Une fin de campagne inédite : où est passé le trou noir?

La différence réside ailleurs. En ces derniers jours de campagne, la question nationale est pratiquement absente des échanges quotidiens entre les trois chefs.

Québec 2007 - Analyse

La campagne électorale qui s'achève diffère des précédentes. Mais ce n'est pas parce qu'elle se serait égarée, plus que d'habitude, sur des chemins de traverse. Ces égarements sont fréquents. Qu'on se rappelle!
En 1998, Lucien Bouchard a dû s'excuser pour avoir dit que Jean Charest n'aimait pas le Québec. Puis pour avoir dit que les femmes blanches ne faisaient pas assez d'enfants. Jean Charest a dû aussi passer sous les fourches caudines pour avoir affirmé qu'il tirerait un trait sur la Révolution tranquille. En 1989, des barils de BPC partent en bateau pour l'Angleterre et soudain reviennent en pleine campagne! On découvre que des enfants sont intoxiqués par le plomb.
Toutes les campagnes connaissent leur lot de nouvelles qui détournent l'attention des électeurs des «vrais enjeux». En fait, ces rebondissements font partie des enjeux, car voir un chef de parti gérer l'imprévu est bien souvent révélateur de ses qualités intrinsèques et de son leadership.
La différence réside ailleurs. En ces derniers jours de campagne, la question nationale est pratiquement absente des échanges quotidiens entre les trois chefs.
Pendant la campagne électorale de 1998, Jean Charest avait inventé «le trou noir» pour décrire la situation du Québec au lendemain d'un référendum gagnant. Robert Bourassa parlait plutôt du «saut dans le vide», tout comme Daniel Johnson.
Et dans le dernier sprint, tous ces chefs libéraux martelaient, discours après discours, qu'un référendum, générateur d'instabilité, suivrait inexorablement l'arrivée d'un gouvernement péquiste à Québec.
Cette finale a été une constante des campagnes électorales depuis 1989, moment du retour aux affaires de Jacques Parizeau. Ce fut le cas en 1994 bien sûr, comme en 1998. Cela s'est vérifié encore en 2003, mais alors c'était Bernard Landry qui avait tiré cette ficelle. Pour mobiliser ses appuis qui s'étiolaient, il avait subitement lancé qu'élu, il tiendrait un référendum, «s'il avait la moindre chance de le gagner».
À chaque scrutin, le vote souverainiste a été plus bas que le score prédit dans les sondages les plus récents. On en avait rapidement conclu que l'électeur était allergique à l'incertitude.
Le «trou noir» évanoui
Cette année, où est donc passé le «trou noir»? Jean Charest, au cours des dernières semaines, s'est bien gardé d'envoyer le ballon dans les platebandes constitutionnelles. Depuis plusieurs jours, il n'y a qu'un adversaire sur le radar du chef libéral : Mario Dumont. Il y a eu les faux pas sur la fin des pensions au lendemain d'une victoire souverainiste, puis cette autre boulette sur «la divisibilité», pardon «l'indivisibilité» du territoire québécois. Alors, M. Charest a prestement mis de côté ce genre d'attaques au flanc des souverainistes.
Voulait-il polariser le vote et s'assurer que les appuis à Mario Dumont retournent aux libéraux et aux péquistes? C'est le contraire qui s'est passé, estime, parmi bien d'autres, Jean-Herman Guay, politologue à l'Université de Sherbrooke. «Les gens sont écoeurés de ce débat sur la souveraineté versus fédéralisme», dit le spécialiste.
La volonté souverainiste a créé depuis 30 ans une pression sur le Canada et le fédéral pour faire avancer les choses, et la population constate désormais que le déséquilibre fiscal se règle en partie, que le Québec est reconnu comme nation.
L'arrivée de Mario Dumont n'a pas provoqué cette lassitude du débat constitutionnel, «mais c'est lui qui en a bénéficié», résume l'universitaire.
La dernière semaine de campagne n'a rien de constitutionnel. Hier, M. Charest a accusé le chef adéquiste d'envisager des coupes sombres dans les budgets de la Santé et de l'Éducation avec son objectif de réduire de 1 % les dépenses du gouvernement.
M. Charest, pour sa part, s'est retrouvé sur la défensive depuis sa sortie à la chambre de commerce de Montréal, mardi. Il réclamait plus de fonds d'Ottawa au nom du déséquilibre fiscal, pour financer la santé et l'éducation. Voilà que le premier chèque sera englouti dans les baisses d'impôts, un rappel maladroit d'une promesse non tenue il y a trois ans.
Mario Dumont n'avait peut-être pas tellement tort lors de son discours controversé à Toronto, à l'automne 2002. Le débat constitutionnel semble désormais bel et bien «sorti du radar».


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé