Revoilà Trudeau

Chronique de Patrice Boileau


Michael Ignatieff était de passage, dimanche dernier, à l’émission « Tout le monde en parle » de la télévision de Radio-Canada. Le nouveau chef du Parti libéral y a brièvement discuté du dernier livre qu’il a publié ainsi que du Canada qu’il rêve de diriger.
Durant l’entretien, je n’ai pu m’empêcher de tracer un parallèle entre l’invité de Guy A. Lepage et Pierre-Elliott Trudeau. Ainsi, le nouveau leader du PLC est parfaitement conscient de sa superbe, comme l’était celui qui a adopté la Loi des mesures de guerre en 1970. Le successeur de Stéphane Dion s’exprime dans un français international qui rappelle également celui qu’utilisait l’auteur des pires déficits budgétaires de l’histoire canadian. Le ton qu’emploie l’aspirant au trône fédéral n’est peut-être pas encore teinté de mépris comme l’autre, mais la manière dont il a largué ceux qui lui tendaient la main pour renverser Stephen Harper, laisse penser que cela ne tardera pas…
Néanmoins, le chef de l’Opposition officielle à Ottawa croit à l’existence de trois groupes nationaux au Canada. Celui constitué des Autochtones côtoierait la majorité canadian alors que le troisième serait formé de Québécois. Pour Michael Ignatieff, le défi réside à les faire converger vers une appartenance commune pour faire fonctionner le pays. Trudeau a imaginé une fédération bilingue d’un océan à l’autre pour y parvenir. La vérité est qu’il a passé sa vie de premier ministre à la rêver. Car le Canada n’a jamais vu sa population s’exprimer dans les deux langues. Encore aujourd’hui, Vancouver éprouve toutes les misères du monde à implanter un service de langue française afin de respecter les critères olympiques qui sont imposés aux villes hôtesses. Ainsi, les jeux d’hiver qui y seront tenus l’année prochaine illustreront combien le Canada est un pays de langue anglaise. La récente nomination de Marcel Aubut, à titre de Président du Comité olympique canadian, ne bernera personne.
C’est la langue qui rassemble souvent une société cosmopolite. Aux États-Unis, malgré la présence d’importants groupes hispanophones, l’anglais regroupe la population autour d’une identité nationale, quoi qu’en dise Michael Ignatieff. L’homme cherche subtilement un moyen de réaliser le même tour de force au Canada. Son subterfuge qui consiste à ne pas nier l’existence de trois identités fortes au pays, ne camoufle en rien son vœu de voir dominer un jour la langue de la majorité. C’est chose faite avec les gens des Premières Nations. Reste cependant une portion de la nation québécoise qui persiste à ne pas accepter l’assimilation.
D’où l’utilisation d’autres manigances par le dirigeant du PLC pour convaincre les Québécois de se fondre dans le tout canadian. L’homme a donc emprunté à Pierre Trudeau un de ses argumentaires favoris. Ainsi, au sujet des sables bitumineux de l’Alberta, Michael Ignatieff s’est dit très fier de leur exploitation et des revenus qu’ils procuraient à l’État canadian. L’homme s’est exclamé « c’est à nous autre ça (sic)! » J’ai cru alors entendre PET vanter « nos Rocheuses » auxquelles il ne pouvait être question de tourner le dos! Impuissant, Ignatieff n’a d’autres choix que de reprendre le discours de Trudeau pour persuader les Québécois d’adopter le Canada, au risque de ne plus être « propriétaires » des ressources qui s’y trouvent! Encore le mythe du charme national « est-ouest ! »
L’exemple des sables bitumineux s’avère néanmoins un très mauvais choix pour appâter les Québécois. Ignatieff démontre ici qu’il connaît très mal la nation qu’il cherche à séduire en vue des prochaines élections. Le Québec ne veut pas de ce pétrole sale. Il refuse d’être le complice d’un des pires gâchis environnementaux de la planète. De plus, une aide financière étatique aux concessionnaires automobiles, après celle octroyée aux industries qui les produisent en Ontario, serait très mal accueillie par les Québécois. Ils étaient d’ailleurs plusieurs à manifester leur désaccord dimanche, à Montréal, face au projet de reconstruction de l’échangeur Turcot. Il y en a marre d’une économie basée sur l’automobile, au détriment des transports alternatifs.
À ce compte, le chef libéral n’a assurément pas apprécié l’idée de Barack Obama de développer un réseau de chemin de fer à grande vitesse au nord-est de l’Amérique! Le Président américain a en effet dévoilé, il y a quelques jours, un projet évalué à 13 milliards de dollars, projet qui engloberait la ville de Montréal. Voilà qui ne ferait que raffermir les valeurs environnementales québécoises, tout en orientant davantage leurs intérêts économiques vers le sud!
Michael Ignatieff a beaucoup voyagé. Il avoue en être ressorti grandi. Grand bien lui fasse! L’homme a toutefois révélé qu’il était bon de revenir « chez-soi. » Disposer d’un foyer génère en effet un sentiment de sécurité et de confort. Je l’envie. Car le leader libéral affirme ici avec intensité son attachement pour le Canada. Un luxe qui m’est interdit car malgré l’existence de frontières qui délimitent le territoire québécois, je sens que je n’y suis pas totalement chez-moi. Je ressens en effet que l’avenir échappe à cet endroit que j’habite. Comme Ignatieff et son Canada « qu’il recherche », je veux aussi retrouver ma maison, celle que Trudeau a voulu rayer de ma mémoire.
Patrice Boileau


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3 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    2 mai 2009

    Pour ma part, je ne suis pas du tout en accord avec la comparaison entre M. Michael Ignatieff et la Trudeaumanie. Il me fait plutôt penser à John Turner. Ceux qui sont d'âge à se souvenir de cette époque où John Turner était désigné comme l'homme de la situation, on avait eu les mêmes commentaires en le baptisant le nouveau Trudeau et on sait comment l'histoire s'est terminée. Pour l'instant, a-t-on entendu de la part d'Ignatieff autre chose que du convenu, du des évidences creuses, du genre : on va voir, pour le moment, ce n'est pas mon rôle, je viens de Sherbrooke (Charest aussi). Voilà ce que j'ai retenu pour l'instant.
    Il a jeté du revers de la main la coalition alors que le vote des canadiens a donné une majorité de sièges à cette coalition. Je pense même que le Bloc devrait faire partie d'une semblable coalition et avoir ainsi la chance d'avoir des ministres et plus de pouvoir. Pourquoi dit-on que le bloc n'a pas droit au pouvoir. Ce sont nos représentants et sauf erreur, rares sont les pays où l'on refuse à un parti d'avoir accès au pouvoir. Si la Bloc a une majorité au Québec et qu'il entre dans une coalition avec des parties qui ont des majorités dans le reste du Canada, la fédération canadienne devrait alors endosser ce choix avec le sentiment que c'est là l'expression d'une véritable démocratie.
    Mais non, ici Ignatieff ressemble autant à Harper qu'à Trudeau qu'à Chrétien, qu'à tous ceux qui bafouent la démocratie en endossant un système qui n'a rien de vraiment démocratique puisqu'un gouvernement peut accéder au pouvoir avec seulement 38% du vote. Le principe même de la démocratie est de donner le pouvoir à ceux qui réussissent à obtenir plus de 50% des voies. Ce n'est même pas le cas pour les députés. Faites le compte et vous verrez que les députés qui ont eu une majorité dans leur circonscription sont très rares. Le constat est simple il n'y a aucune démocratie au Canada, il n'y a que des calculateurs qui visent le fameux 39% leur garantissant la majorité des sièges.
    Dès le départ, il a eu l'occasion de montrer qu'il connaissait bien la politique et le sens des mots (grand penseur et écrivain qu'il est) en établissant les balises d'une nouvelle politique basée sur la proportionnalité du vote. La coalition aurait ainsi réalisé l'implantation au Canada d'une véritable démocratie basée sur la proportionnalité du vote. Dans la plupart des pays. comme en France pour ne nommer que celui là, les coalitions sont monnaies courantes. Si Igantieff ou Harper avait l'obligation d'avoir 50% plus un des votes des Canadiens pour accéder au pouvoir, soyez assurés qu'un comme l'autre courtiseraient le Bloc, Le NPD et même les Verts.
    Ignatieff finalement ressemble autant à Trudeau, qu'à Harper. qu'à Turner, qu'à Chrétien, dans le sens qu'ils se foutent tous éperdument de la démocratie. Avec plus de 38% du vote, n'importe qui peut décider d'envoyer nos gamins mourir en Afghanistan.
    À ce propos, des dizaines de nos Soldats sont morts de la même manière, soit en sautant sur une mine avec leur char. N'y aurait-il pas eu moyen de mettre devant le char un rouleau comme on se sert pour aplanir une surface. Ça aurait peut-être eu l'air fou, mais certainement que ça aurait eu l'air moins fou que cinquante cercueils.
    Serge Lemay

  • Archives de Vigile Répondre

    23 avril 2009

    Évidemment je ne crois pas un mot sortant de la bouche de cet individu. Une chose qui m'a frappé, depuis qu'il est chef du parti libéral à quelques reprises je l'ai entendu dire que le Canada est un État Nation... Allo! Et d'un même souffle il reconnait la nation québécoise.
    Iggy serait-il le successeur du célèbre Padre Pio ? Oui, celui à qui on attribuait la capacité de pratiquer la bi-location ? On peut être tout dans la pensée d'Ignatief. On peut être québécois canadien ou canadien québécois, dans l'ordre qui nous convient. Mais bien sûr à la fin de l'entonnoir, on est canadian.
    Ma parole c'est du Elvis Gratton.

  • Archives de Vigile Répondre

    22 avril 2009

    En écoutant parler Michael Ignatieff à TLMP, je trouvais que, comme d'habitude, le discours de cet homme est faux et hypocrite. Il est clair que cet homme n'a aucunement l'intention de faire en sorte que le peuple québécois soit reconnu dans la Constitution de facon à pouvoir assurer sa pérennité. J'espère bien que les québécois ne se laisseront pas avoir encore une fois par les mensonges, les trahisons, les coups fourrés du Parti Libéral du Canada, le parti des Commandites, le parti des voleurs, des menteurs, des trompeurs, des lâches.
    Un québécois qui a le goût de vivre librement, qui n'a pas l'instinct suicidaire, ne peut que voter Bloc Québécois à Ottawa et Parti Québécois à Québec.
    Allons, enfants de la Patrie, votons pour NOUS QUEBECOIS, afin que notre jour de gloire arrive.