Un débat des chefs n’est pas un élément isolé dans une campagne électorale, il survient à un moment précis et avec des participants qui ont tous des objectifs différents. Mais, surtout, les citoyens ont, envers eux, des attentes très différentes.
Au jeu des attentes, ce sont Jean Charest et Mario Dumont qui jouent le plus gros, alors qu’André Boisclair est dans la position plutôt favorable de surprendre.
Pour Jean Charest, le débat est une occasion de remettre la campagne sur les rails. Ce n’est pas qu’elle va mal, mais disons qu’elle ne va pas bien. Depuis une décennie qu’il est chef d’un parti politique, les électeurs ont appris à connaître Jean Charest. Ils l’ont vu quand il était bon et quand il était ordinaire. Mais à quelques rares exceptions près, c’est ce dernier qu’ils ont vu depuis trois semaines.
En fait, le principal problème de M. Charest est de ne pas avoir donné aux électeurs des raisons positives de réélire son gouvernement. M. Charest a beaucoup attaqué ses adversaires mais, en même temps, il a eu bien du mal à défendre son bilan. L’un des problèmes qu’ont les électeurs avec le chef libéral est justement qu’il a toujours l’air d’attaquer pour éviter de devoir expliquer ce bilan.
Par ailleurs, M. Charest devrait aussi éviter, au moins le temps du débat, l’illogisme qui consiste à dire qu’il veut éviter un autre référendum mais de faire exactement comme si les fédéralistes, et eux seuls, étaient en pleine campagne référendaire, couplets sur la partition et les pensions inclus.
Après M. Charest, c’est Mario Dumont qui a le plus à perdre ce soir, parce qu’il se retrouvera au milieu de deux adversaires à qui il a réussi à soutirer des appuis depuis le début de la campagne. Mais ces appuis sont encore mous et autant M. Charest que M. Boisclair tenteront de démontrer qu’il n’a pas d’équipe et un programme superficiel.
M. Dumont devra montrer deux choses dans ce débat : qu’il est autre chose que le «roi de la clip» et que la petite phrase ne lui tient pas lieu de programme politique. Il devra aussi faire oublier ce tableau noir qu’il était incapable de remplir à Tout le monde en parle.
Le principal problème de M. Dumont depuis le début de la campagne, ce n’est pas tant l’absence d’un cadre financier, c’est l’absence d’un cadre tout court. C’est comme si M. Dumont ne s’occupait que de la partie visible des icebergs en oubliant les sept-huitièmes qui sont dans l’eau. Comme de changer les bulletins plutôt que la réforme scolaire ou de financer ses promesses par des réductions à l’aide sociale quand le nombre de bénéficiaires est déjà à un creux historique. Là-dessus, ses adversaires l’attendent.
André Boisclair est le moins connu et le moins expérimenté des participants, mais aussi celui qui a le moins à perdre. En fait, son principal problème depuis le début de la campagne, c’est qu’il n’a pas réussi à avoir de véritable impact. Qu’il ait une bonne ou une mauvaise journée, il finit presque inévitablement au troisième rang aux journaux télévisés.
C’est à ces électeurs qui semblent l’avoir oublié que M. Boisclair doit s’adresser ce soir. À ceux qui n’attendent plus rien de lui et qu’il ne peut donc que surprendre.
Ce qui lui rapporterait le plus, au cours de ce débat, ce serait d’être capable de reprendre son rôle de chef de l’Opposition, à la fois de premier critique du bilan du gouvernement Charest et de gouvernement en attente, rôles qu’il a un peu abandonnés à Mario Dumont ces dernières semaines.
S’il réussit, il pourrait changer le cours de la campagne, s’il échoue il retournera dans une campagne qui n’a que peu d’impact auprès des électeurs. Le gros avantage pour lui, c’est qu’il ne peut pas vraiment se nuire ce soir, il ne peut que s’aider.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé