Un candidat qui est connu pour ses opinions tranchées et pour semer la polémique, dans une campagne électorale, ça s’appelle «un accident qui se cherche une place pour arriver». On peut accepter le risque ou ne pas l’accepter, mais on n’a pas le choix de se préparer.
Quand on est chef de parti, on doit savoir qu’une telle controverse peut éclater n’importe quand et être prêt à défendre ses choix le moment venu. Sinon, la question qui va se poser est celle du jugement du chef et pas de son candidat.
Robin Philpot est un polémiste. Il fait rarement dans la nuance et les tons de gris. Ses livres, que ce soit sur la crise d’Oka, le Rwanda ou le référendum de 1995, ont en commun de n’avoir laissé personne indifférent. Là-dessus, ses amis et ses adversaires seront d’accord.
M. Philpot, il faut le noter, n’a jamais essayé de cacher ses thèses controversées sur le Rwanda. La publication de son livre est mentionnée en toutes lettres sur son curriculum vitae qui se retrouve sur le site internet du PQ.
Sans prétendre être un expert sur ce qui a pu se passer à Kigali en 1994, on constate que M. Philpot défend un point de vue qui est largement minoritaire et controversé. Il serait injuste de placer M. Philpot sur le même pied que les négationnistes de l’Holocauste – voici quelqu’un qui reconnaît que des choses horribles se sont passées au Rwanda – mais il dit qu’on a abusé du terme «génocide».
On ne peut pas résumer un livre de 200 pages dans un titre de journal, comme le disait, hier, M. Boisclair, mais il reste que M. Philpot défend – et est pris en photo serrant la main – de gens qui ont été condamnés pour incitation à l’assassinat par le Tribunal pénal international, un tribunal qu’il considère comme l’instrument des États-Unis.
Ces affirmations avaient suscité la controverse au moment de la publication du livre de M. Philpot et elles allaient forcément rebondir en campagne électorale.
Dans l’histoire du PQ, il y a eu des chefs qui ont estimé qu’un tel risque était trop grand. En 1989, les militants du comté d’Outremont avaient choisi l’écrivain Claude Jasmin, lui aussi un polémiste bien connu, comme candidat. Jacques Parizeau avait décidé qu’il ne voulait pas passer la campagne électorale à commenter les écrits passés de M. Jasmin sur l’immigration ou la communauté hassidique (déjà!) et il a décidé de ne pas signer son bulletin de candidature.
C’est une option qu’aurait pu exercer M. Boisclair, il en a décidé autrement.
Dans les circonstances, la moindre des choses c’est d’être prêt. Or, André Boisclair a commencé la journée d’hier en se disant «estomaqué et blessé» des propos de son candidat. Clairement bouleversé, il a indiqué qu’à son avis, il y avait bel et bien eu génocide et crimes contre l’humanité au Rwanda.
Puis en après-midi, le voici, tout sourire, qui défend son candidat et laisse entendre qu’il s’agit d’un complot médiatique contre lui. Évidemment, il est toujours plus facile de blâmer les médias que son propre manque de préparation.
Mais ce qui est important pour l’avenir, c’est de constater la manière dont M. Boisclair a mal géré une crise aussi prévisible. Le matin, il a nettement laissé l’impression qu’il y avait faute grave. L’après-midi, il donne son absolution inconditionnelle. C’est tout, sauf le bon moyen d’éteindre une controverse.
Un Premier ministre qui ferait ce genre de retournement – en quelques heures, quand il est en mode de gestion de crise et que tous les yeux sont fixés sur lui – aurait réussi à créer un problème encore bien plus sérieux. Il aurait semé la confusion et amplifié la crise plutôt que d’aider à la solutionner.
Au-delà des débats sur ce qui s’est vraiment passé au Rwanda, c’est ce manque de rigueur et de préparation de M. Boisclair qui est troublant.
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