L'électoralisme réinventé

Budget Audet - février 2007


Le budget du ministre des Finances, Michel Audet, est parfaitement surréaliste. D'abord, parce qu'on entre en campagne électorale et qu'on ne sait pas qui remportera les élections. Ensuite, parce que si les libéraux conservent le pouvoir, ils déposeront probablement un nouveau budget. Enfin, parce que le ministre tire sa révérence et ne sera donc plus là pour défendre le document qu'il a déposé hier. Le budget de M. Audet vivra donc ce que vivent les roses, l'espace d'un matin.
Le budget est en outre électoral dans l'acceptation la plus littérale du terme. C'est le dernier grand geste posé par le gouvernement Charest avant le déclenchement des élections, et c'en est le coup d'envoi. Il faut donc voir ce budget comme un exercice politique, plutôt que comme un document économique, qui nous donne une idée de ce que serait un second mandat libéral.
Si le budget est électoral, il n'est cependant pas électoraliste dans le sens classique du terme. Pas beaucoup de nouvelles initiatives, pas d'engagements coûteux, pas de bonbons. À ce chapitre, le contraste est frappant avec le budget de fin de mandat présenté en 2003 par Pauline Marois, avec ses promesses et ses cachettes. C'est une nouveauté qu'un gouvernement sortant n'essaie pas de conserver le pouvoir avec l'argent des contribuables.
L'électoralisme est ailleurs. D'abord, le budget s'inscrit clairement dans la stratégie électorale esquissée dans la plate-forme libérale, et qui consiste à miser sur la continuité et la prudence. Pas de nouveautés, mais de la parcimonie, à peine 422 millions d'engagements pour cette année et 879 millions l'an prochain. Le calcul politique des libéraux, c'est de s'en tenir aux mêmes priorités et promettre une gestion responsable, quitte à être ternes et prévisibles.
Le second élément électoral, c'est l'énergie considérable consacrée dans les pages des documents budgétaires au bilan libéral, bien sûr élogieux, tant et si bien qu'une grosse partie de l'énergie est tournée vers la période 2003-2006 au lieu de nous parler de 2008 et 2009. En ce faisant, le ministre nous invite à repasser avec lui les quatre ans de gestion libérale.
Au plan des finances publiques, le bilan est certainement convaincant, même si le Québec n'est toujours pas sorti de son impasse financière. Le gouvernement Charest a bien contrôlé les dépenses publiques, assez pour que leur croissance soit la plus basse au Canada avec celles de la Colombie-Britannique. La cote de crédit du Québec a été relevée deux fois. Enfin, le gouvernement commence, modestement, à rembourser sa dette avec le Fonds des générations, qui sera certainement le plus bel héritage de Michel Audet.
Le bilan est moins convaincant en économie, parce que le Québec traverse actuellement une période de ralentissement. Élections obligent, le ministre Audet a toutefois choisi le rose bonbon. Il se vante d'une " bonne croissance économique ", quand toutes les maisons de prévision parlent plutôt de ralentissement, un mot que le ministre a banni de son vocabulaire.
Il gomme la crise de l'industrie manufacturière. Il utilise des données trompeuses pour présenter un bilan complaisant de la croissance des investissements. Cette description complaisante, et peu crédible, est contre-productive. Elle envoie les mauvais signaux aux citoyens. Et elle jette du discrédit sur les effets structurants des mesures patientes mais souvent peu spectaculaires qui ont été à la marque de commerce du ministre.
Enfin, le bilan est accablant dans le troisième volet d'une démarche budgétaire, la fiscalité. Michel Audet doit vivre avec la grande promesse que les libéraux n'ont pas tenue, celle de réduire les impôts d'un milliard par année, pour que la fardeau fiscal rejoigne la moyenne canadienne.
Le ministre affirme que le gouvernement a rempli 65% de cette promesse, mais il arrive à ce chiffre en évoquant des initiatives qui ne sont pas des baisses d'impôt, comme des crédits de soutien aux familles à faible revenus, et en profitant du fait que le fardeau fiscal a augmenté dans d'autres provinces.
Avec tant d'énergie consacrée au passé, il n'en reste plus beaucoup pour l'avenir. La seule mesure significative du budget, c'est le soutien aux régions. Évidemment, il y a là un calcul politique. Mais l'effort est bien équilibré et ne laisse pas Montréal et Québec en plan. Et surtout, il repose sur une vision du développement des régions qui passe par la décentralisation, l'initiative locale, l'excellence, le développement des entreprises et le soutien à la productivité.
Le résultat, c'est un budget remarquablement terne, à l'image de Michel Audet, un ministre peu flamboyant, qui quitte la vie politique après trois budgets dont la marque de commerce aura été la stratégie des petits pas.


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