Boisclair déclare la guerre à Duceppe

PQ - leadership en jeu - la tourmente

Québec -- André Boisclair a laissé tomber les gants. Profondément irrité par les jeux de coulisses des proches du chef du Bloc québécois Gilles Duceppe -- dont Le Devoir faisait état hier --, il a décidé de crever l'abcès et de sommer le chef bloquiste de s'occuper de ses affaires. «Je fais mon travail, qui est celui de chef du Parti québécois, en ce moment. Je pense que M. Duceppe doit faire la même chose», a-t-il déclaré hier, lors d'une interview à Radio-Canada, laquelle doit être diffusée en entier demain. Selon lui, en tentant de le déloger, le chef bloquiste fait passer ses intérêts avant ceux du mouvement souverainiste.
M. Boisclair qualifie de «secret de Polichinelle» les efforts déployés par les pro-Duceppe dans ses troupes pour le déloger de la tête du PQ. «Il faut que ce soit su», a-t-il déclaré, soulignant que le chef du Bloc «se couche le soir avec l'habit du chef du Parti québécois». Il s'en prend aux félons dans ses troupes, déplorant leur duplicité en ces termes: il y a «des gens qui, au Parti québécois, ont des doubles agendas, malgré les déclarations publiques qu'ils font». Le chef péquiste pourrait faire référence à nulle autre que Louise Harel qui, dans un communiqué diffusé hier, s'était dite «ulcérée» que Le Devoir lui «prête des intentions». En prenant soin de ne pas réitérer son appui à M. Boisclair, elle écrivait: «je ne participe à aucune tentative concernant l'arrivée de Gilles Duceppe comme chef du Parti québécois». Elle protestait en arguant ceci: «Gilles et moi sommes des amis de longue date capables en toute amitié d'exercer notre libre arbitre». La députée de Crémazie, Lisette Lapointe, a aussi publié un communiqué hier, dans lequel elle réitérait «son appui au chef du Parti québécois» et disait appuyer la décision de l'exécutif national de tenir un congrès en septembre 2008.
Au reste, dans son entretien à Radio-Canada, M. Boisclair se pose en défenseur de l'idée de souveraineté du Québec, dépeignant M. Duceppe comme un partisan du retour à «l'affirmation nationale» de l'époque de Pierre Marc Johnson. Joint par Le Devoir en fin d'après-midi à Montréal hier, le chef péquiste s'est refusé sèchement à tout commentaire supplémentaire.
D'ailleurs, l'absence de M. Boisclair a été remarquée par plus d'un hier, à l'Assemblée nationale, où, à quatre jours de la rentrée parlementaire, le débat sur la cohabitation des trois partis a été vif. À son bureau, on disait ignorer s'il rencontrerait la presse lundi pour faire part de ses attentes à l'égard du discours inaugural.
C'est ce type de rencontre que le chef de l'opposition Mario Dumont a tenu, hier matin. Il a notamment fait savoir qu'il persiste à refuser que les règlements de l'Assemblée nationale soit modifiés pour faciliter la vie au Parti libéral et pour donner plus de place au Parti québécois. En compagnie de son leader Sébastien Proulx, il a réitéré son refus que le Parti québécois obtienne l'argent supplémentaire qu'il a réclamé, soit quelque 972 000 $, pour fonctionner comme second groupe d'opposition. M. Dumont a par ailleurs demandé au gouvernement de prendre acte des résultats des dernières élections et de «reculer» clairement sur certains dossiers, comme ceux du mont Orford et des hausses de tarifs à la Société de l'assurance automobile du Québec. Il a dit que le rapport du juge Bernard Grenier sur l'affaire Option Canada (autour du 15 mai) pourrait s'avérer un des faits les plus marquants de la session parlementaire, «peut-être même plus que le budget et les crédits».
Peu de temps après, le leader libéral, Jean-Marc Fournier, a fustigé le chef adéquiste, le qualifiant d'«insultant et de mesquin». M. Fournier estime qu'il est aisé de comprendre la stratégie de l'ADQ: «Honnêtement, là, le jupon dépasse. Il veut tout faire pour que ça ne fonctionne pas, puis après ça, dire à la fin de la session, le 22 juin: "Ah! Mon bilan, c'est de vous dire que le gouvernement n'a pas été capable de faire fonctionner."» Selon M. Fournier, l'ADQ ne peut pas se borner à dire que c'est «business as usual». Le règlement actuel contraint sept libéraux à siéger aux quatre commissions: «Ça fait 28 députés [...]. J'ai regardé mon nombre de députés, [j'en ai] 48. Or vous devez m'en enlever 19 du conseil des ministres; vous enlevez le président, puis le vice-président, j'arrive à 26», a illustré le leader.
M. Fournier s'est vu forcé de prendre la défense du Parti québécois, affirmant: «Rappelons pour mémoire que le PQ est sept fois plus nombreux que l'ADQ de 2003, qui avait eu à l'époque un accommodement de 115 000 $.» Il ne croit pas que le PQ devrait recevoir un budget aussi considérable que ce qu'il demande, mais il convient que ce deuxième groupe d'opposition a des responsabilités importantes qui justifient un budget à l'avenant. «Avec une équipe comme celle qu'a le Parti québécois, on peut les appeler comme on voudra -- deuxième groupe ou quoi que ce soit --, il reste qu'ils ont un whip, puis ils ont besoin d'organisation pour ce nombre de députés là [36], bien plus élevé que les cinq de l'ADQ dans le temps.»
Jeudi, la leader péquiste Diane Lemieux avait dénoncé le blocage systématique de l'ADQ dans les négociations. Hier, elle estimait que Jean-Marc Fournier a une approche «rationnelle», en lien avec «les grandes valeurs de l'institution». Contrairement à ce que prétend l'ADQ, elle soutient qu'il «n'est pas vrai que le règlement actuel fonctionne». À ses dires, le budget que l'ADQ recevait du bureau de l'Assemblée nationale revenait à 97 000 $ par élu. «Nous, on demande de ramener ça à 80 000 $. Ça me semble raisonnable.» M. Lemieux s'est dite confiante que la fin de semaine «ramène tout le monde à de meilleurs sentiments».


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