Remplacer Marois par Duceppe? - «On n'en est pas là»

Une lettre circule dans les rangs du PQ disant que le chef du Bloc «est le leader souverainiste le plus inspirant en ce moment»

Pauline Marois - entre urgence et prudence



Québec — Jacques Parizeau n'est pas le seul au Parti québécois à préférer l'approche souverainiste de Gilles Duceppe à celle de Pauline Marois. Le Devoir a appris qu'avant même la sortie de mercredi de l'ancien chef péquiste, des militants du PQ ont rédigé une lettre ouverte dans laquelle ils soutiennent que Gilles Duceppe «est le leader souverainiste le plus inspirant en ce moment». Ce groupe — dont un employé de circonscription et un militant qui évoluait jadis au Comité national des jeunes du PQ —, très critique à l'égard de la chef péquiste, dit ne pas être prêt à sortir sur la place publique et soutient que la lettre «n'est pas encore signée, mais qu'elle circule».
Une autre source a nié une rumeur selon laquelle la lettre réclamait le remplacement immédiat de Mme Marois par M. Duceppe. «On n'en est pas là.» Toutefois, la sortie de Jacques Parizeau en a galvanisé les membres: «Il y a beaucoup de gens qui pensaient ça [ce que M. Parizeau a soutenu] et qui se sont dit: "Je ne suis pas tout seul à penser ainsi". C'est la plus grande caution morale, M. Parizeau, et il vient de dire à cette gang-là: "Vous n'avez pas totalement tort."»
Mercredi, à Radio-Canada, M. Parizeau a vanté «la clarté remarquable» de M. Duceppe sur la question de la souveraineté, notamment dans un récent discours prononcé à Washington. Parlant du PQ de Pauline Marois, il soutenait plutôt que depuis quelque temps, on y avait «trop utilisé» la souveraineté «comme une sorte de drapeau, de hochet qu'on brandit de temps à autre aux militants pour les tenir tranquilles». L'ex-premier ministre avait aussi emboîté le pas à son épouse, la députée Lisette Lapointe. Celle-ci a soutenu qu'il fallait étoffer l'article 1 de la «proposition principale» (brouillon du programme qui doit être adopté au congrès d'avril).
Les auteurs de la lettre estiment être «très nombreux» à avoir été rejoints par les propos de M. Parizeau. «Beaucoup de gens disent que la "gouvernance souverainiste" et le "Plan Marois" pour la souveraineté, ça ressemble au programme de 2007 de l'ADQ.» Ces deux piliers de l'approche Marois «tranchent avec ce que le Bloc dit depuis six mois», c'est-à-dire qu'«on n'a plus rien à attendre du fédéral. Après Meech [...], cessons de vivre dans le mirage constitutionnel».
Une source soutient qu'un point important de la lettre, «c'est que la "gouvernance souverainiste", ça n'intéresse pas les gens. Les gens ne trouvent pas ça inspirant. [...] On milite au PQ pas pour la gouvernance souverainiste, mais pour un gouvernement qui va faire la souveraineté.»
SPQ Libre
Pierre Dubuc, secrétaire du SPQ Libre, a soutenu hier ne pas être au courant de l'existence de cette lettre. Le SPQ Libre, un club politique regroupant les «progressistes et des syndicalistes pour un Québec libre», a perdu au printemps dernier la reconnaissance que le parti lui conférait dans ses instances depuis 2005. Malgré tout, il a qualifié de «complètement fou» tout scénario par lequel des militants réclameraient à ce moment-ci la tête de Pauline Marois et son remplacement par le chef bloquiste. «On a un congrès au mois d'avril; on a un vote de confiance. On verra à ce moment-là», a-t-il répondu.
M. Dubuc a toutefois qualifié de «très intéressants» les derniers propos de Jacques Parizeau. «Nous aussi, on a souvent souligné que le Bloc et le PQ tenaient deux discours différents», a-t-il rappelé, soutenant qu'il faudrait «arrimer ces positions». Dans sa «proposition principale», Mme Marois «semble vouloir donner une dernière chance au Canada», opine-t-il. Aussi, M. Dubuc soutient qu'il est encore temps de «renforcer l'article 1»: «On est dans la période de préparation du congrès. Les congrès de circonscription commencent. C'est là que les propositions doivent atterrir. On verra ce qui va en ressortir et on verra les réactions de Mme Marois à ça. C'est le processus démocratique normal qu'on doit respecter.»
L'ancien député péquiste de l'Assomption (1996 à 2007), Jean-Claude Saint-André, qui a longtemps travaillé auprès de Jacques Parizeau à son bureau de circonscription, il dit avoir perdu tout espoir que le PQ redevienne résolument indépendantiste. Il soutient que les propos de son ancien patron n'auront aucun effet, «comme ils n'en ont pas eu en 2005, ni en 1996, etc.» M. Saint-André, qui a été candidat à la chefferie en 2005, a été battu en 2007. Il soutient que c'est parce qu'il était indépendantiste que le parti lui a refusé de porter les couleurs péquistes en 2008. C'est Scott McKay qui a obtenu l'investiture et a remporté la circonscription. Depuis, M. Saint-André est sans emploi et a rompu avec son ancienne formation politique: «Le problème du Parti québécois, ce n'est pas ses chefs. Le problème, c'est le parti lui-même, son establishment. On est en présence d'un groupe de gens qui se sont accaparé le parti. Une bande d'opportunistes et d'ambitieux qui se sert de la cause nationale pour se faire élire», a-t-il pesté lorsque joint par Le Devoir hier.
PQ et BQ «main dans la main»
Par ailleurs, Pauline Marois hier a brièvement réagi aux propos de Jacques Parizeau, soutenant qu'il ne devait pas s'inquiéter: «Je travaille activement à réaliser la souveraineté. Gilles [Duceppe] fait un excellent travail de promotion et, surtout, lui et moi travaillons main dans la main à faire en sorte qu'on atteigne l'objectif. C'est celui de se donner un pays et de faire la souveraineté du Québec.» Gilles Duceppe, lui, a affirmé aussi que Mme Marois et lui travaillaient «tous les deux avec un même objectif de faire du Québec un pays», mais «sur des théâtres d'opération qui sont différents». Que l'ancien chef péquiste l'ait complimenté n'implique pas qu'il «dénigrait l'autre chef».
Les libéraux en général, et le premier ministre Jean Charest en particulier, ont voulu profiter de ce qu'ils considèrent comme une autre des nombreuses «chicanes» dans le mouvement souverainiste. «Tout cela va dans le sens de ce que j'entends et de ce que je vois au sujet de Mme Marois, qui semble de plus en plus isolée. Je constate des divisions profondes au PQ», a opiné le premier ministre.
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Avec La Presse canadienne


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