Les gens heureux n'ont pas d'histoire, dit-on. Ce dicton s'applique bien au congrès du Parti libéral du Québec du week-end dernier. L'événement s'est terminé en apothéose pour le premier ministre Jean Charest pour qui cette fin de semaine aura été une sorte de grand «love-in». L'appui reçu l'investit d'une autorité exceptionnelle qu'il lui reste maintenant à exercer.
De ce congrès, il y a bien peu à dire comme tel. Tout s'est déroulé dans l'ordre et sans heurts. Les questions délicates ont été mises de coté. C'est le cas de la politique de la langue que l'on a peu eu le temps -- vraiment? -- d'étudier en assemblée plénière. C'était le seul sujet contentieux. À la place, on a mis l'accent sur le développement économique, la famille et l'environnement, des questions qui permettaient toutes de dégager facilement des consensus, voire l'unanimité.
La préoccupation des organisateurs de ce congrès était patente, éviter à tout prix les dissensions et dégager une image d'unité derrière le chef. Le message a été compris. Trop bien même! Comment ne pas voir en effet dans ce vote de confiance de 97 % à son endroit une dimension artificielle. Certes, les militants libéraux se devaient d'accorder leur confiance à leur chef. Depuis l'automne, il s'est repris en main. Il a accepté d'être conseillé et, surtout, d'écouter ses conseillers. Aujourd'hui, son gouvernement ne va pas encore bien, mais il va beaucoup mieux. Néanmoins, comment croire qu'il n'y a que 3 % des militants libéraux qui soient insatisfaits du leadership de leur chef et qui veuillent en changer?
Un tel appui est une arme à deux tranchants pour Jean Charest. Cela lui permet de ne pas avoir à se méfier des ennemis au sein de son parti. Il peut se consacrer entièrement à ses adversaires péquistes et adéquistes et chercher à convaincre les Québécois qu'il est celui qui peut mieux défendre leurs intérêts. Par contre, s'il n'y arrive pas, il tombera de très haut. Le choc sera alors brutal.
Le défi de Jean Charest est d'arriver à convaincre les électeurs francophones qui, aux dernières élections, se sont tournés majoritairement du côté de l'Action démocratique et du Parti québécois. Ces dernières semaines, il a repris quelques points de pourcentage au parti de Mario Dumont, mais il demeure loin derrière celui de Pauline Marois qui s'est fait le champion de la promotion de l'identité et de la langue. Deux thèmes qui, de toute évidence, font peur aux libéraux, au point que les délégués au congrès ont fait biffer du texte d'une résolution le mot citoyenneté.
Le blanc-seing obtenu au cours de ce congrès devrait permettre à Jean Charest d'aborder plus librement ces questions. Osera-t-il aller à l'encontre des réserves de ses militants? Le congrès terminé, on s'attendra à ce qu'il retrouve ses habits de premier ministre et accomplisse cette «mission sacrée» qu'est la défense de la langue française qui, selon ses propres mots, revient à tout chef de gouvernement du Québec.
Jean Charest saura-t-il nous surprendre? Il ne faut pas en écarter la possibilité. Il l'a fait une fois à l'automne 2000, reconnaissant à la stupéfaction de beaucoup de ses militants que le Québec formait une nation. Il a confirmé dimanche que la ministre responsable de l'application de la loi 101, Christine St-Pierre, présenterait d'ici la fin du mois un plan d'action. On sait qu'il n'est pas question d'amender la loi 101, mais le gouvernement peut prendre les moyens pour l'appliquer avec vigueur. Il peut donner le message fort et clair que les Québécois attendent. Allez, Monsieur Charest, surprenez-nous une autre fois. Ce vote de vos militants vous en donne les moyens.
bdescoteaux@ledevoir.com
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