Culture québécoise

Un Louis d’or pour les bonnes œuvres

Autour de Louis-Georges Carrier (et de quelques autres grands disparus)

Tribune libre

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«Au fond de ta mémoire / le temps va m'effaçant»
L.-G.C., Elle tournera la terre

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Pieu d’ancrage: S. Baillargeon, «Un géant de la télévision culturelle s'éteint» (Le Devoir du 30 décembre 2016)

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Réel scandale que cette disparition incognito, le 2 décembre dernier, d’une noble figure (comme dirait le grand Jacques) de la culture québécoise.

Même Radio-Canada – ou ce qu’il en reste, d’une insoutenable inculture (langue indigène indigente comprise), hormis quelques minuscules et très rares plages, audiophoniques ou télévisuelles – aura balayé (sciemment, par impéritie ou par ignorance) l’information sous le tapis. Révoltant. Reconnaissance au Devoir, donc, pour avoir vengé en quelque façon l’injure. Pour ne pas dire l’infamie.

À la faveur d’un destin comparable, les René Angélil, les Prince, les Bowie, les George Michael et les Leonard Cohen auront connu, on s’en doute, un tout autre sort en ces lieux (et autres comparables) devenus insupportablement «tendance». Vocable traduisant ce que pour ma part je nomme le Big Brother manière douce. Ou insidieuse, si vous préférez. Telle une légère mesure de cyanure sucrée à l’eau de rose, chaque jour versée. Assassinat généralisé dépénalisé assuré. Du jugement réfléchi, informé, étayé, éclairé. Et critique.

Nous parlons, ou parlerons, ici, un trop court instant, de Louis-Georges Carrier (1928-2016).

Que pour ma part j’aurai d’abord connu, à distance, et encore enfant, par le biais, dans le monde du téléthéâtre, de son association avec Claude Léveillée, le regretté magnifique. Ce qui d’ailleurs ouvrira sur les textes de quelques-unes des plus belles chansons de ce dernier. Et figurant, du coup, parmi les plus solides de l'extraordinaire répertoire de la grande chanson québécoise – de Félix et Gilles à Piché, Beau Dommage et Lelièvre.

Pardon – oui, pardon, bien sûr – pour les quelques (rares) perles passées, ce disant, sous silence. Et qui se sont faufilées depuis lors, il est vrai, quoique à doses infinitésimales, jusqu’à ce jour. Eh non. Hélas. N’est pas Brel, Piaf, Brassens, Gréco, Ferré, Barbara, Nougaro, Ferrat, Hardy, Adamo (le Françoise masculin), Bécaud ou Aznavour, et Reggiani, qui veut. Toutes langues, toutes cultures et tous pays confondus. Par ailleurs.

(Cela dit, de grâce, ne pas ébruiter ce constat! Car nos très cultivées et distinguées radios-poubelles – vertu inhérente au sommeil dogmatique de qui ignore qu’il y aurait bel et bien un univers hors American Culture – n’en savent toujours rien)

Remarquables collaborations Carrier-Léveillée, en effet. Disais-je. Dont: Elle tournera la terre et Le cérémonial de l’amour. Véritables pralines sonores (de 1969) à déguster ad libitum (en bouche ou en boucle, c’est selon) en mémoire d’un homme de qualité. Lequel en outre, pour l’anecdote (encore que), aura partagé un millésime de naissance – Zeus veillait au grain, à l'évidence – avec quelques autres puissantes pointures du monde de la beauté du verbe manière québécoise, j’ai nommé: Gilles Vigneault, Raymond Lévesque, Gaston Miron, Pauline Julien, Michel Brault, Gilles Carle et Monique Leyrac (mais où êtes-vous donc, dame Monique: en quelque Vaudreuil ou Isle d’Orléans à tenter d’ar/rimer Leclerc à Nelligan?).

En cela semblable à Pierre Barouh –– qui, en compagnie de l'élégante dame Michèle de Quai des brumes et du Chat et la souris, à quelques heures près (et peut-être même À bicyclette, allez savoir), a pris congé de nous également ce décembre (celui-là même, on le sait, qui nous a laissé en tête, parmi moult doux souvenirs, un «Chabadabada, Chabadabada» délicatement obsessionnel qui n’aura, comme de juste, jamais cessé, Lai et Lelouch aidant, de nous envoûter, tel un mantra, depuis maintenant cinquante ans et une toute petite poussière) –– Louis-Georges Carrier s’en est allé comme il fut. C’est-à-dire. En homme discret. Attentif au bien-faire des choses.

Ce qui à revers expliquerait peut-être qu’il fut l’indéfectible ami de l'unique Hubert Aquin, mais aussi l’alter ego de Marcel Dubé, autre grand disparu de 2016 (le téléroman Côte de sable et les pièces Il est une saison et Virginie, de 1960-1962, 1967 et 1968, respectivement, figurent parmi les œuvres conçues à deux mains et quatre oreilles à un titre ou un autre). Incidemment, l’auteur de Zone et du Retour des oies blanches aura aussi légué un titre, Adieu Printemps, à l’incontournable Léveillée de ce monde et de ce temps.

Cela entendu, vous l’aurez échappé belle, monsieur Louis – à l’exemple d’un Sigismund Freud en 1939, par exemple…? –, en vous moquant d’ores et déjà («Nous, nous serons morts mon frère…», n’est-ce pas, Raymond au patronyme de René?) de l’obscurité couleur feu qui se répand désormais – Histoire bégayante / Humanité béquillante – devant et tout autour de Nous.

Humaine Sororité en perpétuel combat. Contre elle-même.
Qui trouve toujours en vestiaire son gant/gster pour se boxer.

Comme quoi se tirer dans le pied finit par monter à la tête.
Bientôt les sandales haut-de-forme en solde en grandes surfaces...?

Au fond de ma mémoire, Louis-Georges Carrier, le temps n’ira pas vous effaçant.

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Jean-Luc Gouin
depuis Québec, aux aurores de l’An 2017

PS: D’ici-bas, mes salutations de même, toute particulières et plus que cordiales, à Marcel Barbeau, Rita Lafontaine, André Melançon, Lucille Dumont, Hervé Brousseau, Elie Wiesel, Pierre Boulez, Michel Delpech, Gotlib et Umberto Eco!

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Jean-Luc Gouin94 articles

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Chambrelan du verbe et indocile citoyen de la Cité (les dossiers de la Francité et de la « Question » nationale du Québec l’occupent – et le préoccupent – tout particulièrement), mais également docteur en philosophie diplômé de l'Université Laval et spécialiste nord-américain du penseur allemand Hegel, JLG a publié ouvrages et maint article portant pour la plupart sur celui-ci.



Hegel. De la Logophonie comme chant du signe, son dernier opus, fruit de trente ans de recherche, a été publié simultanément, en 2018, et aux PUL, à Québec, et chez Hermann à Paris.

 

Textes « citoyens » choisis de Jean-Luc GOUIN ( 1995-2018 )

( parmi quelques centaines, qui hélas ne vieillissent pas )

 

•• Les Bilinguistes. Grands sorciers des langues phagocytaires

•• Débat sur la langue dans le quotidien Le Devoir (Été de 1998)

•• Qui sort, digne ! Franchir le miroir de notre schizophrénie collective

•• Le Franc Pays. Québécois ou Québec coi ? (+ de 20 ans plus tard, rien n’a changé...)

•• Le Lys dans le lisier (Ou pourquoi l’Indépendance du Québec, en quelques mots)

•• Aux larmes citoyens ! (anthropoème en hommage à Gaston Miron)

•• Philippe Couillard : Le Philippe Pétain de notre temps (Lettre à mon premier sous - ministre)

•• Autres espaces de réflexion (Société, Culture, Politique... dont : Ouvrez le Feu ! , Liquider pour argent liquide , Halloween. Plaie ou plaisir de l’enfance ? , Interdit de ne pas fumer ! ...) 

•• De l’humain travesti en divin (modeste contribution au projet d’une Charte de la laïcité)

•• Précis sur la malhonnêteté intellectuelle (aussi nommée mauvaise foi)

•• L’Homme Prométhée (une forme de « CQFD » irrésistible aux textes qui précèdent...?)

 

 





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1 commentaire

  • Yves Corbeil Répondre

    8 janvier 2017

    Quand on veut effacer le passé d'un peuple, on érige pas des monuments. Ils l'ont bien compris et la très grande majorité à d'autres soucis avec sa nouvelle culture ''d'ouverture sur le monde''... à la sauce politique un brin partisane.
    Ils en ont à cirer du passé des radoteux à ceintures fléchés qui font peur à visite qui envahit la province de Couillard et Trudeau, ces deux grands défenseurs de la diversité contre les xénophobes de souches qui comprennent pas comment ça marche la globalisation des marchés et des marchandises matérielles et humaines pour faire rouler l'économie.
    Ça prends des consommateurs et des votes puis on fait pu de bébés donc ils les importent, 55000 cette année et ils vont faire mieux dans l'avenir. C'est pour ça que Champlain c'est devenu un pont ainsi que Jacques-Cartier et Mercier puis que René Lévesque une moitié de rue.
    On va-tu s'en sortir de c'te pays là?