« Les cr… de péquistes » et la CAQ

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Le futur de la CAQ se joue entre Drainville et Guilbault

On s’est beaucoup amusé de l’agacement affiché de Geneviève Guilbault face à Bernard Drainville, il y a quelques jours, lors de leur passage commun à Tout le monde en parle. Son exaspération était telle qu’elle s’est même sentie obligée d’expliquer qu’elle aimait bien son collègue, néanmoins.


Comment expliquer cet agacement? Les chroniqueurs soucieux de conformisme idéologique ont voulu y voir du «mansplaining» – on appelle cela répéter le slogan du jour pour avoir le sentiment d’être dans «la bonne gang» médiatique.


C’est pourtant une scène d’une autre nature qui s’est déroulée devant nous, et elle est profondément politique.


On s’en souvient, il y a quelques années déjà, avait percé dans les journaux le terme utilisé par Geneviève Guilbault pour qualifier ses collègues et collaborateurs issus du Parti Québécois: elle les qualifiait de «christ de péquistes» (faudrait-il écrire crisse de péquiss?).




Son cabinet l’avait nié ensuite, mais nous ne sommes pas obligés de le croire.


Manifestement, elle cohabitait sans grand bonheur avec eux.


Nous n’avons jamais su exactement ce que recouvrait cette expression: elle témoignait assurément d’une aversion difficilement surmontable, qui caractérise une certaine culture politique présente dans les environs de la capitale nationale.


Et c’est cette exaspération épidermique à l’endroit de ceux qui ont été, ou sont encore, péquistes qui s’est exprimée dimanche soir, lorsque Geneviève Guilbault a mis en scène son roulement d’yeux lorsque parlait son collègue Bernard Drainville (car même si on n’est plus péquiste, on le demeure toute sa vie aux yeux de ceux qui voient dans cette appartenance politique initiale une forme de marque indélébile).


Car Bernard Drainville prend de la place. Il ne doute pas de sa valeur, et il a raison de ne pas en douter. Et Bernard Drainville n’est pas n’importe quel christ de péquiste. Il a retenu de son ancien parti le nationalisme romantique, lyrique, celui qui pousse un homme à chanter Le plus beau voyage de Claude Gauthier, quand il a l’âme mélancolique. C’est normalement ce type de nationalisme qui exaspère ceux qui n’aiment pas les christ de péquistes.


D’ailleurs, Drainville s’est imposé à la CAQ avec le profil qui est le sien, celui d’un nationaliste décomplexé. Certes, depuis son arrivée au parti, il a dû cacher son indépendantisme, et faire semblant qu’il est rendu «ailleurs», mais il sait bien que nous ne le croyons pas, et sait aussi que ses collègues ne le croient pas davantage.


Et quand viendra, un jour, la course à la chefferie pour remplacer François Legault, il sera sur les rangs, ce que sait Geneviève Guilbault, et ce qui ne lui plaît pas, car elle se verrait bien aussi lui succéder.


Ce n'est donc pas qu’à un choc des ambitions et des ego que nous avons assisté dimanche dernier, non plus qu’à je ne sais quelle scène discourtoise s’expliquant par le supposé machisme de Bernard Drainville, machisme auquel il est étranger, mais à la présence sur la même scène de deux personnes qui veulent le même poste et qui ne veulent pas le même destin pour leur parti.


Autrement dit, la CAQ, coalition bancale s’il en est une, expose ses lézardes sans même s’en apercevoir.