Trois ans plus tard

PLQ-insatisfaction


Trois ans, c'est assez long pour se faire une idée sur le gouvernement qui nous dirige. Et ce que nous pouvons conclure de ces trois ans où Jean Charest a présidé aux destinées du Québec, c'est que l'avenir ressemblera sans doute au passé.
Si les libéraux ont rapidement atteint des sommets d'impopularité et si, au bout de trois ans, on constate bien qu'ils ont toujours été incapables de remonter la côte et de recréer le climat de confiance perdu, on peut raisonnablement présumer qu'ils ne réussiront pas à le faire d'ici la fin de leur mandat.
Au début, on pouvait croire à des accidents de parcours. On pouvait tenter d'expliquer l'impopularité persistante des libéraux par des facteurs conjoncturels: un gouvernement qui, malgré son slogan, n'était pas prêt, les effets d'un mouvement d'opposition systématique qui n'avait rien de spontané, des gaffes qui pouvaient être attribuées à l'inexpérience.
Mais ce que l'on a découvert, c'est que ces déboires n'étaient pas accidentels. Les gaffes, et cette étonnante capacité de déchaîner des oppositions dévastatrices sur des enjeux mineurs, semblent bien être le résultat d'une façon de faire qui caractérise la gestion du gouvernement libéral. Il y a, dans cette succession d'incidents, de crises et de déchirements, quelque chose de systémique. Cette impopularité semble bien être un phénomène structurel, qui tient à la personnalité du premier ministre et à la façon de gouverner de cette équipe ministérielle.
On aurait pu croire que le gouvernement Charest, avec l'expérience, éviterait ces erreurs et retrouverait un semblant de popularité. Mais chaque effort de relance, chaque nouveau départ, que ce soit un budget, un remaniement ministériel ou un discours inaugural, ont été autant d'occasions ratées. D'une dernière chance à l'autre, on voit bien que les libéraux, dont la courbe d'apprentissage semble plate, ne changeront pas, et qu'ils resteront à des taux d'impopularité records.
Cela nous met devant un paradoxe. Dans l'ensemble, on doit qualifier le gouvernement Charest de compétent, avec un premier ministre qui a des convictions et de grands talents politiques, et une équipe ministérielle qui, sans être flamboyante, fait très bien les choses. C'est le cas de plusieurs grands dossiers comme la santé, l'éducation, les finances publiques, les négociations avec les employés du secteur public, les relations fédérales-provinciales.
Mais il n'en reste pas moins que le gouvernement est impopulaire, que le premier ministre n'est pas aimé, qu'il ne réussit pas à susciter la confiance dont il aurait absolument besoin pour bien s'acquitter de ses fonctions.
Cette impopularité ne mène pas le gouvernement libéral tout droit à une débâcle électorale. Je suis de ceux qui croient que les chances de réélection du gouvernement libéral sont toujours bonnes, que certains éléments jouent en faveur des libéraux, comme la tradition des deux mandats et l'espoir d'une embellie des relations fédérales-provinciales que permet la présence à Ottawa de Stephen Harper. Mais une victoire des libéraux est surtout possible en raison de la faiblesse de leurs adversaires, la déliquescence de l'ADQ, et la fragilité du chef péquiste André Boisclair, qui n'était manifestement pas prêt et qui est prisonnier d'un programme qui promet un référendum sur la souveraineté sans partenariat.
Mais cette perspective de réélection de M. Charest n'est pas particulièrement réjouissante sauf en ce qu'elle nous épargnerait un autre psychodrame référendaire. Elle nous annoncerait encore quatre ans du même régime, un autre mandat houleux, où l'on trébuche de dossiers en dossiers dans un climat de crise permanente. Avec un gouvernement qui perd ses énergies et qui dilapide son capital de sympathie sur des batailles insignifiantes, ce qui le prive ensuite de toute marge de manoeuvre pour amorcer les grands virages dont le Québec a tant besoin.
Ces crises récurrentes, et la paralysie qu'elles provoquent, s'expliquent en bonne partie par une façon de diriger en vase clos, que l'on pourrait appeler la méthode Charest, où le gouvernement n'écoute pas et ne parle pas. Des prises de décisions sans consultation et sans lecture fine de l'état d'âme des Québécois. Une absence de maîtrise de la parole pour bien expliquer et bien vendre les projets. Et en prime, dans certains dossiers, on a également l'impression que le gouvernement ne pense pas non plus, tant l'improvisation et la maladresse sont palpables.
Ce qui manque au gouvernement libéral et à son premier ministre, c'est la capacité de traduire leurs idées en un programme et un plan d'action intelligibles où l'on sentirait une direction et des priorités. C'est aussi l'incapacité de mobiliser les Québécois, de leur proposer un projet porteur qui les amènerait à se rallier à des réformes. C'est, en somme, ce qui fait la différence entre la gestion et le leadership.


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