Cette fois, après avoir lu la lettre de la députée Louise Beaudoin publiée dans Le Devoir du 17 novembre 2009, je ne peux m'empêcher de réagir sur la question du port du voile. Car le débat est sérieusement entaché d'a priori et de préjugés, même de la part des intellectuels. Comment nous, les Québécois, pouvons-nous nous auto-ériger en spécialistes de la question du voile et prétendre connaître les raisons pour lesquelles certaines musulmanes portent le voile, en ne cherchant jamais à connaître l'opinion des principales concernées, si ce n'est qu'en réitérant le discours de quelques féministes musulmanes dissidentes?
On entend ici et là de grandes déclarations sur l'égalité, à travers lesquelles on affirme que le port du voile est un acte forcé et qu'il s'agit d'un signe de soumission de la femme. Je voudrais bien savoir d'où sort cette association entre voile et soumission. Ayant une profonde connaissance de la culture arabo-musulmane — j'ai séjourné de nombreuses fois au Maroc, en Tunisie, en Palestine —, je peux affirmer que le port du voile relève d'un choix personnel et réfléchi des femmes, qui le portent pour des raisons différentes et variées.
Par exemple, dans les milieux traditionnels, certaines femmes le font car elles sont inspirées par le modèle de femme qu'est leur mère, alors que dans les milieux où les femmes sont davantage instruites, beaucoup d'entre elles le font par conviction religieuse.
Je n'ai personnellement jamais entendu d'histoire où une femme fut «forcée» de porter le voile. Par ailleurs, il me semble pertinent que les Québécois comprennent ceci: un homme qui souhaite que son épouse soit voilée va la choisir ainsi avant le mariage, et non pas la forcer à changer après le mariage. Évidemment, il y a et il y aura toujours des exceptions, des histoires d'horreur, mais celles-ci ne sauraient être la base d'un débat qui touche des milliers de musulmanes libres et conscientes au Québec, que l'on essaie par notre vision réductrice sur le voile de faire passer pour des écervelées et des impuissantes.
Évidemment, il appartient aux Québécois de décider s'ils veulent faire de la laïcité une valeur suprême de leur société. Cependant, la laïcité n'étant pas un droit humain, elle doit être conciliée avec le respect des droits à l'intégrité de la personne et à la liberté, notamment de religion. C'est là tout le défi, car il n'y a pas de recette magique, ni de pays à citer en exemple. Quoi qu'il en soit, contrairement à ce que Mme Beaudoin prétend, interdire le voile à l'école ne favorisera pas l'inclusion mais plutôt l'exclusion, comme le démontre l'exemple de la France, où les tensions communautaires et le racisme sont à leur paroxysme. La France est par ailleurs un des seuls pays européens à interdire le voile.
Loin de moi l'idée de faire la promotion du voile chez les jeunes musulmanes; je souhaite simplement amener les Québécois à ne pas les considérer comme un bloc monolithique et sans opinion. Pour comprendre le voile, il est grand temps de favoriser une véritable démarche interculturelle dans laquelle les femmes musulmanes de tous horizons seraient invitées à faire valoir leurs opinions.
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Marie-Christine Ladouceur-Girard - Étudiante en droit international et relations internationales à l'UQAM
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