Alors que Québec dépense des millions de dollars pour financer des étudiants canadiens et étrangers inscrits dans les universités anglophones, un chercheur presse le gouvernement Legault de remédier rapidement à la situation afin de mettre un frein à l’anglicisation de la province dès la rentrée.
«Le plus difficile, c’est de poser le premier geste. Et il faudrait le poser tout de suite», affirme sans détour Martin Maltais, professeur en financement et politiques d’éducation à l’Université du Québec à Rimouski (UQAR).
Le Journal rapportait récemment que Québec consacre près de 200 millions $ chaque année pour financer une partie de la formation d’étudiants canadiens et internationaux inscrits dans des universités anglophones, principalement à McGill et à Concordia.
En vertu de règles en vigueur depuis de nombreuses années, ces étudiants provenant de l’extérieur de la province ne paient pas l’entièreté de leur formation lorsqu’ils sont inscrits dans les universités québécoises, même si leurs droits de scolarité sont en grande partie plus élevés que ceux des étudiants québécois.
Or selon le chercheur Martin Maltais, qui a compilé ces données en collaboration avec Le Journal, il faut plutôt «fermer le robinet» puisque ces fonds publics «contribuent directement» à l’anglicisation du Québec.
La ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry, avait affirmé être «très consciente» du problème et vouloir y remédier.
Minuit moins une
Aucune modification n’a toutefois été apportée dans les règles budgétaires des universités québécoises, qui ont récemment été rendues publiques pour l’année 2023-2024, déplore M. Maltais.
«Je me questionne sur la volonté réelle du gouvernement de cesser d’être un promoteur de l’anglicisation alors que des mesures immédiates peuvent être engagées», écrit-il dans une lettre ouverte à lire ici.
Même s’il est minuit moins une, il est encore temps de faire des ajustements qui pourront être en vigueur pour la rentrée, plaide celui qui a aussi été directeur adjoint au cabinet du ministre de l’Enseignement supérieur, sous Jean-François Roberge et Danielle McCann.
Il ne s’agit pas de changer les règles du jeu pour les étudiants canadiens et internationaux qui fréquentent déjà les universités anglophones québécoises, mais plutôt de rehausser les droits de scolarité pour les nouveaux étudiants qui n’y sont pas encore inscrits, explique le chercheur.
En mettant en place des changements dès la rentrée, la situation pourrait être en grande partie corrigée d’ici cinq ans, dit-il.
«Le phénomène d’anglicisation se poursuit présentement. Plus tôt on commence à réduire la pression sur ce phénomène-là, mieux c’est», affirme M. Maltais.
De son côté, la ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry, assure qu’elle va corriger le tir mais réclame du temps «pour faire les choses correctement».
La révision de la politique de financement des universités qui est en cours permettra d’évaluer «tous les scénarios possibles» afin d’opter pour le meilleur, plaide-t-elle.
«Je ne veux pas précipiter les choses. Modifier les règles du jour au lendemain, je pense que ça peut engendrer beaucoup d’incertitude dans le réseau», indique la ministre.
Mme Déry espère intervenir «le plus rapidement possible» mais estime qu’il est encore trop tôt pour indiquer quand ces changements entreront en vigueur.
La ministre réitère toutefois sa ferme intention d’agir. «Je vais intervenir, dit-elle. Il y a une iniquité financière et on va corriger la situation.»