Le ministre Michel Audet était tout fier d'annoncer, hier, que le gouvernement libéral avait réduit les impôts de 3,8 milliards en quatre ans. Le chiffre est impressionnant. Nous ne sommes plus tellement loin de la célèbre promesse de Jean Charest, en 2003, de réduire le fardeau fiscal des contribuables de un milliard par année. Les libéraux peuvent ainsi se lancer dans la bataille électorale en claironnant qu'ils ont respecté leur engagement.
Il est vrai que M. Audet et son prédécesseur, Yves Séguin, ont introduit d'authentiques baisses d'impôts depuis 2004. Ainsi, le budget déposé hier annonce, entre autres, une hausse des seuils de revenu imposable, la possibilité de fractionner des revenus de retraite et l'introduction d'un nouveau crédit d'impôt pour épargne-études. Il n'y a pas de doute possible : il s'agit bel et bien de baisses d'impôts. Lorsque M. Audet déclare que son budget réduit les impôts de 464 millions, il dit vrai (à condition, bien sûr, que ces mesures soient maintenues après les élections).
Mais pour en arriver au chiffre de 3,8 milliards, le ministre tourne les coins ronds. En fait, en quatre ans, les authentiques baisses d'impôts consenties par le gouvernement Charest se situent à 1,4 milliard. Le reste, 2,4 milliards, peut difficilement être qualifié de baisses d'impôts. Voyons cela de plus près:
Dans son budget de 2004, le ministre Séguin annonce la mise sur pied d'un programme de soutien aux enfants et l'introduction d'une prime au travail. Sur une année complète, ces deux mesures coûtent 851 millions au gouvernement. Le ministre affirme qu'il s'agit de baisses d'impôts. Mais les sommes payées aux bénéficiaires s'adressent en grande partie à des ménages qui ne paient pas ou peu d'impôt. Ainsi, une personne seule gagnant 19 000$ est considérée comme trop riche (!) pour toucher la prime au travail. Dans ces conditions, il est hautement abusif de parler de baisses d'impôts; en réalité, il s'agit clairement de nouveaux programmes sociaux ciblés sur les travailleurs à faibles revenus et les familles. En revanche, le ministre Séguin modifie le régime d'imposition des particuliers, ce qui revient à remettre 219 millions dans les poches des contribuables. C'est une vraie baisse d'impôts.
L'année suivante, le budget annonce une déduction de 500$ pour les travailleurs. En 2006, le ministre Audet porte cette déduction à 1 000$. Cela représente une authentique réduction d'impôts de 588 millions. Ces deux budgets annoncent aussi une série de nouveaux crédits d'impôt, notamment aux aidants naturels. Il y en a en tout pour 166 millions. Donc, en trois ans, les vraies baisses atteignent 973 millions.
Le budget déposé hier en rajoute 464 millions, pour un total de 1,4 milliard.
Pour en arriver à 3,8 milliards, le ministre, comme son prédécesseur, considère les programmes sociaux de 2004 comme des baisses d'impôts, ce qui lui permet de gonfler le montant à 2,3 milliards. Pour compléter le tout, il ajoute 1,5 milliard, résultat du rétablissement de l'indexation des tables et des crédits d'impôts. Faites le total.
Ce dernier tour de passe-passe est particulièrement tordu. La désindexation est une façon déguisée d'aller chercher plus d'argent dans les poches des contribuables sans augmenter les impôts, à mesure que les travailleurs à revenus moyens progressent dans les fourchettes d'imposition. Le procédé est à la limite de la malhonnêteté. Ce n'est pas le ministre Audet, pas plus que le ministre Séguin, qui a annoncé le rétablissement de l'indexation des paramètres fiscaux, mais la ministre péquiste Pauline Marois, en 2001.
L'indexation ne constitue pas un cadeau aux contribuables, pas plus que l'indexation d'un salaire ne constitue une augmentation: votre chèque de paie augmente, mais votre pouvoir d'achat reste lemême. En ce sens, le rétablissement de l'indexation corrige une arnaque, et peut difficilement être comptée comme une baisse d'impôts. C'est comme si le gouvernement disait : "Comptez-vous chanceux qu'on ne vous vole pas. "
Par ailleurs, le budget du ministre Audet demeure étonnamment sobre quand on considère l'imminence des élections. La tradition veut qu'un budget pré-électoral multiplie les cadeaux à gauche et à droite. C'est ce qu'avait fait la ministre Pauline Marois, juste avant les élections de 2003. Paul Martin, quand il était ministre des Finances à Ottawa, a utilisé la même tactique.
Certes, M. Audet annonce quelques initiatives intéressantes, notamment en matière de culture et de développement régional. Mais cela n'a aucune commune mesure avec le déluge de dépenses auquel on aurait pu s'attendre à la veille des élections.
Depuis quatre ans, le gouvernement dit aux Québécois que les finances publiques demeurent fragiles. Encore l'an dernier, en déposant son budget 2006-2007, M, Audet reconnaissait : "On a fait du mieux qu'on a pu avec ce qu'on avait." La phrase en dit long.
Comme ministre des Finances, M. Audet s'est efforcé de mieux contrôler les dépenses publiques, et il y est largement parvenu, ce qui a d'ailleurs valu au Québec une meilleure cote de crédit. Son budget 2007-2008 maintient le cap sur le déficit zéro.
Dans de telles conditions, il eût été pour le moins incongru d'ouvrir les vannes juste avant les élections, même si la tentation était forte.M. Audet, âgé de 66 ans, n'a pas l'intention de se représenter. Avec ce budget, il réussit une sortie politique responsable.
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