Se voiler l'esprit

Le voile intégral, qu'il s'agisse de la burqa ou du niqab (lequel laisse voir les yeux, lui), heurte un fort pourcentage de la population, que ce soit en France ou ici. Avec raison.

Port de signes religieux



(Québec) «La burqa n'est pas la bienvenue sur le territoire de la République française», a déclaré, solennel, Nicolas Sarkozy devant les parlementaires français réunis à Versailles. Ajoutons, comme en écho, qu'elle n'est pas la bienvenue non plus au Québec ou au Canada.
Pourquoi? Parce que, comme l'a indiqué le président français, «nous ne pouvons accepter dans notre pays des femmes prisonnières derrière un grillage, coupées de toute vie sociale, privées de toute identité».
Le voile intégral, qu'il s'agisse de la burqa ou du niqab (lequel laisse voir les yeux, lui), heurte un fort pourcentage de la population, que ce soit en France ou ici. Avec raison.
Mais n'allons pas plus loin dans les comparaisons interatlantiques. Ce serait ridicule. Car si le phénomène est relativement marginal en France, il est quasi inexistant chez nous.
Cela dit, dans ce dossier comme dans d'autres, il faut reprocher à Nicolas Sarkozy d'aller jusqu'à promettre n'importe quoi pour plaire à une majorité de Français. Il faut lui reprocher de laisser croire que des solutions simplistes régleront le problème. «Laisser croire», écrivons-nous, parce que le président français a tout de même été habile.
Il n'a jamais dit que son gouvernement légiférerait pour interdire la burqa ou le niqab dans l'espace public. Mais comme il n'y a qu'un pas à franchir pour l'envisager, c'est ce que des millions de Français et la plupart des médias, naturellement poussés à la dramatisation, ont compris ou voulu comprendre.
Soyons sûrs d'une chose aujourd'hui : dans six mois ou dans un an, Nicolas Sarkozy dira qu'il n'a jamais dit cela, pas plus qu'il n'a réellement voulu «refonder le capitalisme» l'automne dernier. Il voulait plutôt simplement mieux réglementer le système financier... Encore là, de toute façon...
Sur le voile intégral aussi, les gestes seront plus timides que les mots. On vient d'ailleurs d'en avoir un avant-goût.
Après les fortes paroles présidentielles, l'Assemblée nationale française avait le choix de mettre sur pied une grosse «commission d'enquête» ou une simple «mission d'information».
Elle a opté pour la mission d'information. La commission d'enquête a été rejetée parce qu'elle aurait eu un côté comminatoire.
Comprenons ceci : à moins que cette mission parlementaire perde la boule, elle ne recommandera jamais d'interdire la burqa ou le niqab dans l'espace public.
Ni le droit français, ni le droit européen ne permettraient qu'une loi interdise de porter un vêtement, fut-il un voile intégral, au parc ou à la boulangerie du coin.
Sans compter que ce n'est pas ainsi que l'objectif d'intégration serait atteint. En chassant ces femmes de tout l'espace public, on les enfermerait chez elles.
Contrairement à ce que certains prétendent, d'ailleurs, aucun État n'a légiféré en ce sens. Ni l'Italie, où des femmes portent le voile intégral à Rome et à Milan, ni aucun autre pays européen. Ce sont des municipalités qui ont édicté des règlements, lesquels ne sont généralement pas appliqués - quand ils ne sont pas annulés par les tribunaux.
Ce que les parlementaires français distingueront sans doute au terme de leur mission d'information, c'est l'«espace public» des «établissements publics». C'est ce qu'ils devraient faire en tout cas.
Dans les mairies, les tribunaux et toutes les administrations publiques françaises, les députés hexagonaux seraient en effet tout à fait justifiés de proposer l'interdiction du voile intégral. Le port du simple voile est, lui, déjà proscrit pour les représentants de l'État français.
Nicolas Sarkozy aurait déjà dû lui-même établir cette distinction entre «espace public» et «établissements publics». Il aurait ainsi mieux circonscrit le débat et évité de faire croire n'importe quoi.


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