Dans les derniers jours de la semaine dernière, mon fils a subi une intervention très délicate au cœur à l’Hôpital Sacré-Cœur de Cartierville. Comme elle a été pratiquée par voie non invasive et qu’elle s’est bien déroulée, il a pu quitter l’hôpital dès le lendemain. Au moment de se faire signifier son congé, on lui a remis un bilan d’intervention entièrement rédigé en anglais sur un formulaire anglais. Présent à ses côtés à ce moment, j’ai immédiatement réclamé qu’on lui remette le document en français, ce que l’établissement s’est reconnu incapable de faire sur le champ.
Devant cette situation, j’ai envoyé la lettre suivante au directeur général de l’établissement, avec copie au ministre de la Santé et des services sociaux de même qu’à la ministre responsable de l’application de la langue française et au Devoir pour publication sous forme de lettre ouverte :
Montréal, 21 mars 2010
Michel Larivière
Directeur général
Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal
Pavillon principal
5400, boul. Gouin Ouest
Montréal (Québec)
H4J 1C5
Monsieur,
Mon fils Julien a été hospitalisé dans votre établissement la semaine dernière pour y subir une intervention délicate au cœur par voie électro-physiologique. L’intervention s’est bien déroulée, et s’agissant d’une procédure non invasive, il était en mesure de quitter l’hôpital dès le lendemain.
C’est avec stupéfaction que nous nous sommes vus nous faire remettre, en même temps qu’on lui signifiait son congé de l’hôpital, un compte-rendu de l’intervention entièrement rédigé en anglais sur un formulaire anglais. Nous avons beau, mon fils et moi, être bilingues et même multilingues, nous ne sommes pas familiers avec la terminologie médicale spécialisée employée pour la rédaction d’un tel rapport dont la compréhension nous poserait déjà un problème s’il était rédigé dans notre langue maternelle. À fortiori lorsqu’il est rédigé dans une autre langue.
Qui plus est, ce rapport nous a été remis par une personne qui était incapable de nous en expliquer le contenu, et le médecin qui a pratiqué l’intervention n’était pas non plus disponible pour le faire, ce qui est absolument déplorable dans le cas d’une intervention aussi délicate lorsque le patient a été prévenu il y a plus de 9 mois (en ma présence) que sa condition le plaçait à risque de mort tant qu’il ne serait pas opéré.
Si l’intervention avait été pratiquée dans un hôpital anglophone, je pourrais à la rigueur comprendre qu’on nous ait remis un rapport en anglais, mais la chose aurait de toute façon constitué une infraction à la Charte de la langue française (Loi 101). Qu’une telle chose se produise dans un hôpital francophone dépasse l’entendement, et témoigne au mieux de l’absence dans votre établissement de procédures adéquates de contrôle de la langue du patient, et au pire, d’un mépris total des obligations que vous impose la Loi.
Je vous serais donc reconnaissant de bien vouloir fournir à mon fils dans les meilleurs délais un rapport rédigé dans sa langue maternelle, qui se trouve également à être la langue officielle du Québec. Dans les circonstances, vous comprendrez également que je porte le contenu de cette lettre à l’attention du ministre de la Santé et des Services sociaux ainsi qu’à la ministre responsable de l’application de la Charte de la langue française.
Veuillez recevoir, Monsieur, l’assurance de mes sentiments distingués.
Richard Le Hir
Père de Julien Le Hir
Ex-ministre du Gouvernement du Québec
Cc : Dr Yves Bolduc, Ministre de la Santé et des Services sociaux; Mme Christine St-Pierre, Ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, chargée de l’application de la Charte de la langue française.
Hélas, ce cas n’est pas isolé. J’apprenais ce soir par l’entremise d’une amie à qui j’avais parlé de cette affaire en fin de semaine qu’elle venait tout juste de recevoir une lettre de son vieux père de 89 ans qui vit au Témiscamingue l’informant qu’à la suite d’une intervention subie à Val d’Or ( !!!), il s’était vu remettre un bilan rédigé entièrement en anglais auquel il ne comprenait rien et qu’il lui adressait pour qu’elle veuille bien le traduire pour lui.
Elle compte porter le dossier au Devoir demain matin et se rendre ensuite à la manifestation sur la défense du français demain midi. Non seulement la coupe est-elle pleine, elle déborde…
La loi 101 bafouée
Alerte, citoyens !
Attention, dérapage incontrôlé…
Chronique de Richard Le Hir
Richard Le Hir673 articles
Avocat et conseiller en gestion, ministre délégué à la Restructuration dans le cabinet Parizeau (1994-95)
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5 commentaires
Pierre Durand Répondre
24 mars 2010Merci Monsieur LE HIR,
Tout ce que vous décrivez est inacceptable. La loi 101 est bafouée et les Québecois sont méprisés.
En tant que membre de l'opposition, j'espère que celle-ci vous soutiendra.
Veuillez m'en tenir informer.
Bien à vous
Pierre
@ Richard Le Hir Répondre
23 mars 2010@ Gilles
Je ne manquerai pas de vous tenir informés.
J'ai effectivement envoyé une lettre au ministre de la Santé et à la ministre responsable de l'application de la langue française.
Je compte faire parvenir copie de ces lettres à l'Opposition.
Il sera très intéressant de voir comment ils réagiront.
Et, pessimiste, je crains qu'ils ne réagissent pas du tout, ce qui serait la pire des réactions, et serait une bonne indication de leur capacité à représenter nos droits.
Mais bon, donnons tout de même la chance aux coureurs...
Archives de Vigile Répondre
23 mars 2010Il est évident monsieur Le Hire, que tant que ce gouvernement sera aux commandes, on ne peut compter sur lui pour assurer que le français soit la langue commune et des services de santé
Et justement, Thérèse Delpech dans son livre l'ensauvagement dit ceci qui s'applique bien à la situation que vous dénoncez : «En principe, un État qui ne remplit pas le plus élémentaire de ses devoirs, protéger ses citoyens, perd de ce fait sa souveraineté» L'ensauvagement-Thérèse Delpech - Grasset - Page 320.
À cela j'ajouterais certainement qu'il perd sa légitimité. Quand on entend Christine St-Pierre dire des âneries à savoir que c'est aux citoyens de réclamer du français, je me dis qu'il se perd des coups de pieds là où vous savez, et qu'elle en mériterait plusieurs.
Il est à souhaiter que vous donniez suite et que vous nous teniez informé des suaves réponses que vous ne manquerez pas de recevoir...
Isabelle Poulin Répondre
23 mars 2010Oui Monsieur Le Hir, Au secours ! Ce sont des faits importants qui démontrent une transformation importante du Québec qui dérive vers des intérêts autres que les nôtres. Ce n'est pas normal. Voir absolument la conférence de Denis Lazure sur le Chum : http://pages.videotron.com/isabell http://vigile.net/Deux-mega-hopitaux-a-Montreal
Archives de Vigile Répondre
23 mars 2010Nous avons eu le même problème à l'hôpital Royal Victoria ou non seulement le rapport d'examen était en anglais, mais le docteur n'a pas pris le temps de nous l'expliquer.
Plusieurs plaintes plus tard, nous avons revu 2 des 3 médecins anciennement unilingues... Ils parlent maintenant français! Ils étaient donc capable de l'apprendre, il fallait simplement que les plaintes se rendent jusqu'au collège des médecins pour que ça bouge dans cet hôpital.
Et le plus drôle, c'est que l'un des médecins nous a remercié de l'avoir poussé à apprendre le français...