La Suède, un modèle pour le Québec ?

Oui, mais à deux conditions : l’indépendance et une culture du consensus

Chronique de Jean-Claude Pomerleau

Texte en réponse à celui de M. Yanick Labrie ("[Pourquoi le modèle suédois fonctionne"->7761] ; Le Devoir 19 Juillet 2007) - Texte publié dans Le Devoir du 31 juillet 2007
Le modèle suédois n’est pas le seul qui pourrait servir d’exemple pour le Québec. En fait, il faudrait faire porter notre réflexion sur l’ensemble des pays de l’Europe du Nord afin de comprendre pourquoi des États, plus petits ou de taille équivalente au Québec, sont parmi les plus performants au monde dans le domaine de la création et de la répartition de la richesse (la social-économie)) et représentent donc des modèles à suivre pour le Québec.
Il est raisonnable toutefois d’affirmer qu’un « expert », qui est confiné dans le double cadre idéologique de l’Institut Économique de Montréal (I.E.M), puisse de bonne foi identifier les deux conditions qui ont prévalu pour que ces États de l’Europe du Nord entreprennent des réformes majeures qui leur ont permis de relever le défi de la productivité de façon aussi convaincante.
Ces deux conditions sont les suivantes :
Premièrement, et il faut l’affirmer haut et fort, ces États sont souverains et indépendants et possèdent en conséquence, contrairement à la « Province de Québec », inféodée au gouvernement fédéral d’Ottawa, tous les leviers de pouvoirs pour en arriver à un processus décisionnel cohérent. La souveraineté ou l’indépendance de ces États constitue, de facto, le facteur-clé de la productivité et il faut en prendre acte.
Deuxièmement, ces États pratiquent une culture du consensus économique et social (la social-économie, ce qui leur permet de s’ajuster rapidement à la mondialisation (autre facteur de cohésion stratégique).
Ce sont ces deux conditions qui ont permis à la Suède de réaliser une réforme majeure qui lui a permis de réduire le nombre de ses fonctionnaires d’un tiers et de réaliser un gain de productivité de 4 % (1). Cette réforme n’aurait jamais été possible si la Suède avait été une province enfermée dans un fédéralisme de tutelle avec un pouvoir central qui contrôle la moitié de ses taxes et qui intervient dans pratiquement tous ses champs de juridictions. Ce qui est le cas du Québec.
Le Québec fait face à des défis majeurs pour améliorer sa productivité politique et économique. Il en va de l’intérêt supérieur du Québec que ce débat se fasse dans la plus grande rigueur. Malheureusement, à cet égard nous sommes doublement piégés par l'idéologie politique que nous vivons. Le premier piège est celui de l'idéologie fédéraliste qui nous condamne à chercher des solutions dans le confinement du provincialisme, et l'autre piège est celui de ce débat gauche droite qui nous fige dans un braquage stérile alors qu'il y a péril en la demeure. À cet égard il est douteux que l’I.E.M, confiné dans cette double idéologie, nous fournisse quelques solutions valables pour répondre au seul défi qui se pose : améliorer la productivité politique et économique du Québec.
Pour réussir des réformes structurelles majeures du type de celles que les pays d’Europe du Nord ont accomplies, le Québec doit donc réunir les deux conditions indispensables à la réussite : l’indépendance et une culture de consensus entre les différents acteurs que sont le gouvernement, le patronat et les syndicats afin d’établir une véritable économie sociale.
(1) http://www.ledevoir.com/politique/blogues/elections2007/2007/02/27/Pendant-ce-temps-la-en-Suede.html
(2) Jean-François MOUGEL, L’Europe du Nord contemporaine, de 1900 à nos jours, Éditions Ellipses, Paris, 2006.


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3 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    20 juillet 2007

    (David Lépine)
    Vous dite que dans le cadre provincialiste il y a toujours place à l’amélioration et que c’est le corporatisme de certains groupes qui nuisent à la productivité, sans doute. Dans le cas de l’Hydro Québec on pourrait faire mieux. Comme par exemple nationaliser l’énergie éolienne, comme nous le suggère le Syndicat des Ingénieurs de l’Hydro Québec, ce qui nous permettrait de garder ici les 7,8 milliards de profits prévus sur 20 ans. Là on ne peut pas dire que c’est leur corporatisme qui nuit à l’intérêts supérieur du Québec. Il faut plutot regarder du coté de ces petits affairistes provinciaux qui nous gouvernent qui ont décider de brader le bien commun au profit de leurs petits amis.
    Autres considérations sur Hydro Québec, en guise de consolation quand vous comparez vos cotisations d’impôts. Si on hausse les tarifs de 2 cent le KWH on ajoute 4 milliards au profits de l HQ, ce qui nous rapproche du 7 milliards, ce qui donne une évaluation de l’entreprise à 140 milliards (20 fois les profits) à cette entreprise (et nous sommes encore sous les tarifs de l’Ontario). En fait l’Ontario paie 7 milliards de plus que nous pour leurs consommations d’électricité et paies 3,5 milliard de moins en impôts (tarifications décidées par le gouvernement ou impôts ça se ressemblent; pensez y quand vous comparez vos cotisations).
    Cela dit. Dans un texte d’une page vous comprendrez que je ne peux tout couvrir. Mon argumentaire n’escamote en rien l’essentiel qui porte sur la cohérence du processus décisionnel comme gage de productivité et donc de création de richesse collective : Il faut savoir que la richesse collective est la somme des décisions prises ou négligées. D’où l’importance de ce processus (toute les experts en « managing » de l IEM devraient en convenir). À cet égard le fédéralisme de tutelle qui nous impose ses priorités, qui sont souvent contraire aux nôtres (et les dédoublements de fonctions qui viennent avec), est un facteur inhibiteur majeur à la productivité du Québec.

    Pour se faire une idée des bienfaits de l’indépendance pour une nation je vous suggère un cas concret. Comparez le bilan de deux états qui sont comparables par leurs géographies et leurs tailles: Terre Neuve et l’Islande. À la même époque (après la deuxième guerre) l’un a choisit d’être une province canadienne et l’autre un état indépendant.
    Après l’indépendance l’Islande qui avait perdu le quart de sa population depuis le début du siècle a mis fin à cet exode et s’est mis à prospérer à tel point que son revenu moyen égal maintenant celui du Canada (38 000 USD). Pendant ce temps Terre Neuve, qui était mieux pourvu en ressources, continue de perdre 1% de sa population annuellement et pratique toujours envers Ottawa une politique de la mendicité malgré sa richesse pétrolière.
    Parce que confiné dans la provincialisation des esprits, le Québec n’a qu’une faible idée du puissant levier que représente un état indépendant. Les modèles que représentent les Pays d’Europe du Nord peuvent nous aider à sortir de cette mentalité.

  • Archives de Vigile Répondre

    20 juillet 2007


    Vous "oubliez" habilement de mentionner que la Caisse de dépôt, Hydro-Québec, la SAQ, Loto-Québec sont des sociétés extrêmement performantes. Hydro-Québec à elle seule à une valeur presque équivalente à la dette totale du Québec. La Caisse a donnée un rendement de 14,6% en 2006, ce qui dépasse de loin le TSX et le Dow Jones.
    Rangez donc au placard vos vieux clichés poussièreux sur la soi-disant inefficacité de l'état Québécois. Votre discours "adéquisant" est déconnecté de la réalité.
    Cordialement,
    Frédéric Lacroix

  • Archives de Vigile Répondre

    20 juillet 2007

    Vous négligez habilement de mentionner la principale cause des succès économiques de la Suède: la dérèglementation des monopoles d'états et des industries boîteuses. Ce n'est pas le Canada qui nous empêche de rendre la SAQ, l'Hydro Québec, la SGF, la Caisse de Dépôt, Loto Québec et al plus performantes.
    La dernière fois que j'ai vérifié mes impôts, j'en payais 35% de plus au Québec qu'au fédéral, la TPS fédérale est à 6% alors que la TVQ est à 7,5%. Alors comment prétendre que le fédéral contrôle la moitié des impôts? Comment prétendre que l'immobilisme économique ne peut être solutionné que par la fiscalité?
    Nous vivons dans une société où le corporatisme est devenu institutionalisé, et ce sont surtout ces groupes protégés par l'état québécois qui favorisent l'indépendance comme moyen de maintenir cette protection. Il va falloir un projet d'indépendance beaucoup moins inféodé à ces groupes pour réussir un exploit comme en Suède, et cela ne dépend pas de l'indépendance politique.