Pourquoi pas une carte électorale permanente ?

Réforme électorale



À l'heure actuelle, la carte électorale québécoise ne satisfait plus les critères minimaux d'une saine démocratie: plus de 20 % des circonscriptions électorales dépassent l'écart permis de 25 % et le vote dans la circonscription la moins peuplée vaut plus de deux fois celui dans la circonscription la plus populeuse. À tel point qu'une élection générale tenue en vertu de la carte actuelle courrait le risque d'être invalidée par les tribunaux.
Pour y remédier, la Commission de la représentation électorale (CRE) a préparé une nouvelle carte qui a soulevé l'opposition de certaines régions et qui a été suspendue par l'Assemblée nationale jusqu'au 30 juin prochain. D'ici là, les partis doivent tenter d'en arriver à un consensus sur une nouvelle approche.
Le Parti libéral et le Parti québécois viennent d'ailleurs de faire connaître leur proposition respective, qui sont radicalement différentes, mais qui, toutes les deux, sont antidémocratiques et probablement inconstitutionnelles. On ne voit pas comment, à partir de positions aussi déficientes, les députés pourront en arriver à un consensus.
C'est pourquoi je propose qu'on examine la possibilité de remplacer le système actuel par celui, nouveau, d'une carte électorale permanente avec vote pondéré.
Ce système n'est pas de mon invention. On en trouve la description, sous le nom de «vote fractionnaire», dans le mémoire présenté par la CRE sur le projet de loi 78. Lors d'un forum organisé par Solidarité rurale en février dernier, ce système a été discuté et a connu une certaine faveur auprès des participants. Voici en quoi il consiste.
Le système est simple: le nombre et la délimitation des circonscriptions restent fixes (disons, les 125 circonscriptions actuelles), et ce qui varie en fonction de la démographie, c'est le poids relatif du vote de chaque député élu, ce poids étant proportionnel au nombre des électeurs inscrits dans sa circonscription par rapport à l'ensemble de l'électorat. Dans les circonscriptions en dessous de la moyenne, ce poids est inférieur à 1; dans celles au-dessus, il est supérieur à 1. Dans ce système, donc, le principe de l'égalité des électeurs est parfaitement respecté, mais les régions gardent toujours le même nombre de députés à l'Assemblée nationale.
Il est intéressant de noter que l'utilisation de ce nouveau système serait politiquement neutre, car il ne changerait pas l'équilibre actuel des forces entre les partis. Ainsi, j'ai calculé que si ce système avait été utilisé lors de la dernière élection générale, le PLQ aurait pu compter sur 66,08 voix pondérées, le PQ 51,57, l'ADQ 7,06 et Québec Solidaire 0,89, soit le même résultat que le 8 décembre 2008. À peu de chose près, le résultat n'aurait pas été différent pour les élections antérieures de 2007, 2003 et 1998.
Soulignons que la permanence de la carte électorale comporterait, en soi, plusieurs avantages car elle favorise le sentiment d'appartenance des électeurs et évite les perturbations périodiques qu'entraîne présentement sa révision. De plus, on pourrait épargner les coûts importants qu'entraîne périodiquement la révision de la carte.
Par ailleurs, chaque circonscription actuelle conserverait l'essentiel de son poids politique puisqu'elle pourrait compter sur la présence à Québec d'un député. Même si son représentant ne devait avoir qu'un vote pondéré à la baisse, son influence ne serait guère différente de celle des autres députés. Il pourra continuer à être nommé ministre. Il aura le même accès aux ministres et aux fonctionnaires. Il aura droit au même salaire et aux mêmes conditions de travail, au même personnel et aux mêmes allocations pour son bureau de circonscription et ses déplacements. Au total, la circonscription et la région continueront à être aussi bien représentées à Québec qu'à l'heure actuelle et leur poids politique n'en sera guère affecté. Car ce qui compte surtout pour une circonscription, c'est la présence physique à Québec d'un député qui la représente.
C'est pourquoi le système d'une carte électorale permanente avec vote pondéré mérite qu'on l'étudie sérieusement. Il pourrait être mis en vigueur rapidement, ne nécessitant aucune nouvelle étude particulière. Et, si on le préfère, on pourrait l'adopter, à l'essai, seulement pour la prochaine élection générale, de façon à le mettre à l'épreuve avant de l'adopter de façon définitive. Je propose donc que les partis s'entendent pour demander à la CRE d'en étudier plus à fond les modalités.
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Louis Bernard - Secrétaire général du conseil exécutif sous René Lévesque


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