La colère qui s'exprime chaque soir depuis des semaines dans les rues de Montréal s'expose maintenant au grand jour, amplifiée par un déficit démocratique patent. Partout dans nos pays, les citoyens constatent l'impuissance des Parlements et des gouvernements vis-à-vis de la dictature des marchés financiers et subissent, avec plus ou moins de fatalisme, les crises à répétition provoquées par les dérives du capitalisme.
Au Québec, c'est pire encore, puisque depuis neuf ans de règne libéral, sont révélées régulièrement des allégations de corruption et de collusion, de financement politique intéressé, de conflits d'intérêts et de dangereux manquements à l'éthique. Le gouvernement de Jean Charest a progressivement anéanti la confiance des citoyens envers les élus censés les représenter. C'est un gouvernement usé qui a dévalué la parole politique, dont l'autorité est abîmée, et qui a perdu légitimité et respect. Résultat : puisqu'il n'arrive plus à convaincre, il tente de contraindre.
L'adoption précipitée d'une loi spéciale pour mettre fin à la grève étudiante crée la controverse partout sur la scène internationale et révèle l'inadéquation de l'approche judiciaire choisie par le gouvernement. A l'inverse, elle démontre surtout, maintenant plus que jamais, le nécessaire retour à la centralité du politique. Non seulement en ce qui concerne cette crise sans précédent, mais par rapport à l'ensemble de notre vie collective.
En frappant sur des casseroles, les Québécois font un pied de nez au gouvernement, se rebellent et s'inscrivent de façon originale, en ce "printemps érable", dans la foulée d'une multitude d'autres mouvements du même type dans le monde. Cette descente dans la rue est aussi une démonstration que le Québec n'est pas et ne sera jamais une "province" comme les autres ; de son histoire et de ses luttes singulières, de son passé et de son présent résulte une nation distincte dont les valeurs et les choix s'inscrivent en faux avec ceux du reste du Canada, particulièrement avec le premier ministre canadien Stephen Harper qui nous est de plus en plus étranger et auquel nous sommes de plus en plus indifférents.
Pour les indépendantistes québécois, dont je suis, il y a à espérer que ce sursaut démocratique, cet élan citoyen, porte en lui le germe d'une mobilisation durable et que cette volonté du peuple de changer les choses se manifestera lors des prochaines élections. Le projet d'indépendance, porté par le Parti québécois et par d'autres, mais surtout par des millions de Québécois, repose sur cette ardente obligation de redonner au peuple une véritable emprise sur son destin collectif en liant souveraineté, démocratie et pouvoir citoyen.
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Louise Beaudoin, ancienne ministre, députée du Parti québécois
Sous le bruit des casseroles la voix de l'indépendance
Conflit étudiant - un pas vers l'indépendance
Louise Beaudoin52 articles
Ancienne ministre de la Culture et des Relations internationales, Parti québécois
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