Symboles religieux indigestes (suite et fin)

Tribune libre - 2007

J’aimerais vous faire part de mes démarches et de mes réflexions à la suite
de [ma lettre du 9 novembre dernier->10224], dans laquelle je dénonçais la présence
de symboles religieux juifs sur les emballages et les contenants de la
plupart des produits alimentaires courants que l’on trouve dans les
épiceries. Je n’ai toujours pas de nouvelles de mon épicier, ni des
fabricants, ni des producteurs, ni des associations de consommateurs, ni du
cabinet du premier ministre Jean Charest. Personne ne se manifeste. On
pourrait entendre une mouche voler. Un long, un très long silence!
Comme je l’ai déjà expliqué, les gens à qui j’en ai parlé sont d’abord
estomaqués, révoltés. C’est leur première réaction. Lorsqu’ils se rendent
compte que presque tous les produits qu’ils trouvent à l’épicerie sont
casher, ils sont embêtés, très embêtés. Ils se sentent impuissants. Ils ne
voient pas de solution à cet épineux problème. C’est leur deuxième
réaction. Pour diminuer sans doute leur angoisse existentielle, ils font
ensuite le raisonnement suivant : « Ben coudonc, ça fait des années que je
mange « casher » sans le savoir et je n’en suis pas mort (sic), fa que… ».
C’est leur troisième réaction. Mais quand on gratte un peu, on se rend
compte que les gens ont peur, peur d’en parler, peur d’exiger des
fabricants et des épiciers des produits non casher, peur des représailles,
des poursuites. Quelqu’un a même refusé d’en parler au téléphone de crainte
que sa ligne soit « tapée ». WOW! Attention! Big Brother vous écoute. C’est
cette réaction qui me surprend le plus. Au Québec, en 2007, les Québécois
vivent dans la peur. Et il ne s’agit même pas ici de revendiquer
l’indépendance du Québec. Enfin, beaucoup de gens se réfugient dans le
confort et l’indifférence.
Ce que les gens oublient, annihilés par la peur, c’est que en tant que
consommateurs ils ont un pouvoir ÉNORME et peuvent mettre un terme à cette
pratique commerciale abusive. Imaginez des milliers, sinon des millions de
consommateurs, qui exigent des fabricants, des producteurs ou des épiciers
des produits non casher.
Il est vrai qu’il est difficile de se procurer certains produits non
casher, ce qui peut en décourager plusieurs. Je mets quiconque au défi de
trouver dans les épiceries les produits non casher suivants : sucre,
mélasse, épices, vanille, beurre, beurre d’arachides, céréales, avoine
(gruau), vinaigre blanc. Il existe pourtant des moyens simples et CONCRETS
pour faire une épicerie non casher. Pour ma part, j’achète, dorénavant, les
produits des petits producteurs et artisans. C’est ainsi que j’ai réglé mon
problème de farine et d’avoine. La mise sur pied d’un « blogue » pour
mettre en contact les consommateurs qui désireraient faire part de leur «
découverte » et pour faire connaître les petits producteurs est une autre
solution. Au risque de me répéter, il suffit simplement d’informer et de
s’informer. Et surtout, de se faire respecter.
Les « nouveaux conquérants » ont planté leurs symboles religieux dans les
épiceries, et ce, à notre insu. Jacques Cartier, lui, au moins, a eu la
décence de planter sa croix au grand jour, en présence du chef Donnacona et
de ses braves. Les nouveaux conquérants ont pris possession du territoire
au nom de qui, de quoi? Pour quel motif véritable? Il semble que cette «
prise de possession » existe depuis longtemps. Y a-t-il, dans ce cas,
prescription acquisitive? On tient beaucoup trop de choses pour acquises en
ce moment au Québec.
Certains prétendent que la certification casher est un gage de meilleure
qualité. Qu’en est-il vraiment? Comment peut-on mettre sur le même plan,
par exemple, la certification Ecocert, qui est encadrée par les pouvoirs
publics et la législation, et la certification casher à caractère
religieux? On crée de la confusion. À nous de démêler le vrai du faux.
Les journalistes et les chroniqueurs des journaux « officiels » en
rajoutent et se plaisent à entretenir la confusion. Ils réduisent à sa plus
simple expression cette pratique commerciale abusive et ne se gênent pas
pour traiter les gens qui s’y opposent d’alarmistes, de racistes,
d’antisémites. Aux dires de certains, la redevance (ou la dîme, c’est selon)
sur les produits casher est minime. Ah oui, vraiment! Selon le site de la
Union Orthodox (le minuscule symbole U encerclé ça vous dit quelque
chose?), il s’agit d’un marché de 150 milliards de dollars, et ce, en
Amérique du Nord seulement. Pour inciter les fabricants à demander la
certification casher, on leur vend l’idée qu’ils peuvent augmenter leur
part de marché de 20 % par rapport aux produits non casher. On se targue
également de ce que les consommateurs mangent des aliments casher tous les
jours sans le savoir. Constatez-le par vous-même à l’adresse suivante :
http://www.oukosher.org/index.php/basics/why
Le visage du Québec change. Je ne m’y reconnais plus. Je perds peu à peu
le fil de mon histoire. En mon pays suis en terre lointaine. De Villon à
Miron, l’histoire se répète. Les Québécois sont de plus en plus, divisés,
écartelés, bâillonnés, terrorisés, anesthésiés. Et ce n’est plus le fait
des anglais. Je crains cette fois qu’il leur soit très difficile, sinon
impossible, de se « rapailler ».
J’ai l’impression d’assister à l’agonie et aux derniers soubresauts d’un
peuple. Un peuple à la veille de fêter ses 400 ans. Un peuple qui est
peut-être né, finalement, pour un petit pain … casher.
[…]

puisque je suis perdu, comme beaucoup des miens

que je ne peux parler autrement qu’entre nous

ma langue pareille à nos désarrois et nos détresses

et bientôt pareille à la fosse commune de tous
puisque j’ai perdu, comme la plupart autour

perdu la mémoire à force de misère et d’usure

perdu la dignité à force de devoir me rabaisser

et le respect de moi-même à force de dérision
puisque je suis devenu, comme un grand nombre

une engeance qui tant s’éreinte et tant s’esquinte

à retrouver son nom, sa place et son lendemain

et jusqu’à s’autodétruire en sa légitimité même
[…]

nous voici ballotés dans un destin en dérive

nous agrippant à nos signes méconnaissables

notre visage disparu…
[…]

et j’élève une voix parmi des voix contraires

sommes-nous sans appel de notre condition

sommes-nous sans appel à l’universel recours
hommes, souvenez-vous de vous en d’autres temps
(Gaston Miron, L’Homme rapaillé)
Nous sommes nombreux silencieux raboteux rabotés

dans les brouillards de chagrin crus (Le damned canuck)

(Gaston Miron, L’Homme rapaillé)
seulement les genoux seulement le ressaut pour dire (Le damned canuck)

(Gaston Miron, L’Homme rapaillé)
Denis Landry, Longueuil, le 9 décembre 2007
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --


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