On pourrait s’inquiéter des menaces que le président Trump vient de proférer contre le Venezuela si on ne tenait pas compte de la confusion actuelle à Washington. Les États-Unis, déjà en déclin depuis les débâcles des néoconservateurs Bush et Cheney, sont aujourd’hui incapables de se démêler des crises en cascades qui leur tombent dessus. Il est donc improbable que les marines débarquent bientôt à Caracas.
On ne peut cependant pas sous-estimer la volonté des États-Unis de reconstituer ce qui était jusqu’à récemment leur « pré carré ». En déclarant que l’ensemble de l’hémisphère devait absolument rester sous l’emprise des États-Unis, l’ancien président James Monroe avait inauguré un cycle d’interventions au sud du Rio Grande, à partir de l’invasion du Mexique jusqu’aux opérations militaires en Haïti, à Cuba et au Nicaragua.
Plus tard, lors de la guerre froide, les États-Unis ont participé au renversement des gouvernements élus au Guatemala, en République dominicaine, au Brésil, au Chili et en Argentine. Ils ont mené des opérations militaires contre le Nicaragua, le Salvador, et évidemment Cuba, tout en envahissant au tournant des années 1980 la Grenade et Panama. Cette énumération partielle illustre une politique étrangère très agressive pour s’assurer le contrôle des ressources, la fiabilité des oligarchies locales et l’élimination de projets visant à porter la bannière de la souveraineté.
Affrontements
Dans les Amériques, la bataille est rude depuis une vingtaine d’années. Le projet impérial de constituer une « zone de libre-échange pour les Amériques » a été contesté, d’abord par les peuples, ensuite par les gouvernements progressistes qui ont enclenché de vastes réformes sociales. De nouvelles politiques de développement social, à l’encontre des politiques imposées par les États-Unis, la Banque mondiale et le FMI, ont réorienté les priorités, au détriment des oligarchies locales qu’avait appuyées Washington pendant longtemps.
Après l’enterrement du projet américain en 2004, plusieurs gouvernements relançaient des projets d’intégration régionale pensés par et pour le Sud, tels le Mercosul, l’Alba, l’Unasur, pour favoriser le développement et accroître les échanges entre les pays en question. Face à cela, les États-Unis, de même que le Canada, ont promu des accords bilatéraux avec des États susceptibles d’accepter le leadership américain, notamment la Colombie où sévissait à l’époque une guerre civile où les États-Unis ont joué un rôle décisif auprès du gouvernement colombien.
Pendant une décennie, les partisans d’une souveraineté latino, avec notamment Hugo Chávez, ont triomphé, surtout après l’échec du coup d’État qui, avec l’appui des États-Unis, a tenté de le renverser en 2002. Washington, visiblement, n’aimait pas le rôle joué par le Venezuela pour rallier la région dans un projet souverainiste. Ils voyaient que Caracas devenait plus influent dans la région, en partie grâce aux vastes projets de coopération impulsés par le Venezuela, en partie grâce aux efforts de Chávez pour constituer un bloc politique contre la domination des États-Unis, ce que Chávez a baptisé « projet bolivarien ». En tant qu’important pays producteur de pétrole qui exporte la majeure partie de ses ressources vers les États-Unis, un Venezuela souverainiste ne pouvait pas être toléré.
Le basculement
Au début de cette décennie, le rapport de force s’est modifié. La chute brutale des prix du pétrole et du gaz a privé le Venezuela, mais aussi le Brésil, l’Équateur et la Bolivie, d’importantes ressources. Le décès de Chávez en 2013 a créé un vide dans un contexte où de nouvelles institutions durables n’ont pas été mises en place.
L’élite locale, qui avait appuyé le coup d’État de 2002, s’est lancée dans une opération de déstabilisation de longue durée, avec l’appui d’institutions spécialisées des États-Unis, comme le National Endowment for Democracy. Les erreurs des successeurs de Chávez, notamment leur propension à violer les règles démocratiques, ont renforcé cette stratégie qui proposait un « regime change », c’est-à-dire une transformation plus en profondeur, pour éradiquer une fois pour toutes le projet bolivarien.
Ce combat politique a été complémenté par des actions pour déstabiliser l’économie et envenimer le climat de violence sévissant à Caracas, où l’opposition a alimenté des groupes militarisés. Diverses tentatives de négociation ou de médiation, y compris celle du pape François, ont échoué. L’opposition reste intransigeante, forte d’une base arrière bien organisée à Washington et à Miami.
> Lire la suite de l'article sur Le Devoir
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé