Quel avenir pour le PQ?

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Depuis la démission fracassante de quatre députés phares du Parti québécois en juin dernier, le mouvement souverainiste se déchiquette tout en appelant à l’unité. Sur la photo, la chef du PQ, Pauline Marois, entourée de quelques membres de sa députation, au moment de réclamer, cette semaine, une intervention du fédéral dans la réfection du pont Champlain.


Étrangement, l'écho médiatique rencontré par le manifeste Brisons l'impasse du Nouveau Mouvement pour le Québec ne tient qu'à une phrase qui critique vertement un PQ «confus et usé». La dure critique dirigée contre le projet de François Legault est à peine évoquée. Rien non plus sur les propositions programmatiques largement inspirées des idées de Québec solidaire, par exemple sur la réforme du mode de scrutin ou sur l'importance de recentrer le combat indépendantiste autour d'une démarche de réappropriation citoyenne (l'assemblée constituante).
Si l'état de confusion au PQ fait couler tant d'encre, c'est sans doute qu'il reflète des fractures qui ne pourront pas être «réparées» avec des appels bien intentionnés à se «resserrer les coudes». Il y a peut-être derrière ces tumultes une profonde mutation, laquelle ferme et ouvre des portes en même temps. Mais les rythmes politiques étant difficiles à prévoir et le PQ ayant traversé tant de bouleversements, mieux vaut rester prudent sur le plan des prévisions!
Le grand projet
À l'origine, le PQ est né d'une volonté de mettre en place une grande coalition sociale et nationale. Il fallait compléter de vastes réformes sociales et créer un État indépendant dans le cadre d'une nouvelle alliance avec le reste du Canada. Autour de ce projet se sont regroupées les nouvelles générations issues de l'université et du secteur public, ainsi que la majorité des couches populaires.
Cependant, malgré les espoirs de René Lévesque et de Jacques Parizeau, les élites économiques québécoises (à l'époque un bien petit «Québec inc.») ont préféré le confort relatif et la solide stabilité du capitalisme canadien et de l'État fédéral. De cette polarisation se sont développés les combats politiques des années 1980-1990.
L'échec
Contre la coalition animée par le PQ, les élites canadiennes et québécoises, avec l'appui de l'impérialisme états-unien, ont alterné menaces et promesses, et ils ont vaincu le camp du changement. Plus encore, ils ont détourné le projet du PQ vers la gestion néolibérale d'une part et l'autonomisme provincial d'autre part. L'«apothéose» de ce détournement de sens est survenue sous la gouverne de Lucien Bouchard.
Bon nombre de militants péquistes de la première heure sont encore sous le choc de ce qu'ils ont perçu comme une trahison. Parallèlement, le Québec inc. en est venu à être le défenseur tous azimuts de l'«espace» nord-américain (et des politiques néolibérales qui vont avec) qui est, selon nos élites, un «acquis» qu'il faut protéger à tout prix, ce qui exclut non seulement la souveraineté (ou l'indépendance), mais le retour du compromis de l'époque keynésienne.
Dos au mur
En perdant pied devant l'élite, le PQ a perdu ses deux raisons d'être. Ses bases électorales ont fondu, pas tellement à cause d'une montée du PLQ, mais parce qu'une grande partie de ses électeurs a choisi la voie de l'abstention (ou est allée à l'ADQ). Aujourd'hui, le projet est bloqué. Le fractionnement du PQ en de mini-PQ qui voudraient retrouver le projet originel nous semble moins porté par la nostalgie que procédant d'une volonté militante de retour à un âge d'or un peu mythique où le parti-mouvement carburait encore aux idées.
Serait-ce assez pour redynamiser le PQ et même faire échouer les ambitions électorales du PLQ et de la Coalition de François Legault? Cela est problématique. Certes, en politique, on ne peut rien prévoir avec certitude (citons comme exemple la remontée inattendue de l'Union nationale à la fin des années 1960).
Reconstruire un bloc social
Il faut poser une question: qui porte maintenant les valeurs d'émancipation au Québec? On constate, comme Pierre Curzi et d'autres, une extraordinaire mobilisation citoyenne traitée de «nuisance» par le discours haineux des élites. De gros grains de sable sont jetés dans l'engrenage du néolibéralisme. Ces mobilisations, en poursuivant sur les acquis des précédentes générations, explorent de nouvelles valeurs et de nouvelles identités. Le féminisme, l'altermondialisme, l'écologisme, notamment, ne sont plus des «ajouts» à l'idée de construire un pays, mais des fondements organiques.
Le pays auquel des jeunes, des femmes, des immigrants, des communautés de régions marginalisées et d'autres rêvent est un «projet de société», beaucoup plus donc qu'un «acte constitutionnel» ou une séparation d'avec le reste du Canada. Ce sont ces couches populaires qui referont un bloc social, lequel pourra éventuellement changer le rapport de force avec les élites agressives de plus en plus inaptes à gouverner. Il faudra du temps cependant.
Changer de posture
On retrouve encore au PQ une partie de ces «forces vives». Des dissidents reconnaissent à quel point le discours dominant au PQ est déconnecté de la population. Qu'ils réussissent à secouer la cage est une bonne chose pour faire échec au projet des élites (québécoises et canadiennes) de «révolution» à droite. Pour autant, il serait préférable qu'un éventuel «nouveau» PQ cesse de se prendre pour le nombril du monde. Il y a au Québec des mouvements sociaux qui ont non seulement des forces pour résister, mais des idées pour reconstruire. Moins d'arrogance est donc à l'ordre du jour.
Si on parle «réformes»
Mais il faut aller plus loin. Il y a un nouvel acteur politique avec Québec solidaire. C'est encore un petit parti à l'influence limitée, mais il est de plus en plus en phase avec les mouvements citoyens. Aussi, le PQ comme les dissidents seraient avisés de prendre QS au sérieux, y compris dans ses propositions de réforme du système politique: ce système, dans lequel le PQ a évolué en alternance au pouvoir, est pourri jusqu'à la moelle et il faut le changer. Parallèlement, il faudrait dialoguer avec QS sur des questions fondamentales, comme le pillage des ressources, que le PQ, malheureusement, a laissé s'aggraver depuis plusieurs années.
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François Cyr et Pierre Beaudet, respectivement chargé de cours à l'UQAM et professeur à l'Université d'Ottawa


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