Peter Pan

Privilégier les baisses d'impôt vient donner raison à tous ceux qui prétendaient que le déséquilibre fiscal était un mythe.

Québec 2007 - Analyse

En qualifiant Mario Dumont de «Peter Pan de la politique», André Boisclair a mis le doigt sans le vouloir sur ce qui explique en bonne partie la progression fulgurante de l'ADQ au cours des dernières semaines.
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Le chef du PQ voulait évidemment souligner le caractère un peu enfantin du cadre financier que M. Dumont venait de dévoiler, mais Peter Pan est aussi ce héros qui fait la barbe aux vieux pirates menteurs et hypocrites. Ses partisans seraient sans doute ravis de l'entendre traiter les libéraux et les péquistes de «vieux poissons pourris».
Même s'il est chef de parti depuis bien plus longtemps que ses adversaires, M. Dumont est demeuré si éloigné du pouvoir qu'on ne se rend pas compte à quel point sa lutte pour survivre a fait de lui un politicien au moins aussi retors que les autres. À force de combattre le capitaine Crochet, il a fini par apprendre tous les trucs du capitaine Crochet.
En réalité, il n'avait aucun besoin d'attendre la présentation du budget fédéral pour dévoiler son cadre financier. L'important était de s'assurer que les intentions de vote soient cristallisées avant de s'exposer à toutes les critiques qu'on entend depuis deux jours.
M. Dumont a retenu la leçon de 2003. Si les chiffres de l'ADQ avaient été connus plus tôt, tous ceux qui y trouvent maintenant matière à s'inquiéter auraient eu le temps de se mobiliser et l'histoire aurait pu se répéter.
Le cri d'alarme lancé hier par le président du Syndicat des fonctionnaires, Michel Sawyer, à la vue d'un sondage CROP qui laisse entrevoir un balayage adéquiste dans la région de Québec était bien tardif.
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Les appréhensions de M. Sawyer sont parfaitement compréhensibles. Réaliser tous les engagements de l'ADQ en neuf mois, comme M. Dumont prétend le faire, n'est imaginable que dans la mesure où on administrerait au Québec une médecine semblable à celle à laquelle avait eu droit l'Ontario de Mike Harris.
En 2003, la plateforme du PLQ était suffisamment vague pour que de nombreux électeurs se plaignent après coup de n'avoir «pas voté pour ça». Celle de l'ADQ est peut-être trop succincte, mais les intentions sont parfaitement claires, qu'il s'agisse de la cure minceur qui sera imposée à l'État, de la remise au travail des assistés sociaux ou de la privatisation du système de santé.
Contrairement à Jean Charest, M. Dumont pourrait légitimement prétendre avoir obtenu un «mandat clair» pour provoquer la plus grande remise en question des fondements de la société québécoise depuis le début des années 60.
Plusieurs étaient d'avis que le premier ministre avait damé le pion au chef de l'ADQ, mardi, en annonçant une nouvelle baisse d'impôt deux heures avant qu'il ne dévoile son cadre financier, qui devait lui permettre de reprendre la pôle position dans les médias moins de 24 heures après la présentation du budget Flaherty.
Finalement, M. Charest lui a peut-être rendu service en faisant diversion. Le cynisme de la promesse libérale d'utiliser la manne fédérale pour diminuer les impôts a probablement suscité autant de scepticisme que le simplisme du cadre financier de l'ADQ.
Au moins, M. Dumont n'a manqué à aucun engagement, tandis que M. Charest avait toujours assuré que toute marge de manoeuvre additionnelle serait d'abord utilisée pour améliorer les services. Privilégier les baisses d'impôt vient donner raison à tous ceux qui prétendaient que le déséquilibre fiscal était un mythe.
Au chapitre de l'éducation postsecondaire, la réponse d'Ottawa n'a pas été à la mesure des attentes. Logiquement, au moins une partie des 700 millions de dollars en «argent neuf» aurait dû être utilisée pour pallier ce manque. D'autant plus que le PLQ a décidé d'exiger une plus grande contribution des étudiants.
Au bout du compte, la seule différence avec 2003 est que M. Charest a décidé de ne pas attendre les élections avant de manquer à ses promesses. D'une certaine façon, on peut parler de transparence.
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L'apparition instantanée de pancartes libérales saluant le règlement du déséquilibre fiscal a fait penser que le premier ministre avait bénéficié d'informations privilégiées sur son contenu.
Il est toutefois permis de se demander s'il s'agissait vraiment d'un geste de panique ou s'il n'avait pas déjà prévu sortir ce lapin de son chapeau au lendemain du budget pour donner un nouveau souffle à sa campagne dans le dernier droit.
Dans un cas comme dans l'autre, M. Charest pourrait avoir fait une très mauvaise lecture de l'opinion publique. En succédant à Bernard Landry, il avait tout naturellement repris la direction de la croisade de son prédécesseur, mais la décision d'utiliser les 700 millions d'Ottawa pour diminuer les impôts donne l'impression qu'il en avait très mal évalué la signification.
Dès le départ, le chef du PLQ avait vu dans la création de la commission Séguin une nouvelle astuce souverainiste. Il est vrai que bien des péquistes, qui anticipaient déjà leur retour dans l'opposition, se réjouissaient à l'idée de piéger les libéraux en laissant derrière eux un rapport qui ne pourrait pas être rangé sur les tablettes.
Eux-mêmes avaient peut-être sous-estimé la dimension pédagogique de l'exercice. Au fil des ans, la lutte contre le déséquilibre fiscal a cependant pris l'allure d'une véritable corvée nationale qui a rassemblé les fédéralistes et les souverainistes. Le but était de redonner au Québec les services de qualité qui faisaient jadis la fierté de tous. Aboutir à une simple baisse d'impôt pour permettre à un gouvernement qui n'a pas tenu ses engagements de sauver la face dévalorise en quelque sorte l'entreprise.
M. Charest avait commis la même erreur d'appréciation en débarquant au Québec en 1998. Cette année-là, il avait tout bonnement suggéré l'abandon de la quête du déficit zéro. Pris dans le tourbillon fédéral, il n'avait pas mesuré le mouvement de solidarité qu'avaient déclenché les sommets de 1996.
À l'époque, il n'avait pas compris le tollé, mais il s'était ravisé. Cette fois-ci, il ne peut pas reculer sur sa nouvelle promesse de diminuer les impôts. Hier, il ne voulait même plus répondre aux questions sur ce sujet.
mdavid@ledevoir.com


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