idées. "L'économie de marché nous conduit à un mur. Au rythme où l'on va, si la Chine et l'Inde se mettent à consommer comme nous le faisons, la planète ne pourra pas soutenir ça. Il faut faire en sorte que le Québec soit plus fort pour les années à venir."
Ainsi, la porte est ouverte pour la gauche. Mais celle-ci doit prendre les devants, se renouveler et, surtout, éviter de simplement réagir aux options proposées par la droite. "La grande difficulté, c'est de laisser la droite proposer les réformes. Si on laisse à la droite le monopole des idées d'efficacité, de performance, de réussite, alors ce sera un échec majeur. Ces idées, elles ne sont pas de droite, ce sont simplement des idées qui font avancer la société. Et il y a une façon de gauche de les mettre en pratique", explique M. Lisée. Oui à la solidarité, certes. Mais, surtout, oui à la solidarité pour la réussite de l'individu. "La gauche, c'est aussi un moyen de réussir. Mais si un individu connaît un échec, la gauche fera en sorte de l'aider à se relever alors que la droite le laissera tomber", précise-t-il.
Ces idées, on pourrait les appliquer à la manière d'un pacte entre l'économique et le social. "Il faut admettre que pour avoir l'égalité des chances au Québec, il faut aussi la prospérité des entreprises. La gauche ne dit pas ça: il faut faire ce pas-là. Mais il ne faut pas le faire n'importe comment." Par exemple? En échange de l'abolition de la taxe sur le capital, on demande aux entreprises des normes minimales du travail. L'idée est que ces mesures soient "donnant-donnant".
Un autre exemple? Portons un regard sur la lutte à la pauvreté. Selon Jean-François Lisée, elle est essentielle à la prospérité de tous: "Chaque enfant qu'on réussit à sortir de la pauvreté, ça représente des dizaines de milliers de dollars économisés." Les moyens? L'alphabétisation. Et les garderies. Car l'enfant est au coeur de la solution. "On ne naît pas égaux. La société doit faire en sorte de limiter les inégalités. Ensuite, chacun peut se réaliser selon l'intensité qu'il souhaite", ajoute-t-il.
L'essentiel, au bout du compte, reste d'éviter de s'asseoir sur les idées du passé. "Notre capacité à nous réinventer, c'est une ressource renouvelable", indique le penseur. Il faut sortir des sentiers battus. "Et ne jamais oublier que ce n'est pas le capital qui doit être au coeur de notre société, mais plutôt la qualité de vie des individus." Tout en évitant le fatalisme, ajoute Jean-François Lisée : "On a encore la possibilité de prendre du recul, de voir notre société telle qu'elle est, de proposer des façons de tendre vers plus de justice. Le Québec a déjà fait beaucoup. Cependant, il faut faire beaucoup plus. On est capables de faire beaucoup de choses. On a l'inventivité nécessaire pour y parvenir."
La gauche politique, partie 2
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