Un autre cas d'acharnement médiatique

Par Lina Trudel

Québec 2007 - Parti Québécois


Immobilisée pour des raisons de santé, j'ai décidé d'occuper mon temps à suivre de près la «couverture journalistique» de la présente campagne électorale. Préoccupée par la récurrence de nombreux problèmes sociaux, dont ceux relatifs aux systèmes de santé et d'éducation, ainsi que par l'élargissement des inégalités, il m'importait de mieux saisir, au-delà des explications partisanes, les raisons pouvant expliquer les impasses actuelles et de me faire, en conséquence, une opinion plus éclairée sur les solutions avancées par les partis politiques. Je comptais donc sur les médias pour m'aider à faire la part des choses et à dépasser l'impression que c'est toujours du pareil au même avec la politique.

Ce qui a d'abord retenu mon attention, c'est l'écart important pouvant exister entre les contenus livrés par les partis, lors des points de presse, et ce qu'en retiennent notamment les médias électroniques (grâce à RDI, nous avons accès aux points de presse quotidiens des partis). Dès la première semaine, j'ai, en effet, été surprise par la nature des questions posées par les journalistes et frappée par l'attrait que représentent, pour eux, les formules-chocs et les propositions alléchantes et faciles à comprendre, de même que par les joutes et stratégies électoralistes.
J'ai aussi été choquée par le traitement injuste réservé à André Boisclair, de même que par celui fait aux tiers partis. Je m'en tiendrai toutefois au cas Boisclair, car il s'agit pour moi d'un exemple révélateur des trop nombreuses distorsions qui s'introduisent dans le mode actuel du traitement de l'information. Voyons les faits.
Contenu négligé
Les discours des chefs des principaux partis, lors du déclenchement de la campagne électorale, étaient loin d'être pauvres en contenu. N'étant pas péquiste, j'ai cependant trouvé que le chef du Parti québécois avait apporté des éclairages particulièrement intéressants sur les principaux enjeux de cette élection. À mon avis, c'est lui qui a fait la meilleure performance. Les médias, cette fois, se sont bien privés de le signaler. Pire encore, ils ont choisi l'extrait le plus négatif de son intervention, celui où il compare Jean Charest à un pyromane.
Après avoir reproché au PQ d'avoir tardé à faire connaître sa plateforme électorale, ils ont, une fois la chose faite, mis l'accent uniquement sur la maladresse stratégique du parti de parler de consultation populaire et non de référendum..
On en vient à se demander si les journalistes et commentateurs, devenus trop souvent désabusés et cyniques, s'intéressent encore au contenu et s'ils sont en mesure d'analyser plus en profondeur les enjeux politiques?
C'est toutefois au cours de la deuxième semaine que les médias ont commencé réellement à déraper. Pris dans le tourbillon des sondages, par les multiples déplacements des chefs et par la valse des engagements à grands coups de milliards et de millions, ils ont oublié de prendre le recul nécessaire pouvant leur permettre de mieux traiter l'information. Radio-Canada s'écarte quelque peu de cet engrenage, mais la place consacrée à l'analyse y demeure, pour un diffuseur public, encore trop ténue. Ce n'est pourtant pas par manque de savoir-faire! L'émission sur la dette réalisée par Zone libre en est une preuve éloquente.
Édifiant!
Mais revenons au sort réservé à M. Boisclair. Lors du point de presse qu'il a donné vendredi dernier, les journalistes ont carrément dépassé les bornes. Alors que le contenu de cette rencontre portait sur les engagements du PQ en matière de santé, les journalistes se sont tous acharnés à lui poser les mêmes questions relatives à son leadership. Il s'est d'ailleurs agi davantage d'une remise en question de son leadership que de questions visant à recevoir des explications sur les raisons de la baisse de la popularité du PQ.
Voici un échantillon de ces édifiantes questions: «Votre leadership est catastrophique pour le PQ, vous ne pensez pas que vous êtes un handicap pour le PQ? Ne trouvez-vous pas que c'est vous qui êtes dans la tempête et que c'est Dumont qui passe la gratte? Pourquoi vous ignorez les feux qui clignotent? Qu'allez-vous faire pour empêcher les souverainistes de quitter le PQ? Allez-vous faire appel à des gens de l'extérieur, des gens qui sont écoutés par la population?»
Une telle attitude de la part des journalistes m'a, sur le coup, choquée et complètement interloquée. Quel était le but de ce genre de questions? Quelles réponses pouvaient-ils recevoir? Le droit du public à l'information aurait certes été mieux servi si les questions s'étaient centrées sur l'objet du point de presse. Ce jour-là, les journalistes ont non seulement fait preuve d'un manque flagrant d'objectivité, mais ils ont eu un comportement tout simplement inhumain. Je me demande qui serait en mesure de bien performer dans un tel contexte?
Il ne s'agit pas ici de défendre André Boisclair, mais davantage de mettre en cause un système médiatique qui produit des ratés toujours plus nombreux et souvent lourds de conséquences. La tendance à «l'acharnement médiatique» prend de plus en plus d'ampleur et le cocktail devient explosif lorsque cette pratique se combine aux biais depuis longtemps déplorés qui se rapportent à la personnalisation des problèmes et au goût marqué des médias pour le sensationnalisme.
Cette fois, c'est au tour de M. Boisclair d'être pris pour bouc émissaire, auparavant c'étaient les accommodements raisonnables et demain ce sera à qui et à quoi le tour? Les rapport entre les médias et la politique sont devenus passablement malsains. L'information-spectacle et la politique-spectacle s'influencent mutuellement et les conséquences sont souvent désastreuses pour le bon fonctionnement de la démocratie.
Lina Trudel, Retraitée et ex-analyste des médias


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