Un terroriste près de chez vous

Par contre, et c’est là où je voulais en venir, à La Presse, ce serait plutôt le règne de la pensée unique… (Michel Vastel)

Tous les "Ex" ne se gavent pas dans l'auge...


Jacques Lanctôt, un ancien éditeur, mais davantage connu comme ancien felquiste, a écrit récemment une chronique où il se remémorait le moment où lui et ses camarades de sa cellule du FLQ ont servi du pâté chinois à James Cross, le consul britannique qu’ils ont détenu comme otage pendant plus de deux mois en 1970.


Ce qui frappait dans cette chronique, qui a laissé bien des gens mal à l’aise, c’était le ton, celui de l’anecdote, léger, badin même, où pointait la nostalgie émue d’un homme vieillissant pour ses frasques de jeunesse. Le genre « Ah c’était le bon temps… »
Jacques Lanctôt, à l’émission de Christiane Charrette, a admis que sa chronique était « un peu baveuse ». Non. Elle était scandaleuse. Elle donnait carrément le haut-le-cœur.
James Cross a été une victime, un otage, que son enlèvement et sa détention ont profondément marqué. Le fait de relater humoristiquement cette période traumatisante de sa vie, de raconter ce qu’on lui faisait manger, de rappeler avec amusement les lectures qu’on lui imposait, évidemment Nègres blancs d’Amérique, c’est traiter avec une intolérable légèreté la situation d’un homme en captivité, qui vivait dans la crainte permanente que ses ravisseurs l’exécutent.
Comment réagiriez-vous à un texte où un homme d’une soixantaine d’années, condamné pour viol quand il avait 20 ans, conforté par le fait qu’il a payé sa dette à la société, se remémorait avec une certaine nostalgie cet épisode de sa vie en parlant des seins de sa victime ou de la cigarette qu’il lui avait offerte après le fait ? Il n’y a pas de différence.
Ce qui choque, ce n’est pas le passé felquiste de M. Lanctôt. Le terrorisme a été un phénomène de société à la fin des années 70 dans la plupart des démocraties occidentales. Partout, des jeunes ont posé des bombes, pris des otages et tué des innocents. Le fait d’avoir été membre d’une organisation terroriste ne doit pas faire de quelqu’un un pestiféré toute sa vie. Il existe une telle chose que des égarements de jeunesse.
Il est cependant étonnant de constater que Jacques Lanctôt, après tout ce temps, ne croit pas que les gestes qu’il a posés étaient une erreur. « Non, je ne regrette rien », dit-il. Encore maintenant, il tente de justifier son geste en expliquant que James Cross n’était pas une victime innocente, parce qu’il représentait l’Angleterre, « un pays qui n’avait pas les mains propres ». Pourtant un consul à Montréal n’est pas un décideur, mais un fonctionnaire.
Ce qui est encore plus fascinant, c’est de découvrir que M. Lanctôt pense encore comme un felquiste, en appliquant toujours la grille d’analyse primaire qui était celle du FLQ, même quand il parle de pâté chinois ! Son texte était en fait un commentaire sur le fait que Le Devoir ait décrété que le pâté chinois était le plat national du Québec. « Ce que les Québécois d’origine modeste mangeaient fréquemment, faute de filet mignon, de foie gras et de homard. »
Youhou ! Pourtant, le pâté chinois n’a jamais été le plat des pauvres ; c’est un plat populaire dans les deux sens du terme, qu’on mange dans tous les milieux, dans toutes les familles.
J’ai hésité à écrire sur ce sujet, parce que Jacques Lanctôt, qui signait des chroniques sur le site de Canoe, publie maintenant ses textes dans le Journal de Montréal. Je risque donc de me faire accuser niaisement de participer à une espèce de conflit commercial.
Je n’ai pas l’intention de tirer sur le messager. Le Journal de Montréal a pour stratégie de multiplier les chroniqueurs extérieurs. Le choix de M. Lanctôt repose certainement sur le fait qu’on prévoit que sa chronique aura un certain succès. La vraie question est là. Pourquoi ?
Cela dénote aussi une certaine tolérance pour une période peu glorieuse de notre histoire. Les événements d’octobre, ce n’est pas seulement l’indéfendable Loi sur les mesures de guerre. Celle-ci, malgré ses abus, ne peut pas justifier a posteriori ce dernier sursaut du terrorisme, qui a fait des victimes innocentes, qui n’a pas enrichi notre pensée collective et qui n’a pas fait avancer le Québec d’un centimètre.
Manifestement, il y a aussi une affection au Québec pour certains radicaux, les Michel Chartrand, les Léo-Paul Lauzon, d’anciens felquistes comme Jacques Lanctôt. Et ça, dans une société assez conservatrice. Par culpabilisation ? Par romantisme ?
À cela s’ajoute certainement notre amour pour les grandes gueules, à la radio et dans les journaux, qui travestissent trop souvent en débats d’idées ce qui ne sont que des « freak shows ». On appelle cela parfois l’information-spectacle. Mais en fait, c’est du spectacle tout court.
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CRITIQUE
"Dernière chose - bien petite chose! - qui m’a frappé pendant ce week-end. Alain Dubuc s’en est pris, aujourd’hui, à Jacques Lanctôt, ancien éditeur - il a publié mon livre sur Lucien Bouchard que j’avais titré, en pensant qu’il ne durerait pas longtemps au PQ ‘En attendant la suite…’ -, ancien éditeur donc mais aussi ancien felquiste. Il était de la cellule Libération dont on croit qu’il était le chef. Le chargé d’affaires britannique que lui et ses camarades ont enlevé n’a jamais été maltraité. En tous cas il n’a pas été tué comme Pierre Laporte.
Ceci dit, Lanctôt parle avec un peu trop de désinvolture de cette période, qu’il renie aujourd’hui d’ailleurs. Je peux vous dire que ce n’est pas ce qu’il pense. Je me souviens d’un voyage en voiture à Ottawa. Il faisait nuit, le climat était propice à la confidence. Et Lanctôt ne fanfaronnait pas, mais pas du tout, à propos de cette période de sa vie. Quoiqu’il en soit, Alain Dubuc, après avoir réglé son compte à «un terroriste près de chez vous», s’en prend évidemment au médium. Il laisse entendre que Lanctôt a été engagé par Le Journal de Montréal parce qu’il va faire vendre de la copie.
Ne se pourrait-il pas aussi qu’on l’ait engagé pour apporter une autre voix au groupe, de plus en plus imposant, de chroniqueurs. On engage Joseph Facal mais aussi Jean-Philippe Décarie, et Hubert Reeves et… Michel Vastel. Parmi les dix-huit chroniqueurs réguliers, les opinions diffèrent au point où cela enrage les lecteurs. Certains sont fédéralistes, d’autres souverainistes. Certains de gauche, d’autres de droite. Et alors?
Par contre, et c’est là où je voulais en venir, à La Presse, ce serait plutôt le règne de la pensée unique…"
Michel Vastel, 27 janvier
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Le pâté chinois est entré dans la légende
Canoë 21/12/2007
Jacques Lanctôt

Ainsi donc le fameux pâté chinois vient d’être consacré «plat national» des Québécois, selon le quotidien Le Devoir. Différentes personnalités se sont penchées sur la question, il leur fallait trouver le mets national, celui qui représente le mieux le Québec d’aujourd’hui, et, à la suite de ce mini-sondage, le pâté chinois a ravi la palme à la tourtière et au ragoût de pattes.
Il y a longtemps que nous, du FLQ de l’époque, l’avions pressenti, cela dit sans triomphalisme aucun. Et c’est ainsi que nous avions fièrement présenté ce noble plat des humbles travailleurs au délégué commercial britannique James Cross, que nous détenions dans la maison de la rue des Récollets, à Montréal-Nord. Ce plat, mijoté collectivement dans les cuisines de cette même maison, selon une recette de ma mère, certainement la meilleure, avait été offert ainsi au délégué britannique, avec sans doute ketchup et tranches de pain Weston ou POM. Mais celui-ci, manifestement, ne semblait certainement pas avoir déjà mangé un tel assemblage culinaire, à première vue hétéroclite, s’il faut en croire son regard interrogateur, je m’en souviens parfaitement, au moment où lui fut présenté son repas du soir. Je ne saurais dire s’il a apprécié, mais chose certaine, il venait de découvrir, ce jour-là d’octobre 1970, ce que les Québécois d’origine modeste mangeaient fréquemment, faute de filet mignon, de foie gras ou de homard.
Cette anecdote pourra vous sembler anodine, mais elle est tout de même réelle. Je dois vous avouer que c’est avec beaucoup d’empressement et d’anxiété que nous lui avions préparé ce premier pâté chinois, car nous nous disions bien qu’un diplomate étranger ne s’abaisse certainement jamais à manger cette nourriture populaire, qui n’avait pas encore reçu, il faut le préciser, ses lettres de noblesse. Pour nous, la préparation de ce repas avait revêtu toutes les allures d’un grand événement protocolaire, voire symbolique, et c’est tout juste si nous n’avions pas entonné au même moment une chanson de La Bolduc. Malheureusement, les médias n’avaient pas été invités pour filmer l’événement, on comprendra pourquoi. Je rigole, mais...
C’est que nous avions essayé à maintes reprises de le sensibiliser au triste sort des Canadiens français de l’époque, quelques mois après le dépôt du rapport de la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme, communément appelée commission BB ou Commission Laurendeau-Dunton, alors que nous venions de découvrir officiellement que nous étions situés à l’avant-dernier rang au Canada, loin derrière les Canadiens anglais, les Italiens, les Grecs, etc., socialement et économiquement parlant, tout juste devant les Amérindiens, les derniers de la longue liste, de quoi fouetter les ardeurs de plus d’un nègre blanc.
Tiens, justement, nous avions tenté de lui faire lire Les nègres blancs d’Amérique, de Pierre Vallières, notre bible de l’époque, qui normalement déclenche un fort sentiment de sympathie envers notre condition de colonisé ou pauvre C.-F, comme disait Hubert Aquin, mais il semblait peu intéressé par cette lecture imposée et il n’y consacra que quelques minutes en tout pendant toute sa captivité. Alors, tous nos espoirs étaient désormais placés dans ce fameux pâté chinois, où il ne pourrait qu’être sensibilisé à nos origines modestes, croyions-nous, et cela déclencherait peut-être quelque élan de sympathie envers notre cause. C’est que, je le répète, le pâté chinois n’était nullement synonyme d’une quelconque fierté nationale, au contraire, il témoignait indéniablement d’une pauvreté certaine. À l’époque, nos parents n’achetaient pas le steak haché extra maigre, nous achetions ce qu’il y avait de moins cher à l’épicerie du coin, c’est-à-dire une viande un peu plus grasse que celle que je consomme aujourd’hui (en petites quantités, bien entendu). Et si nous disions à nos camarades d’école que nous allions manger, pour le souper, du pâté chinois, personne ne s’exclamait: «Chanceux, va!» Même chose pour le pudding au chômeur, tout aussi populaire et bourratif, qui nous changeait quelque peu des biscuits Viau à la feuille d’érable, des Whippets, des beurrées de beurre d’arachide ou des trempettes de pain dans de la mélasse. Le sucre à la crème, c’était pour Noël. Et pourtant nous semblions heureux, même si le feu couvait, prêt à jaillir du cratère.
Mais aujourd’hui, les choses ont bien changé, comme on peut le constater, et nous avons découvert, chez nous, parmi nous, sur notre territoire national, plusieurs objets et raisons d’assumer une certaine fierté, sans pour autant nous péter les bretelles. Nous nous sommes découvert des qualités et des vertus qui, hier encore, nous semblaient des tares ou des banalités sans conséquence. Et c’est tant mieux. Même si certains intellectuels cosmopolites pourront trouver cela complètement déplacé, voire indigeste!
Mais, laissez-moi vous dire que lorsque j’apprends que ce pâté chinois aurait peut-être des origines irlandaises, avec le sheppard’s pie, je m’étonne beaucoup et je me dis que c’est un complot de plus contre nous. Je rigole, encore une fois. Mais je m’étonne tout de même que notre délégué commercial britannique, qui s’était empressé de revendiquer haut et fort ses origines irlandaises pour nous convaincre que le gouvernement britannique ne lèverait pas le petit doigt pour venir à la rescousse d’un Irlandais, ne se soit pas retrouvé en terrain connu, avec notre pâté chinois.
Alors, vous voulez savoir si nous avions utilisé du maïs en grains ou du maïs en crème? Eh bien! ma mère utilisait toujours du maïs en grains, tout simplement.
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