Le nombre de députés croît périodiquement depuis la Confédération et c'est sans surprise que la tendance devrait se maintenir lors de la prochaine réforme de la Chambre des communes, que le gouvernement conservateur s'apprêterait à déposer.
Selon ce que le quotidien Globe and Mail a appris, la Chambre des communes passerait de 308 à 340 sièges. Ces 32 nouveaux députés représenteraient autant de nouvelles circonscriptions dans les trois provinces canadiennes qui enregistrent une croissance démographique : l'Ontario d'abord (jusqu'à 21 nouveaux sièges), la Colombie-Britannique (jusqu'à sept) et l'Alberta (jusqu'à six). Les scénarios ne seraient pas arrêtés encore.
Le Québec conserverait les 75 sièges qui lui ont été consentis depuis 1976.
Mais l'année des Jeux olympiques, le Canada comptait 265 députés, selon Élections Canada, ce qui signifie que le poids proportionnel du Québec a déjà fondu en 33 ans de 28,3?% à 24,3?%. Et si le plan conservateur est accepté, ce ratio tomberait encore plus bas, à 22,1?%. À ce rythme, la voix du Québec au sein de la Chambre des communes pourrait tomber sous la barre des 20?% d'ici un autre 25 ans. Pas étonnant que le Bloc québécois a réagi très négativement à ce plan. Le député Pierre Paquette a déjà annoncé que son parti prendrait «tous les moyens parlementaires pour retarder le plus possible un vote sur ce projet de loi».
Sentant que la question est fort sensible dans la Belle Province, le chef libéral Michael Ignatieff a émis l'opinion que «le poids du Québec dans la fédération canadienne doit toujours être respecté».
Même si c'est le contraire qui s'est produit au fil des décennies.
En 1867, le Québec comptait sur 65 des 181 députés de la Chambre des communes. Une première réforme majeure l'a vu passer à 73 députés en 1947, puis 75 peu après. Depuis, la chambre élue a grossi d'une dizaine à peu près à tous les 10 ans. Toutes ces circonscriptions ont été ajoutées... en Ontario, en Colombie-Britannique et en Alberta. La proposition que Stephen Fletcher, ministre d'État à la Réforme démocratique, ne fait qu'ajouter à cette tendance lourde.
La puissance des nombres est inéluctable. Le Québec croît à peine, et les provinces maritimes pas plus. Toute la croissance démographique se fait dans les mêmes régions, des régions urbaines peuplées de jeunes électeurs et de membres des communautés ethniques. Chaque circonscription du Québec compte environ 96?500 électeurs, comparé à plus de 106?000 dans les trois provinces ciblées par la réforme. Des ajouts de circonscriptions abaisseraient les populations moyennes du trio sous la moyenne nationale aujourd'hui à 97?500.
Facile de prétendre alors que le Québec est sur une pente descendante que seule une croissance démographique pourrait inverser. Facile aussi de prétendre que le Québec peut toujours compter sur un ratio stable au Sénat, 24 sièges sur 105 (22,9?%), et est la seule province dont le ratio équivaut à peu près à celui de sa population.
Mais l'histoire nous apprend que la démographie a subi plusieurs accrocs au fil des réformes. Si le principe de la représentation selon la population était sous-jacent aux redéfinitions de la Chambre des communes, plusieurs clauses ont été instaurées pour préserver certains droits acquis?: la clause sénatoriale de 1915, la règle des 15?% en 1951, la formule de l'amalgame en 1974. Il serait ainsi tout à fait logique, en ce sens, que la réforme en gestation prenne des mesures concrètes pour préserver le poids de la députation du Québec au sein de la Chambre des communes. Cela a déjà été fait dans le passé, pour le Québec et pour d'autres provinces. Cela pourrait très bien se justifier une fois de plus.
Le premier ministre Stephen Harper a fait reconnaître les Québécois comme une « nation » au sein du Canada, une motion au sens ambigu. Préserver la place du Québec à la Chambre des communes donnerait du poids à cette volonté politique laissée vague jusqu'ici.
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