Vous êtes totalement déconnectés!

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Crise de la démocratie : des taux de participations anémiques





Il est de bon ton d’affirmer que nos gouvernements, nos politiciens, sont « déconnectés ».


Et les citoyens, eux ? Nous ? (Je m’inclus !) Je pense que s’ils acceptaient de dire ce qu’ils pensent, plusieurs hommes et femmes politiques n’hésiteraient pas à dire que leurs concitoyens sont aussi « déconnectés ».


Par exemple, une grande partie des 1105 municipalités du Québec est actuellement en campagne électorale municipale.


Ne sent-on pas une certaine « déconnexion » des citoyens à l’égard de ces scrutins importants qui auront lieu le 5 novembre ?


En tout cas, le Directeur général des élections (DGEQ) Pierre Reid s’inquiétait publiquement en début de semaine des taux de participation qui s’annoncent anémiques.


Il a même fait des sorties médiatiques, lundi, pour stimuler le vote (initiative rare dans son cas. Et bienvenue !).


En 2013, le taux fut d’à peine 47 %. « La moitié de la population qui se prévaut de son droit de vote, ce n’est pas drôle, c’est très préoccupant pour notre démocratie », a déclaré M. Reid.


Vieux problème, nouvelles causes


Le phénomène du désintérêt des particuliers pour les élections municipales, voire pour le destin commun, n’est pas nouveau.


Au XIXe siècle, Alexis de Tocqueville l’avait magnifiquement exprimé : « On tire difficilement un homme de lui-même pour l’intéresser à la destinée de tout l’État, parce qu’il comprend mal l’influence que la destinée de l’État peut exercer sur son sort. Mais faut-il faire passer un chemin au bout de son domaine, il verra d’un premier coup d’œil qu’il se rencontre un rapport entre cette petite affaire publique et ses plus grandes affaires privées, et il découvrira, sans qu’on le lui montre, le lien étroit qui unit ici l’intérêt particulier à l’intérêt général. »


J’ai l’impression que, malgré nos moyens de communication hyperconnectés, « le lien étroit qui unit [...] l’intérêt particulier à l’intérêt général » ne se renforce pas actuellement, mais qu’il se distend.


Et si une des causes de cette déconnexion était... la connexion ?


De plus en plus de Québécois s’informent sur internet en général et les réseaux sociaux en particulier. C’est un fait démontré par plusieurs études.


En juin, une d’entre elles soutenait que sept Québécois sur 10 utilisaient le web. Dans la tranche des 18 à 24 ans, cette proportion serait de 95 % !


Cela a d’immenses avantages, mais certains effets semblent miner le lien politique.


Chacun dans sa niche


Dans les médias sociaux, on s’intéresse la plupart du temps à ce qui nous intéresse. Nos amis échangent des blagues, des vidéos, des faits étonnants, des informations et opinions susceptibles de nous plaire. Jour et nuit, des algorithmes font de même.


Tout cela a tendance à nous enfermer chacun dans nos niches d’intérêt.


Sur le plan de l’information, les membres d’une même nation ont tendance à vivre dans un univers totalement éclaté.


Où les questions politiques sont reléguées souvent au second plan. À part celles qui étonnent, provoquent, par exemple tout ce qui a rapport au président américain actuel.


Pour caricaturer : on sait tout en temps réel des dernières frasques de Donald Trump sur Twitter ; mais on ignore totalement ce que pense celui ou celle qui veut diriger notre ville ou notre quartier.


À l’ère de l’internet, on a trop souvent la tête ailleurs.


Les vieux médias avaient bien des défauts, notamment d’être unidirectionnels ; non interactifs.


Mais ils créaient de l’unité. Tocqueville, encore : « Il n'y a qu'un journal qui puisse venir déposer au même moment dans mille esprits la même pensée. »


À l’ère des médias sociaux, mille esprits s’intéressent la plupart du temps à mille idées différentes.


Voilà pourquoi, peut-être, ils perdent de plus en plus conscience qu’ils forment un quartier, une ville, une nation ; et qu’ils doivent prendre des décisions ensemble.


La citation de la semaine


« Nous sommes un gouvernement à l’image de notre jeunesse : ouvert, dynamique et plein d’idées. »


– Philippe Couillard, 11 octobre 2017, dans son allocution du remaniement ministériel