Relance budgétaire: il est temps...

Crise politique canadian



Dans le contexte du marasme économique et financier dans lequel est plongé aujourd'hui la planète entière, la période des fêtes de Noël apporte son lot quasi-quotidien d'offrandes budgétaires. Bonne nouvelle ou pis-aller?
Il est vrai que les plans de relance ou de stimulation budgétaire atteignent des sommes à faire bondir les réfractaires à l'idée d'une intervention de l'État dans l'économie et à dépasser les espérances des keynésiens. En quelques chiffres, rappelons que les États-Unis ont injecté 1000 milliards de dollars, la Chine 760 milliards, l'Allemagne 52 milliards, le Royaume-Uni 40 milliards, la France 31 milliards. Et le Canada? Pour le moment, aucun plan de relance car la situation économique interne ne le justifiait pas. C'est précisément cette position défensive que le Canada tenait lors de la réunion du G20 à Washington en novembre dernier.
Aujourd'hui, la roue a tourné et le ministre Jim Flaherty annonce un déficit de 30 milliards pour l'exercice 2009. En l'espace de six semaines, le Canada est passé d'un excédent à un déficit record. Pourquoi un tel écart? Parmi les explications possibles, intéressons nous à celle liée à une mauvaise connaissance des politiques de coordination budgétaire. La position du Canada fait étrangement penser à celle de l'Allemagne, mais dans un rôle inverse. En effet, l'Allemagne a renoncé à contribuer financièrement au plan de relance concerté de l'Union européenne, préférant investir à l'échelle domestique. Le raisonnement était simple. Angela Merkel estimait qu'elle faisait déjà sa part puisqu'en soutenant l'économie allemande elle aidait indirectement les pays européens échangeant avec l'Allemagne.
De façon similaire, le Canada anticipait en novembre que la relance budgétaire américaine lui ferait faire l'économie d'un tel plan dans un contexte de campagne électorale. Mauvais calcul? À n'en pas douter. Non seulement le gouvernement fait marche arrière, ce qui suscite la méfiance des ménages et des investisseurs, mais il intervient sans coordination avec les autres pays développés. Dans un scénario d'économie politique fiction, si le Canada avait persévéré dans cette voie unilatérale, sans doute aurait-il perdu toute sa crédibilité au sein du G8.
Le communiqué du G20 appelait à des mesures budgétaires pour stimuler la demande interne en vue de résultats rapides, et insistait sur la nécessité de mettre en place un cadre de politique économique menant à la soutenabilité budgétaire. C'est sans doute sur ce dernier point que le gouvernement Harper a fait une lecture par trop restrictive. En effet, il faut reconnaître que la situation budgétaire, excédentaire depuis 11 ans, lui donne quelque marge de manoeuvre. L'enjeu consiste désormais à définir une politique de relance budgétaire efficace et politiquement acceptable. Cela pourrait par exemple prendre la forme d'un investissement public massif (infrastructures, éducation élémentaire et universités, R&D), d'aide pour la trésorerie des petites et moyennes entreprises ou encore des programmes de formation continue. En revanche, il serait dangereux de succomber aux sirènes des groupes d'intérêt qui demandent de sauvegarder aujourd'hui des secteurs industriels qui demain disparaîtront, ou encore de soutenir une industrie pétrolière sous prétexte que le prix du baril de pétrole est provisoirement bas.
Il est donc temps en cette période exceptionnelle d'adopter une politique économique volontariste qui stimule la demande (baisse d'impôts provisoire), qui renforce la capacité de production et de création des entreprises canadiennes (baisse des taux d'intérêt et crédit impôt innovation) et qui assure une pleine efficacité avec la relance américaine.
En définitive une telle relance pourrait satisfaire les partis de gauche car l'État y joue un rôle moteur et pourrait contenter les partis de droite car le fait de cibler des mesures protège contre le gaspillage des fonds publics. De là à penser que le plan de relance économique est un remède à la crise politique, il n'y a qu'un pas!
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Martial Foucault, Professeur adjoint de science politique et directeur du Réseau économie internationale du CÉRIUM de l'Université de Montréal


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