Ouvrir le Québec

Ce projet tient en trois mots: ouvrir le Québec. L'ouvrir par sa grande porte du Nord, l'ouvrir au reste du Canada, l'ouvrir à l'Europe.

PLQ - 30e congrès



Pauvre Jean Charest! Même si les sondages, pour l'instant, lui donnent l'avantage, il reste un mal-aimé. Ses partisans lui renouvellent leur confiance dans une proportion de 97,2%? Pour un commentateur, c'est un vote «castriste»; pour un autre, un vote «soviétique»; pour un troisième, c'est une victoire «artificielle»!

C'est dit à la blague, bien sûr, mais quand il s'agit de Jean Charest, il n'y a jamais que des demi-succès.
Et voici qu'au moment même où, après un congrès réussi et enthousiaste, M. Charest devrait planer au moins pour quelques jours sur un petit nuage rose, une nouvelle tuile lui tombe dessus: ce «don» de 75 000$ de la part de son parti pour étoffer son salaire de premier ministre...
Pour la majorité des salariés québécois, M. Charest a un très gros salaire. Mais ce n'est pas à cette aune qu'il faut en juger: 182 717$, c'est beaucoup, beaucoup moins que ce que gagnent les chefs d'entreprise qui ont des responsabilités infiniment moindres, des horaires moins chargés et une vie plus facile.
Que le PLQ ajoute un supplément aux revenus d'un premier ministre relativement peu payé, qui est en plus chef d'une jeune famille, il n'y a pas là, en principe, matière à scandale, d'autant plus que la chose est légale et que M. Charest en perd à peu près la moitié en impôts.
Il reste que «ça regarde mal». Ces émoluments viennent-ils de la caisse générale du parti? Viennent-ils plutôt d'une caisse spéciale alimentée par des gens d'affaires? Dans le second cas, cela serait plus problématique, car même si ce don annuel n'est pas énorme, le premier ministre serait soupçonné d'être personnellement redevable à des citoyens ou des entreprises susceptibles d'attendre des faveurs du gouvernement. Aussi l'exigence de transparence demande-t-elle que la lumière soit faite.
Cette histoire est regrettable car elle éclipse le projet intéressant, voire emballant, dont le premier ministre faisait part à ses militants à la clôture du congrès.
Ce projet tient en trois mots: ouvrir le Québec. L'ouvrir par sa grande porte du Nord, l'ouvrir au reste du Canada, l'ouvrir à l'Europe.
Dans la foulée des grands projets hydro-électriques de Bourassa, mais en évitant les controverses que suscite de nos jours le harnachement des rivières, M. Charest veut stimuler le développement économique et touristique de l'énorme espace nordique du Québec. C'est là que se trouve en effet l'une des plus grandes richesses cachées du Québec, et pas seulement dans le sous-sol. Pourquoi s'en tenir aux sempiternelles promenades en traîneaux à chiens qu'on propose aux touristes français? Le Grand Nord est la nouvelle frontière du tourisme international.
M. Charest a fixé des échéances: ouverture des marchés avec la France et lancement des négociations de libre-échange entre le Canada et l'Europe en 2008, libre circulation de la main-d'oeuvre au Canada en 2009...
Les Québécois ont toujours été favorables au libre-échange. C'est l'appui massif du Québec, péquistes et libéraux confondus, qui a assuré la réélection de Mulroney en 1988, au terme d'une campagne axée sur le projet de libre-échange avec les États-Unis. Rien d'étonnant à ce que ce soit un Québécois issu du gouvernement Mulroney qui se fasse aujourd'hui le champion de l'ouverture des marchés non seulement avec la France, mais avec l'Europe.
On s'étonne, au premier abord, de voir ce projet piloté par un premier ministre provincial, car seul le gouvernement canadien pourra négocier et signer un éventuel traité. Or, Stephen Harper est singulièrement muet sur le sujet.
Pourtant, dans les cercles diplomatiques canadiens en Europe, qui sont par définition proches d'Ottawa, on entend dire que ce projet fait son petit bonhomme de chemin au sein des institutions européennes, et que M. Charest agit en quelque sorte en éclaireur dans un dossier qui, sans être prioritaire, est pris très au sérieux à Ottawa.
On commence évidemment par la France, non seulement parce que des accords France-Québec s'inscrivent dans l'Histoire, mais aussi parce que M. Charest a d'excellents rapports personnels avec les dirigeants français. (On dit que le président Sarkozy sera un allié de poids dans l'expansion des pourparlers à l'ensemble de l'Europe.)
Le défi est beau. Les Québécois n'ont-ils pas un extraordinaire passé d'explorateurs?


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé