Pauline Marois veut faire de la commission d’enquête sur la corruption dans la construction un des enjeux de la prochaine campagne électorale dans 2 ans. Dans cette perspective, la motion de censure qu’elle propose à l’Assemblée nationale contre le gouvernement Charest est suspensive et serait retirée si une commission portant sur ce sujet était mise en œuvre.
Notre premier ministre prend tellement cette motion au sérieux qu’il a décidé de retarder son voyage en France.
Jean Charest le sait très bien, quoi qu’il dise, il est déjà condamné par le tribunal populaire s’il refuse de déclencher une telle commission.
S’il retarde son voyage, ce n’est donc pas pour répéter une sempiternelle fois que la police fait son travail, mais bien pour nous expliquer que maintenant que cette dernière a complété une bonne partie de son enquête, le fruit est mûr pour une commission publique qu’il n’a jamais vraiment exclue.
Et s’il forme une telle commission, ce n’est pas à cause de l'unanimité qui règne à ce sujet au Québec, mais bien parce qu’il juge qu’elle se justifie à l’aune du travail déjà accompli par les policiers. On nous annonce des mises en accusation pour très bientôt dans la grande région de Montréal.
À cet égard, l'expérience récente de la commission Bastarache l’amènera certainement à être plus vigilant dans la nomination de commissaires et de procureurs. Le mandat sera juste assez large pour qu’on n’entende pas constamment le commissaire principal répéter que des preuves sont refusées parce qu’elles sont hors de son mandat.
Jean Charest aura alors tout le loisir de nous expliquer que si Michel Bastarache avait un mandat aussi restreint, c’est parce qu’il ne souhaitait pas qu'il empiète sur la juridiction d'une éventuelle commission portant sur l’octroi de contrats publics dans la construction et leurs liens possibles avec le financement des partis politiques.
Pour ceux qui n’ont pas encore compris, le maire de Laval, qui a probablement été dénoncé par un proche du gouvernement, sera la bougie d’allumage d’une telle commission.
Pourquoi Jean Charest nous aurait-il aussi rapidement révélé qu’il croyait son député plutôt que le maire de Laval, relativement à ces enveloppes que Gilles Vaillancourt aurait tenté de remettre à Vincent Auclair et à Serge Ménard, s’il n’avait pas eu l’intention d’utiliser ces événements pour déclencher une enquête où nous pourrions en apprendre plus sur le monde municipal?
Laval a tout de même été le théâtre de plusieurs événements majeurs dans le domaine de la construction qui pourraient mettre en cause, non seulement son gouvernement, mais également le gouvernement précédent, comme l’effondrement d'un de ces deux viaducs et les dépassements de coût reliés au prolongement du métro de Montréal. Une occasion pour le maire Vaillancourt de s’expliquer et de mettre le parti québécois sur la défensive.
Loin d’avoir gâché sa visite en France, la motion de Pauline Marois à laquelle Jean Charest devrait répondre favorablement viendra désamorcer une crise qu’il n’aurait pas aimé voir exportée en France, ce qui aurait pu rendre cette visite insupportable à ses hôtes français.
Mieux encore, la pétition qui demande sa démission deviendra quasi obsolète, puisqu’elle n’aura plus d’objet principal, l’enquête sur la corruption étant déclenchée.
Une pierre, trois coups!
***
Post-scriptum
Des lecteurs m’ont demandé quel était le lien avec Pauline Marois. Il n’y a pas de lien direct avec Pauline Marois.
Il y a un premier ministre désespéré qui veut démontrer que le PQ n’est pas mieux que le PLQ au chapitre des dépassements de coût de travaux à l'exemple du métro de Laval et de la gestion de chantier comme ce fût le cas avec le viaduc du Souvenir en 2000.
Il va utiliser le maire Vaillancourt pour créer une diversion vers le PQ. Voilà pourquoi Laval est le théâtre idéal pour amorcer une commission d’enquête.
Bien sûr, tout cela demeure hypothétique jusqu’au vote sur la motion de censure de mercredi prochain. Jean Charest déclenchera-t-il une commission d'enquête, voilà la question!
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Un coup de théâtre à l’Assemblée nationale ?
Chronique de Louis Lapointe
Louis Lapointe534 articles
L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fon...
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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.
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3 commentaires
Gilles Verrier Répondre
21 novembre 2010Un coup d'avance,
Les partis d'opposition devraient déjà poser la question de la crédibilité de la commission d'enquête dont on peut prévoir l'annonce. Jean Charest inspire-t-il suffisamment confiance, a-t-il suffisamment de recul et d'indépendance par rapport à la controverse ambiante pour pouvoir réunir des commissaires crédibles et définir le mandat d'une future commission avec la pertinence requise ? Formulée comme elle le fut jusqu'ici, la revendication de créer une telle commission d'enquête apparaît maintenant dangereusement piégée.
M. Lapointe, vous vous inquiétez à juste titre du tour que prendront les choses à compter de mercredi. L'opposition saura-t-elle faire preuve d'assez de cohésion et de détermination pour empêcher Charest de reprendre la main ?
Comme toute commission d'enquête décidée par le gouvernement libéral risque d'être juste «suffisamment arrangée» pour sauver la face, il faudrait qu'avant mercredi les porte paroles des partis d'opposition se soient déjà positionnés sur ce coup. Plusieurs ripostes sont possibles. Innovation, surprise, envergure devraient inspirer cette riposte.
Pourquoi, par exemple, ne pas préparer l'annonce de la formation d'une commission d'enquête parallèle dotée de financement populaire ? Cette commission pourrait éventuellement déboucher, si rien n'aboutit, sur la formation d'un tribunal international, je pense ici au Tribunal Russell (du nom du philosophe britannique Bertrand Russell) qui s'était acquis une grande crédibilité pour juger (sans autre pouvoir que le pouvoir moral) des crimes de la guerre du Vietnam. Y aurait-il, au Québec, abus de la démocratie et utilisation de la corruption en vue de former des réseaux discrets et plus ou moins coupables ayant pour mission ultime de bloquer par tous les moyens l'indépendance du Québec ?
La question immédiate qui se pose est en tout cas d'empêcher Charest de reprendre la main. L'opposition trouvera-t-elle l'énergie et la volonté de ne pas relâcher la tension ? Saura-t-elle par un geste imprévisible couper l'herbe sous le pied de JJ.Charest ? Au lieu de répondre à son prochain coup par des formules parlementaires d'indignation toujours prévisibles et insuffisantes dans les circonstances, pourquoi ne pas surprendre l'adversaire en l'entraînant sur un autre terrain ?
GV
Archives de Vigile Répondre
20 novembre 2010Moi non plus je ne vois pas le lien que vous faites avec Mme Marois, le métro et le viaduc. Pouvez-vous m'expliquer svp. Merci
Archives de Vigile Répondre
20 novembre 2010M. Lapointe, je ne vois pas trop ce que les dépassements de coût du Métro de Laval pourraient nuire à Mme Marois qui était à l'époque au précédent gouvernement du PQ puisque comme le dit le ministre libéral Sam Hamad à propos de Turcot "Nouveau Projet=Nouveau Budget" pour justifier les dépassements de coûts de ce projet d'échangeur.