«En ces temps perturbés que nous vivons, soyons vigilants, et montrons-nous lucides face aux discours populistes. Ils s’efforcent toujours de trouver des boucs émissaires à la crise, qu’il s’agisse de l’étranger ou des habitants d’une autre partie de leur pays. Ces discours existent aujourd’hui dans de nombreux pays européens et aussi chez nous.»
L'échec probable de Di Rupo
La veille, un ami flamand me faisait parvenir la Une d'un hebdomadaire wallon et francophone populaire Moustique où, sur la couverture, Elio Di Rupo, Premier ministre belge depuis un an se donnait 7 sur 10 pour la politique menée.
Cet homme est aux plus hauts niveaux du pouvoir depuis une vingtaine d'année. Déjà en 1999, le slogan qu'il avait choisi quand il fut élu Président du PS wallon et francophone (la fonction est politiquement la plus importante dans un pays comme le nôtre avec celle de Premier ministre), m'avait désespéré : «Il faut sauver la Wallonie pour sauver la Belgique»!
Entendons-nous bien, je sais que la Wallonie n'est pas seule au monde. Personne ne l'est. Mais qui que vous soyez, quoi que vous soyez d'ailleurs (un être humain, un paysage, une oeuvre d'art), l'idée même du respect, l'intuition morale profonde qui s'enracine dans le respect, nous demande de traiter chaque être particulier aussi comme une fin en soi. Dire qu'il fallait sauver la Wallonie pour sauver la Belgique était une manière de la ravaler au rang subalterne auquel ce triste sire l'a ravalée après en avoir fait l'escabeau de sa «gloire». Car qu'est-ce que cet homme serait sans la Wallonie? Rien. Et où ces postures absurdes vont-elles nous conduire? Nulle part. Il forme un gouvernement et la première chose qu'il y dise le 6 décembre 2011, c'est que ce gouvernement doit avoir comme priorité absolue de faire gagner aux élections prochaines (2014), les partis flamands qui y sont associés, contre la NVA, rejetée dans l'opposition et qui réunit 40% des électeurs flamands et peut-être demain une majorité absolue d'entre eux.
Lisons Le Soir du 26 décembre 2011, p. 16 (qui a été probablement mal lu, c'était le lendemain du réveillon de l'an passé) : « Les ministres viennent à peine de prêter serment entre les mains du Roi. Chacun cherche un peu sa place, le 6 décembre à la grande table ronde du Seize, rue de la Loi. Le tout nouveau Premier Ministre, Elio Di Rupo préside son premier Conseil des ministres. Il prend la parole. Son intervention est quelque peu solennelle. Il y va de la survie des familles politiques traditionnelles en Flandre. Il s'agit bien là de sa priorité absolue «Nous devons tout faire pour soutenir les partis flamands de la majorité, pour leur faire gagner les prochaines élections. Nous devons être parfaitement conscients que leur position n'est pas facile. Nous leur sommes redevables de l'effort qu'ils ont fait.» »
C'est parce qu'il en est arrivé à se persuader que la crise nationale belge n'est pas importante ou peut être dépassée par des trucs que Monsieur Elio Di Rupo s'est engagé dans cette stratégie perdante. Perdante pour lui. Perdante pour le socialisme. Perdante pour la Belgique (tant mieux). Menaçante pour la Wallonie. Déshonorante. Ignoble à l'égard des chômeurs.
Les années 30
Le roi, dans son message de Noël, fustigeait en outre le populisme des années 30 et visait manifestement à nouveau le leader de la NVA qui vient de gagner les élections municipales de la grande ville flamande d'Anvers. Comme il avait mis en scène cette victoire en rentrant avec une grande foule dans cet Hôtel de Ville, on a dit que cela faisait songer à certaines attitudes de leaders fascistes des années 30. Cette reductio ad Hitlerum écrivait De Standaard avant-hier est folle. Que l'on se tourne vers la dynastie belge ou vers le gouvernement belge actuel, on en mesure d'autant mieux l'inanité que ces deux instances sont les dernières à pouvoir donner des leçons à cet égard. La Dynastie à cause, dès avant 1940, de sa sympathie déclarée à l'égard de Hitler que Léopold III demeuré en Belgique occupée, répétait sans cesse à ses collaborateurs. Il rencontra Hitler dès novembre 1940, marquant bien par là qu'il s'accommodait de la victoire allemande. De nombreux projets de monarchie autoritaire furent concoctés pendant la guerre.
Quant à Di Rupo, il ferait mieux de se taire lui aussi. On parle des années 30 et on y voit comme la bête immonde du fascisme mais on en oublie le ventre dont elle est sortie, le capitalisme. Or c'est bien au service de ce ventre que s'est mis tout entier le gouvernement Di Rupo. Pratiquant une politique d'austérité que demandent les banques mais que même les économistes de droite nous décrivent comme ne pouvant mener à rien. Le Gouvernement de Di Rupo s'est aligné servilement sur la politique de la Commission européenne et de l'Union européenne dont l'objectif quasi déclaré est la fin de la démocratie puisque, déjà, le Traité sur l'austérité est en route qui dépouillera les Parlements nationaux et régionaux du contrôle budgétaire. C'était bien le moment de donner des leçons sur la démocratie! Evidemment l'étouffement de la démocratie dans les années 30 s'est faite à grand spectacle. Aujourd'hui elle se produit discrètement par une organisation - l'Union européenne - dont on ne peut faire partie que si l'on fonctionne démocratiquement mais qui, elle-même, ne fonctionne pas démocratiquement. Et qui est en train d'organiser un coup d'Etat silencieux qui vaut bien - qui est même cent fois supérieur! - à tous les populismes!
La Wallonie n'en a rien à f... de Monsieur Di Rupo
Il y a chez un homme comme Di Rupo un mépris très profond de notre histoire qui s'allie à un égal mépris du socialisme et de la démocratie. J'ai déjà raconté ici ce fameux colloque sur les Régions d'Europe organisé dans son Hôtel de Ville de Mons en 2004, où chaque participant avait 20 minutes puis devait répondre aux questions. Di Rupo s'est amené en plein colloque, en bouleversant l'organisation, s'est permis de rester soixante minutes au micro pour dire toute la sympathie qu'il avait pour les travaux du colloque mais qu'il avait bien plus de choses à envisager devant faire la synthèse entre la Wallonie, la Communauté, la Belgique, l'Europe et le Monde. Puis la Synthèse, ce nouvel Esprit du Monde, est repartie sur son cheval, sans avoir salué personne, sans avoir répondu à aucune question, sans avoir écouté qui que ce soit. Les gens qui considèrent que leur temps est précieux le font souvent perdre aux autres.
La démocratie est perdue quand, dans des circonstances pareilles, les auditeurs de pareil Esprit ne prennent pas la décision de le jeter immédiatement par la fenêtre. J'oubliais de dire que c'est le 21 juillet au matin, dans cette même ville de Mons, que se produisit en 1950 le premier attentat contre le retour du roi. Le 25 juillet, Léo Collard harangua 10.000 manifestants antiroyalistes qui entonnèrent ensuite la Marseillaise. Léopold III fut obligé de se retirer six jours plus tard.
J'ai mal à mon pays, mon pays me fait mal.
PS : J'ai parlé à tort de Jean-Joseph Remouchamps, l'inventeur (peu heureux) du vote bilatéral et celui qui détruisit l'esprit initial de l'Assemblée wallonne. En fait son nom exact est JOSEPH-MAURICE REMOUCHAMPS. Il a sa notice sur Wikipédia. Il, fonda le Musée de la Vie Wallonne à Liège.
Un discours royal de trop
Chronique de José Fontaine
José Fontaine355 articles
Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur...
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Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur et Mirwart) et directeur de la revue TOUDI (fondée en 1986), revue annuelle de 1987 à 1995 (huit numéros parus), puis mensuelle de 1997 à 2004, aujourd'hui trimestrielle (en tout 71 numéros parus). A paru aussi de 1992 à 1996 le mensuel République que j'ai également dirigé et qui a finalement fusionné avec TOUDI en 1997.
Esprit et insoumission ne font qu'un, et dès lors, j'essaye de dire avec Marie dans le "Magnificat", qui veut dire " impatience de la liberté": Mon âme magnifie le Seigneur, car il dépose les Puissants de leur trône. J'essaye...
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