Le Parti libéral de Jean Charest est porté au pouvoir:

Trois ans de gaffes

PLQ-insatisfaction


Québec - Le bilan est impitoyable en ce troisième anniversaire de l'arrivée au pouvoir, à Québec, du Parti libéral. Sondages décourageants, députés angoissés, fonctionnaires désabusés. Le gouvernement Charest est en panne, incapable de trouver le discours qui lui permettrait de renouer avec les électeurs.
Et le prochain sinistre est déjà en vue. Le gouvernement Charest- avec l'appui du PQ et de l'ADQ- veut accorder aux députés des augmentations de salaire supérieures à celles qu'il vient d'imposer, par loi, aux milliers de salariés de l'État.
La présidente du Conseil du Trésor, Monique Jérôme-Forget, a eu beau déclencher récemment toutes les sirènes d'alarme devant ses collègues, le paquebot continue de glisser vers son prochain iceberg.
Problème de communication ou de " gouvernance "? Mauvaise lecture des attentes des électeurs ou de la situation réelle des finances publiques lors des engagements électoraux de 2003? Ou, plus simplement, froide indifférence d'un premier ministre autocrate?
Au troisième anniversaire de l'élection du gouvernement Charest, bien des libéraux, en privé, en sont réduits à miser sur l'espoir que le train d'André Boisclair déraille avant les prochaines élections. Les sondages sont mauvais, très mauvais. En fait, tant en durée qu'en intensité, le mécontentement des électeurs à l'égard du gouvernement Charest est carrément sans précédent.
Des élus éjectables
On entame la quatrième année du mandat, normalement la dernière. Et bien des élus libéraux appréhendent le moment où ils devront réafficher leurs photos sur les poteaux de leur circonscription. Des 73 sièges qu'ils détiennent actuellement, les libéraux n'en sauveraient probablement qu'une vingtaine si les élections avaient lieu ce printemps. Pas surprenant que l'atmosphère soit à couper au couteau aux réunions du caucus, où on menace désormais de " s'arracher la tête ".
Dans les coulisses, la suspicion règne sans partage. Jean Charest fait surveiller de très près les pérégrinations de la coqueluche du parti, Philippe Couillard. Indiscipliné mais fin politicien, Claude Béchard distribuait trop de clins d'oeil avec ses chèques de subvention au Développement économique. Il a aussi été refroidi.
Le congédiement de Thomas Mulcair, vu jusqu'alors comme un partisan inconditionnel du chef, a été un coup de massue. Les ministres ont compris subitement, a confié l'un d'eux, qu'ils n'étaient plus " membres d'un gouvernement ", chargés de parler au nom de courants sociaux, mais des " vice-présidents éjectables ".
Manque de transparence
C'est devenu un cliché de dire que tout ce qu'a entrepris récemment le gouvernement Charest s'est retourné contre lui. Le remaniement ministériel s'est transformé en psychodrame autour du congédiement de Thomas Mulcair. La vente du mont Orford ne passe pas. Les amis libéraux nommés à la Société des alcools ont soulevé la controverse. Les tergiversations du gouvernement autour des hausses, nécessaires, des primes d'assurance automobile ont renforcé l'impression d'un manque de transparence chronique du gouvernement. Et ces déboires récents font oublier les faux pas plus anciens: la grève étudiante pour les prêts et bourses, le mécontentement dans les CPE, l'intention vite abandonnée de subventionner à 100 % les écoles privées juives.
Avec des collègues, le politologue François Pétry, de l'Université Laval, s'est penché sur les causes de la disgrâce du gouvernement Charest. Ses conclusions sont étonnantes. " Par rapport aux promesses de la campagne de 2003, le gouvernement libéral a rempli environ 50 % de ses engagements et atteindra probablement 60 % d'ici la fin du mandat ", explique l'universitaire dans une entrevue accordée jeudi à La Presse. La performance du gouvernement se compare à celle des autres administrations, au Canada ou en Europe.
Selon M. Pétry, c'est surtout la façon de faire du gouvernement Charest qui a soulevé l'irritation des électeurs. À bien des occasions, il a paru cacher ses cartes, éviter le passage obligé du débat public. D'où le salut pourrait-il venir? D'Ottawa? Le pari est risqué.
Bien qu'il accepte de prononcer le mot " déséquilibre fiscal ", Stephen Harper va tout de même mettre fin dès 2007 à l'entente sur les garderies avec Québec, une déception pour son allié Charest. D'autres disputes vont éclater. Ottawa, par exemple, ne veut pas payer pour les énormes dépassements de coûts de la route entre Québec et Saguenay. Et l'incapacité des provinces de s'entendre, la semaine dernière, sur les demandes à faire à Ottawa n'est pas de bon augure.
Pour Louis Massicotte, professeur de sciences politiques à l'Université de Montréal, le gouvernement Charest semble constamment manquer de conviction, de détermination, une attitude que ne pardonne pas l'électorat. " Il n'a pas d'orientation nette et profonde. Il se dit pour le privé mais ajoute qu'il a le coeur sur la main. Il est fédéraliste mais attaque Ottawa. Avec un Lucien Bouchard, un Jean Chrétien ou une Margaret Thatcher, les électeurs savaient où ils s'en allaient. Pas avec Charest. Le gouvernement n'a pas l'estomac nécessaire pour les débat vigoureux ", résume l'universitaire.


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