Une preuve à faire

Rabaska

Le Québec ne fait jamais les choses à moitié en matière d'énergie. Si le gouvernement Charest donne suite aux recommandations du Bureau d'audiences publiques en environnement, ce sont deux ports méthaniers qui seront construits sur le Saint-Laurent, l'un à Gros-Cacouna, l'autre à Lévis. Dans ce dernier cas, une levée de boucliers se prépare.
Il ne fait pas de doute que, pour assurer la sécurité de son approvisionnement en gaz naturel, le Québec se doit de faire appel à des sources extérieures à l'Amérique du nord. Le gaz provenant de l'Ouest canadien va s'épuisant, et ses réserves seraient tout au plus de 10 ou 12 ans. Le recours au gaz naturel liquéfié va donc de soi, ce qui entraîne cependant la construction de ports pour recevoir les navires le transportant. Pour répondre à ce besoin, deux consortiums se sont formés et ont préparé chacun un projet qui a été soumis à des audiences publiques du BAPE. Il y a quelques jours, le projet de Gros-Cacouna obtenait le feu vert des gouvernements québécois et canadien, qui se prononceront à la fin de l'été sur le projet Rabaska à Lévis.
La perspective de voir ces deux projets se réaliser en parallèle soulève de vives protestations, surtout dans la région de Québec, où une partie de la population se mobilise contre Rabaska, projet qualifié d'inutile, de dangereux et de dommageable. S'il faut un port méthanier, on devrait se contenter de Gros-Cacouna qui ne présente pas les mêmes enjeux de sécurité que dans le cas de la région fortement urbanisée de Québec.
Ce mouvement de protestation pourrait être vu comme une autre illustration du phénomène «pas dans ma cour». Un tel réflexe existe, mais il y a plus. On ne sait pas si ce deuxième projet, à Lévis, est nécessaire. On n'en a jamais fait la démonstration. Pas plus qu'on n'a étudié les deux projets dans une perspective d'ensemble pour déterminer les besoins futurs en gaz naturel et les impacts environnementaux globaux de l'accroissement de l'offre sur la consommation d'énergie et l'augmentation induite de gaz à effet de serre (GES). Le gouvernement Charest les a soumis à des audiences publiques du BAPE, où ils ont été étudiés de façon séparée. Ses réflexions sur ce plan peuvent être qualifiées de sommaires.
De ce gouvernement qui se fait fort de réduire le niveau des GES, on se serait attendu à ce qu'il prenne préalablement la peine de situer ces projets dans le contexte de ses politiques énergétiques et environnementales et détermine s'il faut lancer un ou deux projets. On a plutôt voulu laisser au marché cette décision qui en fait dépendra de la capacité des promoteurs de ces projets à signer un contrat d'approvisionnement en gaz liquéfié à long terme. Peut-être est-ce Gazprom, la société d'État russe avec laquelle les deux consortiums négocient, qui décidera au bout du compte si nous aurons un ou deux ports méthaniers.
Conséquence directe de l'absence de positions claires de la part du gouvernement, celui-ci se retrouve devant une opposition citoyenne qui pourrait être de la même ampleur que pour le projet de centrale au gaz du Suroît de célèbre mémoire. Des opposants à Rabaska réclamaient hier la mise sur pied d'un comité d'experts, afin de procéder à une évaluation de ce projet plus approfondie que celle faite par le BAPE. Bonne idée! Ce serait pour le gouvernement Charest l'occasion de faire les devoirs qu'il n'a pas faits au préalable. On aurait ainsi un débat éclairé. Un projet tel que Rabaska entraînera des inconvénients importants pour ceux qui vivront dans son environnement immédiat. Malgré un niveau de risque apparemment bien conscrit, une catastrophe demeure toujours possible. Pour obtenir un degré d'acceptation suffisant de la population de Québec, il faut pouvoir démontrer que les effets bénéfiques de Rabaska l'emportent sur les inconvénients et les risques. Cela reste à faire.
bdescoteaux@ledevoir.com


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