Un échec du PQ, pas de la souveraineté!

Chronique de Gilbert Paquette

Ça y est, la machine médiatique simplificatrice s'emballe. Cette élection témoignerait d'un recul, voire de la fin de la souveraineté! Nous devons nous opposer fortement à tous ces propos réducteurs qui ne peuvent avoir pour effet que de démobiliser les souverainistes qui sont toujours majoritaires chez les francophones. Ce n'est pas la fin de la souveraineté, même pas un recul de la souveraineté. Ce n'est qu'un recul du Parti québécois, un échec de sa politique de non-promotion de la souveraineté. Oui, il faut prendre acte du désir de changement de la population. Mais de quel changement parle-t-on?
Comment en sommes-nous arrivés à ce triste résultat électoral? Cette élection a été perdue par le PQ parce qu'une partie importante des souverainistes a voté pour Québec solidaire, le Parti vert ou l'ADQ, sans compter ceux qui sont restés chez eux. Sans cette désaffection des souverainistes, le PQ formerait actuellement le gouvernement avec environ 45 % des suffrages.
Un suivi des sondages menés depuis 2005 montre que la souveraineté est toujours plus populaire que le PQ. La cote du parti remonte quand il parle de souveraineté, comme au plus fort de la récente course à la direction du PQ où elle a atteint 50 %, et elle redescend quand il n'en fait plus la promotion, comme c'est le cas depuis l'élection d'André Boisclair à la tête du PQ. L'écart n'a jamais été aussi grand qu'au cours de cette campagne et au jour de l'élection.
Le chef du parti connaissait ces chiffres au début de la campagne. Comment expliquer, même sur un plan strictement stratégique, la mise au rancart du programme de pays qui aurait permis de parler de la souveraineté à travers les besoins des Québécois et des Québécoises en matière de santé, d'éducation, d'économie, de développement durable? Un programme qu'André Boisclair trouvait fantastique il y un peu plus d'un an!
Remplacer le programme de pays, qui est d'ailleurs toujours le programme officiel du parti, par une feuille de route provinciale, c'était se placer en position de faiblesse, autant face à la population, en offrant des mesures peu stimulantes, que face aux souverainistes, qui avaient soif d'action et de promotion de l'indépendance nationale. Car l'ADQ proposait de l'action sur le plan national, une affirmation de notre identité, «un seul rapport d'impôt à Québec», l'élimination du pouvoir de dépenser du fédéral, l'adoption d'une constitution du Québec, des mesures qui avaient l'air de gestes de souveraineté... mais sans quitter le giron fédéral. Voilà qui contrastait avec l'inaction chronique du PQ avant et pendant la campagne électorale au regard de sa propre option.
Une dissociation des enjeux de société
En mettant au rancart son programme de pays, le PQ dissociait son option de nos grands enjeux de société. Prenons un seul exemple: la lutte contre la pauvreté et la précarité, une des grandes questions absentes de cette campagne électorale. Les libéraux et l'ADQ n'ont rien dit sur cette question. Dans la feuille de route électorale du PQ, on trouve ce qui suit: «Un gouvernement du Parti québécois indexera les prestations d'aide sociale pour les bénéficiaires aptes au travail; incitera les bénéficiaires de l'aide sociale, notamment les jeunes mères, à retourner aux études, et les aidera à faire la transition.» Quelqu'un qui se contenterait de lire la feuille de route ou de réécouter les discours du PQ ne pourrait que penser que ce parti n'a pas de solution à proposer.
Voici au contraire ce que dit le programme officiel du PQ, qui consacre plusieurs pages à un plan de lutte contre la pauvreté: «Pour mener à bien la lutte contre la pauvreté et la précarité, le Québec doit devenir un pays. En effet, pour intégrer les différentes mesures de sécurité du revenu autour d'objectifs clairs et cohérents, on ne doit pas avoir deux paliers de gouvernement qui interviennent chacun à leur façon et souvent de manière divergente. Par exemple, les coupes à l'assurance-emploi décrétées par Ottawa ont augmenté les coûts de l'aide sociale et ont restreint la marge de manoeuvre québécoise pour améliorer le soutien à l'intégration.» Voilà qui aurait été autrement motivant! Nous donner, par la volonté collective de la nation, les moyens de nos projets de société!
La souveraineté est l'avenir de notre peuple, pour sortir de la dépendance, de la minorisation, de l'impuissance. Mais les souverainistes se sont empêtrés dans leurs étapes. Claude Morin, le père de l'étapisme avait l'habitude de dire qu'une fleur ne pousse pas plus vite lorsqu'on tire dessus. Mais pour qu'elle pousse, il faut pourtant l'arroser!
Cette inaction, cette absence de promotion de la souveraineté ne date donc pas d'hier. On n'a pas arrosé souvent, de sorte que plusieurs ne savent plus pourquoi le PQ tient tant à son référendum. Sauf pour les élections de 1976 et de 1994, chacune ayant mené à un référendum, la première sur un mandat consistant à négocier la souveraineté-association, l'autre sur la souveraineté et le partenariat, le PQ a toujours fait porter les débats électoraux sur la bonne gouvernance provinciale, passant du beau risque à l'affirmation nationale et aux «conditions gagnantes».
La dernière campagne électorale n'a pas fait exception. André Boisclair a parlé de référendum sans faire la promotion de la souveraineté, négligeant de mettre en avant notre identité en tant que nation, négligeant de parler de notre avenir comme société, négligeant d'évoquer les chantiers de société qu'ouvrira l'indépendance.
Voilà où se trouve le vrai déni dont semble souffrir le chef du PQ en ces lendemains d'élection. Le déni de la véritable cause qui a fait passer le soutien au PQ de 50 % à la fin de 2005 à 28 % maintenant! Pourquoi l'appui au PQ est-il maintenant si faible par rapport à l'appui à la souveraineté et, davantage encore, à l'appui à son chef? Voilà la vraie question à se poser si on veut éviter le déni dont parle le chef du PQ. La démarche molle, hésitante, sans couleur, sans programme de pays nous a fait perdre l'élection, et il faudrait continuer dans cette voie, mettre la promotion de la souveraineté en veilleuse, jusqu'à collaborer au renouvellement du fédéralisme, même si on n'y croit pas?
Un PQ qui irait dans cette direction se renierait lui-même, et il serait bientôt renié par une population et des militants qui méritent mieux que ça!
Gilbert Paquette, Professeur titulaire à la Télé-université-UQAM, ancien ministre de la Science et de la Technologie dans le gouvernement Lévesque et ancien conseiller au programme du Parti québécois

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Ex-ministre du Parti Québécois
_ Président des Intellectuels pour la souveraineté (IPSO)

Gilbert Paquette est un chercheur au Centre interuniversitaire de recherche sur le téléapprentissage (CIRTA-LICEF), qu’il a fondé en 1992. Élu député de Rosemont à l’Assemblée nationale du Québec le 15 novembre 1976, réélu en 1981, Gilbert Paquette a occupé les fonctions de ministre de la Science et de la Technologie du Québec dans le gouvernement de René Lévesque. Il démissionne de son poste en compagnie de six autres ministres, le 26 novembre 1984, pour protester contre la stratégie du « beau risque » proposée par le premier ministre. Il quitte le caucus péquiste et complète son mandat comme député indépendant. Le 18 août 2005, Gilbert Paquette se porte candidat à la direction du Parti québécois. Il abandonne la course le 10 novembre, quelques jours à peine avant le vote et demande à ses partisans d’appuyer Pauline Marois. Il est actuellement président du Conseil d’administration des intellectuels pour la souveraineté (IPSO).





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