Pelletier se définit comme «autonomiste»

Le ministre des Affaires intergouvernementales évoque l'abolition de la royauté, mais il est aussitôt rabroué par Jean Charest

Rappel


Benoît Pelletier estime que Mario Dumont lui a volé le concept d'autonomie, qu'il défendait depuis longtemps. Bien qu'il reconnaisse que la formule d'amendement constitutionnelle est ultrarigide, il refuse de dire que «le fruit ne sera jamais mûr pour une réforme constitutionnelle» et croit qu'«un jour», la volonté politique existera. À ce moment, pourrait-on remettre en question la monarchie? Il le souhaiterait, mais pas son patron.
Québec - Il n'y a pas que l'Action démocratique qui se définisse comme étant «autonomiste». Le ministre libéral des Affaires intergouvernementales canadiennes, Benoît Pelletier, revendique cette étiquette. «Personnellement, je n'hésiterais pas à me définir comme ça», a-t-il déclaré mercredi lors d'un entretien avec Le Devoir.
Il soutient avoir adopté ce vocable bien avant Mario Dumont, qui l'a fait sien en 2004. «Consultez mon rapport de 2001. Vous allez voir, il s'intitule Un projet pour le Québec - Affirmation, autonomie et leadership», dit M. Pelletier, qui a l'impression de s'être fait voler son concept. À l'époque, en effet, il écrivait que le PLQ devait se donner une «vocation autonomiste». Le député de Chapleau faisait de cette conception une façon de rendre le PLQ «plus québécois». À l'entendre, «l'autonomisme» est au coeur du système canadien puisque «le fédéralisme postule l'autonomie de chacune des composantes».
Est-ce à dire que le gouvernement est d'accord avec l'opposition adéquiste sur ce sujet? Aucunement, répond-il, puisque l'ADQ «n'a jamais précisé sa conception». Il croit que l'autonomisme est «un acte d'affirmation», mais il doit être remis «dans le contexte canadien», ce que l'ADQ ne fait pas, déplore-t-il, notamment lorsqu'il prétend qu'au pouvoir, il privilégierait les relations bilatérales Ottawa-Québec. Sans ce «contexte», l'autonomisme adéquiste «ne veut rien dire», soutient M. Pelletier. «Moi, j'ai toujours eu suffisamment de respect pour l'électorat pour remettre cette affirmation du Québec en contexte.»
Un fruit irradié?
M. Pelletier a tenu à réagir à la présentation par Le Devoir mercredi de l'étude du constitutionnaliste Patrick Taillon, un ancien président des jeunes péquistes et futur professeur à Laval, qui conclut - en se référant aux travaux universitaires de M. Pelletier - qu'il est devenu impossible de modifier la Constitution canadienne. Aux rigidités initiales de 1982 s'ajoutent de nouveaux obstacles, notamment la loi fédérale de 1996 sur les veto régionaux. De plus, l'Alberta et la Colombie-Britannique, entre autres, ont adopté des lois imposant un référendum provincial à tout gouvernement devant traiter d'une modification constitutionnelle.
Malgré tout, M. Pelletier, qui a utilisé depuis quelques années l'expression «le fruit n'est pas mûr pour une réforme constitutionnelle», estime qu'il est excessif de conclure, comme M. Taillon, que le fruit (parce qu'il a en quelque sorte été irradié ou parce qu'il est en plastique... ) ne sera «jamais» mûr. Bien qu'il reconnaisse que la rigidité du processus de modification canadien soit devenue «très problématique», il refuse de dire «jamais». Selon lui, l'étude de M. Taillon est strictement «juridique» et ne tient pas compte du fait que le succès d'un tel processus de modification «dépend beaucoup de la volonté politique», qui peut avoir raison des obstacles juridiques. Ainsi, il croit «qu'un jour - pas demain matin, là, mais un jour -, la réforme constitutionnelle sera envisageable». Elle n'aurait d'ailleurs pas à se présenter comme une réforme globale, à l'instar de Meech, mais pourrait être limitée.
En attendant, le ministre Pelletier dit que «les progrès et les évolutions non constitutionnels» doivent devenir prioritaires. Il fait remarquer qu'étant donné la rigidité des formules de modification, les acteurs politiques et les tribunaux cherchent à inventer diverses façons de faire évoluer le Canada sans passer par l'amendement constitutionnel. Les politiciens «cherchent à s'entendre en dehors de ce cadre» et, reconnaît-il, «cela n'est pas toujours sain». Le juriste laisse tomber ceci: «Les choix fondamentaux doivent être constatés dans la loi fondamentale.»
Pourquoi le Québec, comme l'ADQ le suggère, ne provoque-t-il pas les choses en formulant des «demandes»? Un récent sondage CROP-La Presse a indiqué que 55 % des Québécois souhaitent qu'on «rouvre le dossier», dont 68 % des adéquistes et 66 % des souverainistes. M. Pelletier estime que les gens «ne mesurent pas la complexité d'un tel projet», sans compter les conséquences d'un échec, dont le «Québec ressortirait affaibli», estime-t-il. Si Mario Dumont se permet d'évoquer de tels changements constitutionnels, estime M. Pelletier, c'est qu'il «est irresponsable» et «qu'il tient des propos strictement électoralistes. Il aime beaucoup plus le pouvoir que la défense sincère des intérêts du Québec».
Au fait, toute demande québécoise serait-elle rejetée? À l'heure actuelle, dans le contexte où le gouvernement fédéral est minoritaire, «oui». Mais «éventuellement, à plus ou moins brève échéance», le Québec pourrait formuler des demandes, avec espoir de succès, pour ce qui est de l'enchâssement d'une limite au pouvoir de dépenser fédéral, soutient-il.
Pourrait-il ajouter l'abolition de la monarchie? En matinée hier, en effet, M. Pelletier a déclaré, à l'entrée du conseil des ministres: «Il n'est pas impossible que nous ayons à réévaluer le rôle du monarque, du lieutenant-gouverneur et du gouverneur général.» On sait que le mandat de Lise Thibault s'achève actuellement dans une atmosphère de soupçons, celle-ci faisant l'objet d'une enquête du vérificateur général pour des dépenses excessives.
«Je crois que c'est une institution qui devra être revue à la lumière des défis de la modernité», a poursuivi M. Pelletier. Plus tard, toutefois, le premier ministre Jean Charest a rectifié les propos de son ministre, disant que ce n'était pas un projet de son gouvernement. En fin de journée hier, le bureau de M. Pelletier précisait que le ministre avait évoqué plus tôt «une intention à très court terme» et qu'il serait très surprenant que le Québec intègre l'abolition de la monarchie dans une éventuelle liste de demandes constitutionnelles.


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