Réforme du mode de scrutin

Sinon par vertu, du moins par intérêt

Réforme électorale


À l'automne 2001, alors que j'étais toujours président de l'Assemblée nationale du Québec et que j'avais malgré tout pris ouvertement fait et cause pour le Mouvement Démocratie nouvelle et son combat pour l'implantation d'un mode de scrutin proportionnel mixte, le chroniqueur politique du Devoir, Michel David, avait interpellé le premier ministre Bernard Landry en lui disant qu'il devrait agir en ce sens «sinon par vertu, du moins par intérêt».
Devant le fait que M. Landry, devenu chef du gouvernement un an plus tôt, voyait son taux de popularité fondre comme neige au printemps et devant les résultats de sondages qui prédisaient à ce dernier une dramatique dégelée électorale ne laissant au Parti québécois que quelques sièges, M. David soulignait que l'introduction d'un nouveau mode de scrutin réclamé à cor et à cri par Jean Charest et Mario Dumont, victimes directes du dernier scrutin général de 1998, permettrait au parti de René Lévesque de sauver à tout le moins la mise en s'assurant de conserver environ le quart des membres de l'Assemblée nationale.
États généraux
En janvier 2002, Bernard Landry donna l'impression qu'il avait entendu le message et me demanda de consulter la population à titre de ministre de la Réforme des institutions démocratiques. Ce fut le début de l'aventure des états généraux sur cette vaste réforme que présida, à ma demande, l'ex-grand patron du Mouvement Desjardins, Claude Béland. Après une grande tournée à travers le Québec qui culmina dans un grand rassemblement d'environ 1000 citoyens, en février 2003, une série de propositions audacieuses furent adoptées, dont l'implantation d'un mode de scrutin de type proportionnel. Un mois plus tard, Landry déclenchait des élections générales en promettant, tout comme les deux autres chefs politiques, que les élections suivantes se feraient sous l'égide d'un nouveau mode de scrutin.
Dans les mois et les années qui suivirent, on assista à une triste dérobade tant de la part des chefs du PQ et du nouveau premier ministre libéral que du leader de l'ADQ, qui cessa, lui aussi, de réclamer ce changement quand il se retrouva chef de l'opposition officielle et aspirant PM en mars 2007.
Nouvel héritage
Aujourd'hui, en ce début d'été 2011, alors que les plus récents sondages indiquent que ces trois partis pourraient voir leur députation considérablement réduite avec l'entrée en scène d'un nouveau parti dirigé par l'ancien ministre péquiste François Legault qui, soit dit en passant, ne s'est jamais illustré comme un partisan de grands changements aux institutions politiques, je suggère que Pauline Marois, Jean Charest et Gérald Deltell fassent l'histoire et lèguent en héritage un mode de scrutin vraiment démocratique pour le prochain rendez-vous électoral.
Je reprends à mon compte le titre du texte de Michel David écrit il y a 10 ans: «Sinon par vertu, du moins par intérêt.» Si la vertu, outre de respecter enfin la parole donnée, serait de faire en sorte que tous les votes comptent et qu'une nouvelle dynamique politique s'installe au Québec pour redonner confiance en la classe politique et lui donner une véritable légitimité, comme l'avait proposé jadis René Lévesque qui considérait notre mode actuel comme «démocratiquement infect», l'intérêt pour ces trois partis apparaît évident: demeurer des forces vives de la vie politique québécoise. Après tout, ensemble, ces trois partis recueillent encore 55 % des intentions de vote (PQ: 23 %; PLQ: 21 %; l'ADQ: 11 %), selon le plus récent coup de sonde effectué pour le compte du Devoir.
D'ici aux prochaines élections générales dans deux ans, il y a suffisamment de temps pour faire ce qui doit être fait. On n'a pas à repartir de zéro. On n'a qu'à reprendre et à intégrer de façon cohérente les propositions déjà sur la table du MDN, du Directeur général des élections et des consultations citoyennes effectuées depuis 2002. Si nécessaire, un référendum de ratification de la proposition pourrait être tenu avec l'utilisation de la règle du 50 % + 1 pour son acceptation, c'est-à-dire la même règle sur laquelle tous s'entendent pour un référendum sur le statut politique du Québec!
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Jean-Pierre Charbonneau - Ex-président de l'Assemblée nationale du Québec et ex-ministre de la Réforme des institutions démocratiques


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