Québec Solidaire déçoit

Chronique de Patrice Boileau


Il n'est pas question ici d'égratigner le programme politique de la nouvelle formation politique indépendantiste. Ni de ridiculiser ses valeurs de gauche : elles répondent à un besoin légitime d'une tranche de l'électorat québécois.
Le désappointement provient plutôt de la frilosité du parti en ce qui a trait au mode d'accession à la souveraineté qu'il compte utiliser. Celui-ci n'a rien de révolutionnaire : il est loin de représenter une « démarche inédite », comme l'a pourtant annoncé solennellement la principale porte-parole Françoise David, il y a environ deux semaines. En réalité, Québec solidaire reprend la bonne vieille formule étapiste à laquelle s'accrochent les péquistes, à la grande joie des fédéralistes.
En copiant la méthode traditionnelle du Parti québécois, la formation souverainiste de gauche se condamne également à l'attentisme. Celle-ci ne voudra sûrement pas non plus inscrire son nom dans les livres d'histoire comme étant le parti politique responsable de l'ultime défaite référendaire. Le chroniqueur du quotidien Le Soleil, Michel C. Auger, fait exactement le même pronostic : le prochain référendum ne peut en effet être perdu car le Québec ne se relèvera jamais d'un troisième revers, face à Ottawa. Il n'y aura pas de quatrième référendum. Ainsi, sagement, tant et aussi longtemps que le processus référendaire collera au projet indépendantiste; les Québécois bouderont les partis qui s'entêteront à l'employer. Et ces derniers de péricliter.
La « démarche inédite » de Françoise David concerne plutôt la vaste consultation citoyenne qui précèderait un référendum piloté par Québec solidaire. Cette démocratie participative où des « espaces publics de délibération » se multiplieraient, permettrait aux gens de donner leur opinion dans ces « agoras populaires. » Le projet de pays ne serait plus ainsi uniquement l'affaire des experts et autres élites ou dirigeants politiques.
En tout respect, ce processus visant à donner un pouvoir réel aux Québécois rappelle la Commission Bélanger-Campeau. Celle-ci réfléchissait sur l'avenir du Québec. Elle devait finalement mener au référendum de Charlottetown de 1992, puis, ultimement, à celui de 1995. Les ténors de QS veulent bonifier ce mécanisme consultatif institué en 1990 par le gouvernement Bourassa en le multipliant de manière à atteindre toutes les régions du Québec et ainsi donner la parole à un maximum de personnes. L'idée n'est pas mauvaise. Rien n'empêche cependant Québec solidaire de l'appliquer immédiatement.
Manifestement, la formation souverainiste de gauche n'innove en rien : elle confond sa « phase préparatoire » et celle du vote. Certes, les consultations que veut superviser QS peuvent sembler nouvelles. Reste qu'en bout de ligne, le recours à la méthode référendaire pour permettre aux Québécois d'exprimer leur choix ne l'est absolument pas. On ne peut croire en conséquence Françoise David lorsqu'elle affirme que son parti offrira une façon originale aux gens de se prononcer sur leur avenir politique.
Étonnant que QS n'ait pas profité de sa création pour se démarquer illico de son rival souverainiste en faisant le constat que la société civile ne veut plus de l'étapisme référendaire. Celle-ci l'exprime pourtant clairement dans presque tous les sondages des dernières années. Ce processus démocratique n'est plus utilisable depuis 1995 : les intentions illégales de l'État canadien l'invalident. Il eut été tout à fait louable que Québec solidaire se rende au vœu de la population.
Après avoir suscité de l'espoir peu de temps après sa fondation, Québec solidaire a vu dernièrement ses appuis s'essouffler. Il ne fallait pas s'attendre à autre chose lorsque l'on offre aux Québécois la gouverne provinciale. Que le projet de société suggéré soit de gauche, à droite ou au centre, l'électorat québécois est dorénavant sceptique quant aux chances de voir les objectifs fixés se réaliser. Il y a longtemps maintenant qu'ils connaissent les limites de l'Assemblée nationale puisque captive du cadre fédéral canadien. Ils ont été plus de 300 000 à le démontrer en boudant les urnes lors du dernier scrutin général en avril 2003. Combien seront-ils à les imiter, en 2007, au grand plaisir des à-plat-ventristes qui nous dirigent présentement?
Gérald Larose a déclaré la semaine dernière, devant des étudiants à Trois-Rivières, que la souveraineté doit être l'enjeu de la prochaine élection. La gouverne provinciale n'enchante plus personne au Québec. Le président du Conseil de la souveraineté à entièrement raison. Les ténors de Québec solidaire auraient intérêt à discuter avec lui, afin de voir comment son organisme non-partisan peut les aider à actualiser leur cadre stratégique. La jeune formation souverainiste peut réellement apporter un vent de fraîcheur qui soufflera la grisaille politique que le cercle vicieux référendaire a instaurée au Québec.
Dénouer cette impasse qui paralyse la société québécoise, qui l'empêche de se réaliser pleinement et de quitter les corridors du concert des nations, passe par l'élection décisionnelle à la majorité absolue des suffrages exprimés. Les Québécois pourront ainsi trancher à l'élection de leur choix, sans subir l'intense pression que renferme un troisième référendum sans appel. QS pourrait jouer un rôle de rassembleur en étant le premier à tendre la main aux autres formations politiques progressistes. Le Conseil de la souveraineté pourrait incarner cette agora multipartite où un pacte pour la souveraineté liant des partis politiques pourrait être formé.
La formation souverainiste de gauche rendrait un immense service au Parti québécois en optant pour la voie élective afin de doter le Québec d'un statut national. Le PQ d'André Boisclair qui offrira à la prochaine élection la gouverne provinciale aux Québécois et ultimement, un référendum sans lendemain, se dirige tout droit vers une défaite ou au mieux, une victoire extrêmement serrée. Or, il est évident qu'on ne peut construire quoi que ce soit à partir d'un faible mandat populaire. Pire : une fois installé à la tête d'un pouvoir provincial, le gouvernement ne peut que gérer la décroissance qui attise alors le mécontentement général... et la perte de popularité. Bref : la grisaille politique. Pourquoi ne pas être solidaire à autre chose?


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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    24 novembre 2006

    Merci beaucoup monsieur Boileau pour votre éclairage. Québec Solidaire constituait mon dernier espoir de voir l'approche stratégique Laplante-Parizeau-St-André adoptée pour contourner l'écueil de la loi C-20 et réussir l'indépendance du Québec. Le congrès de cette fin de semaine comportait une commission politique sur la méthode d'accès à la souveraineté dans laquelle tout devait être sur la table. Si c'est une stratégie aussi dilatoire qui est adoptée par les congressistes, ça en dira long sur le genre de programme ou de politiques que ce parti pourra adopter. J'avais pourtant une grande confiance envers Françoise David et Amir Khadir. Ainsi donc, Québec Solidaire deviendrait un autre parti passe-partout, un "ADQ de gauche" comme le craignaient plusieurs membres issu(e)s de l'Union des Forces progressistes (UFP).
    Les électeurs de gauche seront donc à nouveau laissés sur leur appétit. Après le SPQ Libre qui a été marginalisé au sein du Parti Québécois par André Boisclair, le mieux qu'ils pourront espérer, même avec une vague solidaire, sera un gouvernement provincial aussi impuissant que les autres. Dire que nos valeureux Patriotes ont dû accepter de se battre avec des fourches et des pelles contre les troupes de Colborne, voir leurs femmes violées, leurs enfants jetés dans la neige, perdre leurs maisons brûlées par les Anglais et se faire pendre comme des criminels pour nous voir saboter aussi lâchement et maladroitement une chance incroyable de réaliser notre pays de façon démocratique.
    C'est assurément dans les mois à venir que nous saurons s'il reste encore des femmes et des hommes qui sauront faire passer l'urgence de donner la liberté à leur population avant leurs intérêts personnels.