Roosevelt et la mondialisation

Le «modèle québécois»


En termes absolus, on peut soutenir que la mondialisation a surtout profité aux économies américaine, chinoise et indienne. Aux États-Unis, entre 500 et 1000 milliards de dollars de plus sont injectés annuellement dans la boucle économique par la diminution des barrières au commerce international; cela représente (théoriquement, comme nous le verrons) un bénéfice de 1650 à 3300$ par famille. En Chine et en Inde, des centaines de millions d'individus ont, pour la même raison, été extraits d'un état de pauvreté confinant la plupart du temps à la misère.
Cependant, les ratés de la mondialisation - bien sûr, il y en a, et de sérieux - deviennent extrêmement voyants, eux aussi. Et ils risquent de retourner l'opinion publique bien davantage que les manifestations statutaires et souvent violentes de la "rue" auxquelles on assiste lors de la tenue de tous les forums internationaux.
Au Canada, par exemple, nous avons expérimenté au cours des dernières semaines des problèmes de qualité concernant des produits importés de Chine, ce qui a un impact sur la confiance des consommateurs. En Inde, mais surtout en Chine où le cadre politique n'est pas démocratique, la stupéfiante croissance économique entraîne de profonds brassages sociaux. Aux États-Unis, le partage très inégal des bénéfices des échanges internationaux fait renaître de virulents réflexes protectionnistes.
Ainsi, les Américains, qui alimentent largement le moteur de la mondialisation, pourraient entreprendre eux-mêmes une catastrophique fermeture commerciale des frontières.
Il faut un nouveau contrat social, un "New Deal de la mondialisation", plaident par conséquent deux professeurs américains, respectivement de science politique et d'économie, dans la dernière livraison du prestigieux et influent magazine Foreign Affairs.
Kenneth F. Scheve et Matthew J. Slaughter font évidemment allusion au New Deal du président Franklin D. Roosevelt qui, il y a trois quarts de siècle, avait lancé l'État fédéral dans la lutte aux conséquences de la crise économique.
Les deux auteurs notent que les revenus de l'écrasante majorité de la population américaine stagnent ou même reculent depuis plusieurs années, seuls les 3,6% des travailleurs les plus instruits échappant à ce sort. Par conséquent, la grogne s'installe ce que reflète la douzaine de projets législatifs visant à restreindre le commerce avec la Chine qui ont été soumis au Congrès depuis quelques mois.
Les divers programmes de compensation (éducation permanente, assurance chômage et autres) mis sur pied par Washington sont insuffisants, estiment Scheve et Slaughter. Ceux-ci prônent plutôt la redistribution directe des bénéfices de la mondialisation par le biais de la fiscalité (un transfert de l'ordre de 256 milliards par année!), une proposition révolutionnaire dans un pays dont on connaît le peu de ferveur pour l'intervention étatique distributive
Cependant, il n'est pas impossible que la mondialisation ait éventuellement cet étrange effet collatéral: celui de forcer de nouvelles initiatives de solidarité au coeur de l'empire capitaliste.
mroy@lapresse.ca


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